L’influence du mouvement revendicatif des femmes Soulaliyates sur l’adoption de politiques foncières égalitaires au Maroc (1/2)
Source : maroc-diplomatique.net
19.04.2021
Coline Real
Au Maroc, les femmes Soulaliyates, originaires des terres collectives rurales, n’ont jamais connu que discrimination. Parce qu’elles sont femmes, elles ne détiennent pas le droit de gérer les terres, d’en jouir, et d’en hériter. Pourtant, ces terres, elles les habitent et les exploitent au même titre que les hommes.
En 2008, pour la première fois, ces femmes, jusqu’alors invisibles, se sont élevées contre ces discriminations et se sont emparées de l’espace public pour revendiquer leurs droits et réclamer l’égalité. Onze années plus tard, en 2019, elles ont obtenu l’adoption d’une loi qui leur reconnaît le droit de jouir comme les hommes des terres collectives.
Cette série d’articles propose d’analyser comment un groupement de femmes rurales est parvenu à s’imposer sur la scène politique marocaine comme un acteur légitime et audible et à faire évoluer l’action publique en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les terres collectives.
L’émergence d’un contexte favorable à la reconnaissance des droits humains des femmes dans les années 2000
À l’aube du deuxième millénaire, le Maroc a entrepris une transition décidée vers le libéralisme politique. Dans ce cadre, une série de réformes législatives a été engagée afin d’éliminer certaines normes discriminatoires à l’encontre des femmes. Les premières avancées ont été apportées par les réforme de la Moudawana, ou Code du Statut personnel, en 2004, du Code du travail, en 2004, ainsi que du Code de la Nationalité en 2007. Les nouveaux textes ont consacré l’égalité entre les époux en droits et responsabilités, reconnu aux femmes le droit au divorce et à la garde des enfants, rehaussé l’âge du mariage de 15 à 18 ans[1]En réalité, cette réforme n’a pas suffi à mettre un terme aux mariages des mineurs en raison de vides juridiques persistants et du trop important pouvoir discrétionnaire laissé aux juges. En … Continue reading, érigé le harcèlement sexuel sur le lieu de travail en faute grave et, enfin, octroyé aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants.
L’apogée de cette dynamique égalitaire a été atteinte en 2011 avec l’adoption d’une nouvelle Constitution qui consacre explicitement, en son article 19, l’égalité entre les femmes et les hommes[2]Si des avancées majeures ont pu être constatées depuis plusieurs décennies, l’égalité de jure et de facto est encore loin d’être atteinte. Parmi les discriminations les plus notables … Continue reading. L’inscription du principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans la norme suprême de l’État marocain revêt une dimension symbolique forte mais emporte également des conséquences pratiques non négligeables. La Constitution est placée au-dessus de toutes les autres normes juridiques qui doivent s’y conformer. Par conséquent, toute norme juridique qui serait discriminatoire à l’encontre des femmes est contraire à la Constitution et pourrait être annulée, à ce titre, par la Cour constitutionnelle.
Cette reconnaissance progressive des droits humains des femmes a été favorisée par l’évolution du contexte socio-politique marocain dans les années 1990. Le mouvement marocain pour les droits des femmes, qui a accompagné le XXe siècle sous des formes épisodiques, est finalement devenu « un nouvel acteur doté d’un projet politique et social cohérent et ambitieux, à savoir celui de rétablir les femmes dans leurs droits et dans leur dignité »[3]Rabéa Naciri, « Le mouvement des femmes au Maroc », Nouvelles Questions Féministes, Volume 33, Numéro 2, 2014, p.43.. Après des années voire des décennies de militantisme, les féministes, réunies en organisations à partir des années 1980, sont parvenues à insérer les droits des femmes dans l’agenda politique et social. Leurs revendications ont obtenu un réel écho à partir de l’accession au trône du Roi Mohammed VI, en 1999, qui a affiché la volonté de rompre avec l’autoritarisme de son prédécesseur et père, le Roi Hassan II.
