Les ex-combattantes de la guerre civile sierra-léonaise : conditions d’exclusion du programme de Désarmement, Démobilisation et Réintégration de l’Organisation des Nations-Unies.
05.07.2021
Emma Donnaint[1]Une version préliminaire de cet article a été rédigée par Emma Donnaint dans le cadre du cours POL 6614 – Consolidation de la paix à l’Université de Montréal.
La Guerre Civile sierra-léonaise débute en mars 1991, alors que le Front Révolutionnaire Uni (RUF), appuyé par le président libérien Charles Taylor, envahit la Sierra Leone depuis le Libéria[2]Denov, Myriam et Richard Maclure. 2006. “Engaging the Voices of Girls in the Aftermath of Sierra Leone’s Conflict: Experiences and Perspectives in a Culture of Violence” Anthropologica 48(1) : … Continue reading. Les accords de Lomé, qui mettent officiellement fin au conflit, sont signés entre le gouvernement sierra-léonais et les différentes parties du conflit le 7 juillet 1999[3]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press.. Sur la scène médiatique internationale, les femmes étaient les victimes d’une violence sexuelle perpétrée de manière systématique à grande échelle : selon les estimations de l’organisation Physicians for Human Rights, elles seraient 257 000 à avoir subi viols et agressions sexuelles durant la décennie de guerre[4]Physicians for Human Rights. 2002. War-related Sexual Violence in Sierra Leone: A Population-Based Assessment. Boston : Physicians for Human Rights.. Cependant, ce cadrage médiatique a contribué à un processus de victimisation des Sierra-Léonaises durant la guerre civile[5]Marks, Zoe. 2013. “Sexual Violence Inside Rebellion : Policies and Perspectives of the Revolutionary United Front of Sierra Leone” Civil Wars 15(3) : 359 – 379., invisibilisant ainsi la diversité des rôles qu’elles ont pu occuper dans le cadre du conflit armé. En réalité, certaines étaient espionnes, d’autres guerrières. Certaines ont porté les armes, d’autres ont tué et violé. Elles étaient alors des combattantes actives décrites comme plus « diaboliques et sanglantes » que les hommes[6]Coulter, Chris. 2008. “Female Fighters in the Sierra Leone War: Challenging the Assumptions?”. Feminist Review 88 : 54-73.. Néanmoins, être combattante ne signifiait pas bénéficier d’un bouclier les protégeant des violences genrées et sexuelles qui ont traversé l’entièreté du conflit. Être femme au sein d’une milice ou d’un groupe rebelle durant le conflit civil a impliqué des dynamiques genrées qu’il est nécessaire de reconnaître telles que les violences sexuelles. La grande majorité des femmes membres des groupes armés ont été victimes de rapt, en moyenne à l’âge de 12 ans[7]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. Plus de la moitié ont été mariées de force et toutes déclarent avoir subi des viols[8]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace..
Il est dès lors primordial de rendre compte d’un statut beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. « Victime » et « agresseuse » sont deux appellations s’inscrivant dans une binarité qui laisse entendre qu’un.e individu ne peut être les deux en même temps dans un contexte de conflit. Or, une femme n’arrête pas d’être une victime en devenant agresseuse, comme elle n’échappe pas à la violence qu’elle commet en étant victime[9]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. Il est ainsi nécessaire de déconstruire un discours dominant qui vient réifier « l’expérience féminine de la guerre », en produisant un portrait monolithique des rôles qu’elle a occupé en situation de conflit[10]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Cette catégorisation a des conséquences directes sur la reconstruction post-conflit : en comprenant les combattantes sierra-léonaises comme des « femmes associées à la guerre », ou de simples membres, elles se sont vu refuser le statut de soldat qui pourtant leur incombait[11]MacKenzie, Megan. 2009. “Securitization and Desecuritization: Female Soldiers and the Reconstruction of Women in Post-Conflict Sierra Leone”. Security Studies 18(2) : 241-261.. Considérées comme victimes, les autorités ont négligé un pan entier de leur responsabilité dans la guerre civile. Sans comprendre la complexité de leur participation et les dynamiques genrées qui la composent, elles ont vu leur accès au processus de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration (DDR) limité[12]MacKenzie, Megan. 2009. “Securitization and Desecuritization: Female Soldiers and the Reconstruction of Women in Post-Conflict Sierra Leone”. Security Studies 18(2) : 241-261..
Cet article s’attache ainsi à montrer comment une vision réductrice des rôles qu’ont occupés des femmes sierra-léonaises durant la guerre civile a conditionné leur participation au programme de DDR.
Qu’est-ce que le programme de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) ?