Les femmes rurales, à l’intersection des discriminations de genre et de milieu
Cette ouverture politique a permis aux Marocaines d’acquérir et de jouir de nouveaux droits. Néanmoins, ces avancées ont majoritairement bénéficié aux femmes citadines. Les indicateurs du Haut-Commissariat au Plan[4]Le Haut-Commissariat au Plan est une structure ministérielle chargée de produire l’information statistique économique, démographique et sociale. relatifs à la situation socio-économique des femmes au Maroc démontrent l’existence d’inégalités entre les femmes et les hommes plus élevées en milieu rural, mais également celle d’inégalités marquées entre les femmes elles-mêmes selon leur lieu de résidence. Il apparaît que les femmes rurales sont défavorisées tout au long de leur existence[5]Haut-Commissariat au Plan, « A propos de la femme rurale au Maroc », Les Brefs du Plan, n°10, 25 octobre 2019.. Elles ont un accès à l’éducation très restreint. Elles ne sont que 40 % à être scolarisées au niveau secondaire collégial, contre 81 % des filles citadines, et 13 % au niveau secondaire qualifiant, contre 58 % des filles citadines. En 2014, 60 % des femmes rurales étaient analphabètes, soit deux fois plus que les femmes citadines.
Par ailleurs, les femmes vivant en milieu rural bénéficient de faibles opportunités de participation à la vie économique. Elles sont concentrées dans le secteur agricole, où les emplois sont peu valorisés, et dans le statut d’aide familiale, qui ne fait souvent pas l’objet de rémunération. Cette ségrégation à la fois horizontale et verticale du marché de l’emploi contribue à accroître la précarité et la vulnérabilité des femmes rurales. Elles sont enfin confrontées à de grandes difficultés d’accès aux différents services de santé. Les conséquences s’en font ressentir sur leur espérance de vie qui est inférieure de 4,3 ans à celle des femmes citadines (75,3 ans contre 79,6 ans) et sur leur taux de mortalité maternelle qui est plus de deux fois supérieur à celui des femmes en milieu urbain (111,1 décès pour 100 000 naissances contre 44,6).
Ces disparités, à l’œuvre dans tous les domaines, peuvent être analysées à la lumière de la nature du mouvement des femmes dont les revendications ont grandement façonnées tant les réformes législatives que les politiques publiques porteuses d’égalité. Ce mouvement était constitué d’« une élite citadine, instruite et économiquement active[6]Rabéa Naciri, « Le mouvement des femmes au Maroc », Nouvelles Questions Féministes, Volume 33, Numéro 2, 2014.» et était donc éloigné, en tout point, des femmes rurales, de leurs réalités, et de leurs besoins spécifiques.
L’année 2007 a marqué un tournant dans l’histoire du mouvement des femmes au Maroc. Il s’agit de la date à laquelle des centaines de femmes rurales se sont regroupées dans le mouvement revendic
atif des femmes Soulaliyates et ont investi l’espace public et politique. Leurs revendications : obtenir le respect de leur droit d’accéder à la terre, de l’exploiter et d’en récolter les fruits.
L’exclusion des femmes du droit de jouissance des terres collectives
Les femmes Soulaliyates sont appelées ainsi en référence à la soulala, le lien généalogique qui unit les membres d’une collectivité à celle-ci. Elles sont membres de tribus qui vivent dans des terres régies par la propriété collective. La particularité de ces terres, c’est leur mode de gestion. Il repose sur un système de partage. Le droit de propriété appartient à la collectivité, qui est dotée de la personnalité morale, tandis que les membres qui la composent ne disposent que d’un droit d’usage. La propriété collective n’est pas une particularité marocaine. Des modèles similaires existent en Algérie, en Tunisie, en Mauritanie, en Guinée, au Rwanda, au Burundi, au Laos[7]Najib Bouderbala, « L’État et la modernisation des terres collectives » in Rubino R. et Morand-Fehr P. (ed.), Systems of sheep and goat production : Organization of husbandry and role of … Continue reading.
Au Maroc, les terres collectives représentent une proportion importante du territoire nationale. Étendues sur 15 millions d’hectares, elles occuperaient près d’un tiers de l’ensemble du territoire. Par ailleurs, elles regrouperaient 10 millions d’habitant.e.s, soit presque un quart de la population totale.
Cette structure traditionnelle de la propriété a été durablement démantelée sous le Protectorat français (1912-1956). Dans l’optique de s’accaparer les terres soumises à ce statut, l’administration française a, par le dahir (décret) du 27 avril 1919, confisqué le droit de propriété à la collectivité et l’a octroyé à l’État, plaçant ainsi les terres collectives sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. Par ailleurs, ce texte prévoit que les décisions relatives aux terres ne pourront être adoptées qu’avec l’autorisation du Conseil des tutelles. Cet organe, créé de toutes pièces par l’administration coloniale, est composé de nouabs (représentants de la Jmaâ, c’est-à-dire de la collectivité), mais également de représentants du Ministère de l’Intérieur et de représentants du Ministère des Eaux et des Forêts. Autrement dit, les collectivités sont dépossédées et leurs membres sont déchu.e.s de leur pouvoir de décision vis-à-vis des terres qu’ils et elles occupent.
Le dahir de 1919 instaure également une hiérarchie entre les différent.e.s membres de la collectivité. Il prévoit que le droit d’usage des terres collectives est réservé aux « chefs de famille ». Les contours de cette expression n’ont pas été définis. Néanmoins, ces mots, qui sont ceux du pouvoir central français, prennent tout leur sens à la lumière de la situation des femmes en France à cette même époque. En vertu du Code Napoléon, adopté en 1804 et toujours en vigueur dans la France de 1919, « Le mari [devait] protection à la femme, la femme [devait] obéissance à son mari » et les femmes mariées étaient juridiquement incapables. Sous la plume du colon français, « chefs de famille » était assurément synonyme d’« hommes ».
L’administration française n’est pas la première à avoir privé les femmes marocaines de leur droit de jouissance sur les terres collectives. Durant l’ère pré-coloniale, certaines coutumes, c’est-à-dire des usages et des pratiques ayant acquis valeur de droit, étaient déjà discriminatoires à l’encontre des femmes[8]Jean Le Coz, Le Rharb, fellahs et colons : étude de géographie régionale, Volume 1, Centre universitaire de la recherche scientifique, 1964, p.263.. L’argument mobilisé par les hommes pour justifier cette exclusion était la crainte de voir les femmes, qui étaient incapables juridiquement, transmettre, par le mariage, leur droit de jouissance à un homme membre d’une autre collectivité. Ces règles coutumières variaient d’une collectivité à l’autre et étaient fluides puisque non écrites. C’est donc bien l’introduction d’un cadre légal positiviste par le dahir de 1919 qui a érigé l’exclusion des femmes en principe en figeant cette règle et en la généralisant à toutes les collectivités[9]Yasmine Berriane et Karen Rignall, « La fabrique de la coutume au Maroc : Le droit des femmes aux terres collectives », Cahiers du Genre, 2017/1, n°62, pp. 97-118..
Le dahir de 1919, bien que vestige de la colonisation, a été maintenu à l’indépendance du Maroc en 1956. Il est encore aujourd’hui le texte de référence pour les terres collectives. Toutefois, il a été complété et précisé par des lois et circulaires ultérieures. Notamment, une circulaire adoptée en 1957 est venue clarifier les contours de l’expression « chefs de famille ». En vertu de ce texte, sont « chefs de famille » les « hommes mariés, depuis 6 mois au moins, ou [les] veuves de collectivités ayant au moins un enfant ». L’explicitation de l’exclusion des femmes emporte, en principe, l’impossibilité pour celles-ci d’exploiter les terres, de bénéficier de leurs rendements agricoles, et de les gérer. Il apparaît néanmoins dans la pratique que les femmes travaillent la terre au même titre que les hommes.
Les femmes sont également défavorisées au moment de la succession de laquelle elles sont exclues. Le droit d’usage des terres collectives disparaît avec le dernier membre masculin de la famille. À défaut de descendant masculin, la part du défunt est distribuée à la collectivité puis attribuée à de nouveaux ayants-droit[10]Bensouda Korachi Taleb, Vers la privatisation des terres : le rôle de l’État dans la modernisation des régimes fonciers au Maroc, 1998, site de la FAO..
Il est également à noter que les terres collectives ne sont pas seulement administrées par le dahir de 1919, qui se contente de fixer les principes communs à toutes. Elles sont également régies par les orfs, règles élaborées par chaque collectivité et relevant du droit coutumier. Ces orfs priment sur la loi et peuvent lui déroger, et ce que ce soit dans un sens plus ou moins favorable. Par exemple, dans la collectivité des Mehdawa de la ville de Mehdia, il est prévu, par les orfs, que la veuve d’un ayant-droit peut exploiter la part de son fils tant qu’il est mineur[11]Yasmine Berriane, « Inclure les « n’ayants pas droit » : Terres collectives et inégalités de genre au Maroc », L’Année du Maghreb, n°13, 2015, pp.61-78..
Si l’exclusion des femmes est la règle, il existe des exceptions qui ne sont pas prévues par un texte mais qui sont quelquefois observées dans la pratique. Les femmes qui sont indépendantes des hommes, à savoir les célibataires, veuves et divorcées, et qui ne peuvent donc pas profiter, indirectement, du droit de jouissance d’un époux, peuvent parfois bénéficier, par leur lien à un membre masculin de la collectivité (père, frère, oncle), d’une part indirecte du rendement agricole. Cette solidarité intrafamiliale demeure toutefois dépendante du bon vouloir des membres de la famille, et notamment des hommes, qui, en octroyant ce privilège à leur fille, mère ou nièce, perdent une partie des leurs.
La melkisation[12]Néologisme marocain signifiant la transformation d’une terre collective, ou d’une terre guich, une terre concédée en jouissance par l’État makhzenien à des tribus en contrepartie d’un … Continue reading des terres collectives : accélérateur des inégalités de genre
Le dahir de 1919, qui a déclaré les terres collectives « inaliénables, insaisissables et imprescriptibles », a, dans le même temps, prévu la possibilité de les céder à une institution étatique ou à une commune, soit par accord mutuel entre les collectivités et le Conseil de tutelle, soit par une expropriation forcée. Plusieurs lois adoptées après 1919 sont venues faciliter la cession des terres collectives. C’est notamment le cas de la loi du 19 mars 1951, qui a introduit la possibilité de céder les terres collectives situées dans des territoires urbains ou dans les périphéries des villes[13]La cession est autorisée à deux conditions : l’aval du Conseil de tutelle concernant le prix de cession doit être recueilli et la moitié des revenus générés par la cession doivent être … Continue reading et de la loi du 25 juillet 1969, qui a transformé les terres collectives situées en zones d’irrigation en terres melk indivises.
Les opérations de cession des terres collectives se sont accélérées à la fin du XXème siècle dans le cadre de l’ajustement structurel. L’économie marocaine, qui était basée sur le marché extérieur et sur un interventionnisme marqué de l’État, n’a pas été épargnée par la crise économique et financière des années 1980. La baisse du prix des phosphates, socle de la santé économique du pays, jumelée à l’intensification de la guerre coûteuse du Sahara occidental, a compromis l’équilibre budgétaire et la balance commerciale du Maroc[14]Michel Labonne, “Ajustement structurel au Maroc : le secteur agricole en transition”, in M. Allaya (ed.), Options Méditerranéennes : Série B. Etudes et Recherches, n°14, Les … Continue reading. C’est dans ce contexte que le Maroc a négocié le rééchelonnement de sa dette extérieure avec les institutions de Bretton Woods. En contrepartie, il s’est engagé à conduire, dès 1983, une politique d’ajustement structurel qui s’est traduite par un désengagement massif de l’État et par une conversion à la logique de marché. Il a notamment été décidé de moderniser et d’améliorer la productivité du secteur agricole en réformant le régime foncier. Les terres collectives, qui représentent 18 % de la surface agricole utile[15]Hassania Chalbi-Drissi, “Le genre dans les nouvelles politiques foncières au Maroc”, in Bernard Founou-Tchuigoua et Abdourahmane Ndiaye (dir.), Réponses radicales aux crises agraires et rurales … Continue reading, c’est à dire du territoire consacré à la production agricole, n’attirent pas les investisseurs en raison de leur non immatriculation et de la discontinuité du droit de jouissance[16]Pour rappel, le droit de jouissance se perd avec la disparition du dernier homme de la famille et est redistribué à de nouveaux membres de la collectivité. Dans le cas où les nouveaux … Continue reading. Les terres melk, dont le régime est semblable à celui de la propriété privée en droit romain, offrent davantage de sécurité aux investisseurs et sont donc propices au développement agricole. Pour cette raison, l’État a accéléré le processus de melkisation des terres collectives dans les années 1990.
Les opérations de location ou de cession des terres entreprises dans le cadre du phénomène de melkisation ont donné naissance à d’importants conflits au sein des collectivités. Les indemnisations reçues en contrepartie de ces opérations pouvaient prendre la forme de compensations financières ou de lopins de terre équipés. La répartition des bénéfices entre les membres de la collectivité était faite conformément à des listes d’ayants-droit établies par les nouabs. Dans de nombreuses collectivités, les femmes n’ont pas été inscrites sur ces listes, conformément aux règles juridiques et coutumières en vigueur, et ont ainsi été considérablement lésées. Les femmes indépendantes des hommes ont été défavorisées et ont été plongées dans une grande précarité, contraignant certaines à vivre en situation de rue.
La légitimation, par l’État, des discriminations basées sur le genre dans l’accès à la terre
Les listes d’ayant-droit composées exclusivement de noms d’hommes ont été massivement acceptées et donc validées par le ministère de l’Intérieur, le rendant ainsi complice de graves discriminations basées sur le genre.
Certaines femmes ont protesté pour réclamer leur droit à bénéficier, au même titre que les hommes, des fruits de la cession ou de la location des terres qu’elles avaient travaillé comme eux. Toutefois, le ministère de l’Intérieur s’est déchargé de sa responsabilité de tuteur en renvoyant, systématiquement, au dahir de 1919 selon lequel la gestion des conflits intracommunautaires repose sur les nouabs, c’est-à-dire sur ces mêmes hommes qui étaient à l’origine des listes discriminatoires.
Jusqu’alors observateur et passif, le ministère de l’Intérieur a rapidement endossé un rôle actif dans l’exclusion des femmes en émettant, en 2007, une circulaire encadrant les modalités d’élaboration des listes d’ayants-droit. Ce texte prévoit que les listes d’ayants-droit doivent être établies en fonction de critères préalablement définis par les nouabs réunis en assemblée. Parmi les exemples de critères donnés figure le sexe[17]Yasmine Berriane, « Inclure les « n’ayants pas droit » : Terres collectives et inégalités de genre au Maroc », L’Année du Maghreb, n°13, 2015, pp.61-78.. Autrement dit, le ministère de l’Intérieur autorise la discrimination basée sur le sexe dans la définition des ayants-droit.
Conclusion
L’adoption de cette circulaire a fait exploser la colère des femmes Soulaliyates et a été l’élément déclencheur de leur mobilisation. Elles ont rapidement rassemblé leurs forces au sein d’un mouvement revendicatif qui a porté une voix forte sur la scène publique et politique à tel point qu’il est parvenu à faire évoluer l’action publique.
Retrouvez la deuxième partie de cet article ici
Pour citer cet article : Coline REAL, « L’influence du mouvement revendicatif des femmes Soulaliyates sur l’adoption de politiques foncières égalitaires au Maroc (1/2) », 19.04.2021, Institut du Genre en Géopolitique.
References
↑1 | En réalité, cette réforme n’a pas suffi à mettre un terme aux mariages des mineurs en raison de vides juridiques persistants et du trop important pouvoir discrétionnaire laissé aux juges. En 2018, 40 000 filles mineures ont été mariées selon la présidente du Conseil National des Droits de l’Homme, Amina Bouayach. |
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↑2 | Si des avancées majeures ont pu être constatées depuis plusieurs décennies, l’égalité de jure et de facto est encore loin d’être atteinte. Parmi les discriminations les plus notables figurent l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse, la criminalisation des relations sexuelles hors mariage (davantage préjudiciable aux femmes compte tenu de l’existence d’un culte autour de leur virginité avant le mariage), l’absence de criminalisation du viol conjugal, l’inégalité successorale, la persistance des mariages de mineures, l’autorisation de la polygamie, la sous-représentation politique des femmes, leur surreprésentation dans les emplois précaires ou non rémunérés, l’inégalité d’accès à la terre. |
↑3 | Rabéa Naciri, « Le mouvement des femmes au Maroc », Nouvelles Questions Féministes, Volume 33, Numéro 2, 2014, p.43. |
↑4 | Le Haut-Commissariat au Plan est une structure ministérielle chargée de produire l’information statistique économique, démographique et sociale. |
↑5 | Haut-Commissariat au Plan, « A propos de la femme rurale au Maroc », Les Brefs du Plan, n°10, 25 octobre 2019. |
↑6 | Rabéa Naciri, « Le mouvement des femmes au Maroc », Nouvelles Questions Féministes, Volume 33, Numéro 2, 2014. |
↑7 | Najib Bouderbala, « L’État et la modernisation des terres collectives » in Rubino R. et Morand-Fehr P. (ed.), Systems of sheep and goat production : Organization of husbandry and role of extension services, Zaragoza : CIHEAM, 1999, p.339-344 (Options Méditerranéennes : Série A. Séminaires Méditerranéens ; n.38). |
↑8 | Jean Le Coz, Le Rharb, fellahs et colons : étude de géographie régionale, Volume 1, Centre universitaire de la recherche scientifique, 1964, p.263. |
↑9 | Yasmine Berriane et Karen Rignall, « La fabrique de la coutume au Maroc : Le droit des femmes aux terres collectives », Cahiers du Genre, 2017/1, n°62, pp. 97-118. |
↑10 | Bensouda Korachi Taleb, Vers la privatisation des terres : le rôle de l’État dans la modernisation des régimes fonciers au Maroc, 1998, site de la FAO. |
↑11, ↑17 | Yasmine Berriane, « Inclure les « n’ayants pas droit » : Terres collectives et inégalités de genre au Maroc », L’Année du Maghreb, n°13, 2015, pp.61-78. |
↑12 | Néologisme marocain signifiant la transformation d’une terre collective, ou d’une terre guich, une terre concédée en jouissance par l’État makhzenien à des tribus en contrepartie d’un service rendu, en une terre melk, dont le régime est assimilé à celui de la propriété privée en droit r omain. |
↑13 | La cession est autorisée à deux conditions : l’aval du Conseil de tutelle concernant le prix de cession doit être recueilli et la moitié des revenus générés par la cession doivent être investis pour répondre aux besoins en infrastructures ou pour effectuer des travaux agricoles sur les terres restantes. |
↑14 | Michel Labonne, “Ajustement structurel au Maroc : le secteur agricole en transition”, in M. Allaya (ed.), Options Méditerranéennes : Série B. Etudes et Recherches, n°14, Les agricultures maghrébines à l’aube de l’an 2000, 1995, p. 298. |
↑15 | Hassania Chalbi-Drissi, “Le genre dans les nouvelles politiques foncières au Maroc”, in Bernard Founou-Tchuigoua et Abdourahmane Ndiaye (dir.), Réponses radicales aux crises agraires et rurales africaines : Agriculture paysanne et démocratisation des sociétés rurales et souveraineté alimentaire, CODESRIA, Dakar, 2012, p. 61. |
↑16 | Pour rappel, le droit de jouissance se perd avec la disparition du dernier homme de la famille et est redistribué à de nouveaux membres de la collectivité. Dans le cas où les nouveaux ayants-droit seraient endettés, les créanciers s’exposeraient au non remboursement des prêts octroyés au défunt. |