Le programme de DDR est constitué de trois phases. La première est le désarmement, qui est défini comme étant la « collection, le contrôle, et la disposition de toutes les armes »[13]Rapport du Secrétariat Général. 2000. The Role of the United Nations Peacekeeping in Disarmament, Demobilization and Reintegration. New-York : United Nations., qu’elles soient petites, explosives, légères ou lourdes, qu’elles appartiennent aux combattant.es ou aux civils[14]Rapport du Secrétariat Général. 2000. The Role of the United Nations Peacekeeping in Disarmament, Demobilization and Reintegration. New-York : United Nations.. La deuxième phase, la démobilisation consiste en la réduction ou le démantèlement des forces factionnelles et des groupes, dans le cadre d’une transformation de la guerre à la paix[15]UNPDKO. 1999. Disarmament, Demobilization, and Reintegration Standards. Glossary: Terms and Definition. New-York : United Nations Disarmament, Demobilization and Reintegration.. Enfin, la phase de réintégration a pour but d’encourager les activités sociales et économiques des ancien.nes rebelles dans les communautés[16]UNPDKO. 1999. Disarmament, Demobilization, and Reintegration Standards. Glossary: Terms and Definition. New-York : United Nations Disarmament, Demobilization and Reintegration.. Autrement dit, le DDR est pensé pour aller au-delà du simple désarmement : il doit être complété par la réhabilitation et la reconstruction de la société pour une nation sûre[17]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press.. Le programme de DDR sierra-léonais s’est clôturé en décembre 2003 : depuis 2001, sous l’égide de la mission des Nations-Unies au Sierra Leone (UNAMSIL), 75 000 combattants auraient été démobilisés, incluant 4 571 femmes (6,5%) et 6 787 enfants (9,4%), dont 506 étaient des filles[18]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. Cependant, contrairement au nombre important de combattantes (on estime qu’au moins 30% des membres des groupes armés étaient des femmes), le nombre de participantes au programme de DDR est très faible. En se fiant aux chiffres précédemment soulignés, seulement 23,5% des femmes ayant appartenu à un groupe armé ont pu participer au programme de DDR[19]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press..
Les ex-combattantes, les cibles manquées du programme de DDR sierra-léonais
Si le désarmement n’est pas la seule composante du programme de DDR, il constitue dans le cas de la Sierra Leone, sa porte d’entrée. Pour participer au programme, selon les critères établis par le UNAMSIL précitée, il fallait tout d’abord avoir plus de 18 ans, puis pouvoir se présenter avec une arme et être finalement capable de démonter et de rassembler un AK-47[20]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. La pratique de considérer une arme comme étant la preuve de la participation au conflit civil et de l’appartenance à un groupe rebelle démontre un manque de compréhension des dynamiques de genre et de pouvoir au sein de ces groupes. En effet, de nombreuses combattantes avaient déjà dû donner leurs armes à leurs maris bien avant le début du DDR, d’autres se sont vues forcées de les donner à leurs commandants, et enfin, lorsqu’elles ne se battaient que périodiquement, certaines combattantes ne possédaient pas d’armes qui leur appartenaient[21]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. De plus, les femmes n’avaient pas forcément été informées de la possibilité de participer au DDR : l’information passait majoritairement par les anciens commandants. Ils avaient la capacité de décider qui était éligible, et donc par extension, de décider qui pouvait bénéficier ou non du programme[22]Mazurana, Dyan E. et Linda Eckerbom Cole. 2013. “Women, Girls, and Disarmament, Demobilization and Reintegration (DDR).” Dans Women and Wars, sous la direction de Carol Cohn 194–214. Cambridge: … Continue reading. La hiérarchie au sein des groupes était profondément genrée et discriminante : si les femmes occupaient des rôles de combattantes, elles n’étaient considérées que comme des membres de second rang[23]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Par conséquent, la clé de la participation au DDR, l’arme, qui pouvait être échangée contre de l’argent, était placée en priorité entre les mains des membres masculins[24]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University..
En définitive, associer l’arme à la participation à la guerre civile, sans considérer que celle-ci puisse avoir été aux prises de dynamiques de genre et de pouvoir, a contribué à discriminer les femmes à l’entrée au programme de DDR. Ne détenant pas d’armes, certaines femmes se sont trouvées sans preuve physique démontrant leur participation et de leur appartenance au groupe.
La phase de démobilisation : l’enjeu des violences sexuelles négligé
La phase de démobilisation en Sierra Leone s’est traduite par l’installation de camps de cantonnement. Ces camps étaient mixtes : bien souvent, les combattantes, lorsqu’elles sont parvenues à participer au programme, se sont retrouvées à vivre avec leurs agresseurs[25]Cullen, Laura C. 2020. « Female Combatants and the Post-Conflict Process in Sierra Leone. » Journal of International Women’s Studies 21 (2): 114-25. De plus, l’usage des drogues y était répandu, et a contribué à une augmentation importante du nombre de viols envers les femmes qui vivaient dans les camps[26]Lahai, John Idriss. 2015. “Gendering Conflict and Peacebuilding in Sierra Leone” dans Female Combatants in Conflict and Peace, sous la direction de Seema Shkhawat. Londres : Palgrave Macmillan.. Face à cela, certaines ex-combattantes ont refusé de participer au DDR, préférant changer de statut pour s’enregistrer auprès du gouvernement comme victimes de violences sexuelles[27]Lahai, John Idriss. 2015. “Gendering Conflict and Peacebuilding in Sierra Leone” dans Female Combatants in Conflict and Peace, sous la direction de Seema Shkhawat. Londres : Palgrave Macmillan.. Ce changement de statut pouvait aussi être contraint : des femmes ont été dirigées vers des services pour les victimes de violences sexuelles après avoir vu leur accès au programme de DDR refusé[28]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press..
Face à ces risques, l’incitatif pour les ex-combattantes de se rendre volontairement dans des camps majoritairement masculins était faible et contre-productif[29]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Un tel constat prouve que le continuum de violences dans les camps de cantonnement n’a pas été pris en considération par le UNAMSIL. En effet, l’absence de prise en compte des risques que constituaient la mixité des camps, tant pour la santé physique et mentale des femmes, que pour son impact sur la volonté des femmes de participer au DDR, montre que le programme n’avait pas pour objectif de démobiliser les milliers de combattantes[30]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Ignorées, des femmes ont dès lors du faire un choix : se désarmer, se démobiliser, et se réintégrer, avec les risques que cela impliquait pour elles, ou choisir de retourner à la vie en société post-conflit seules et par elles-mêmes.
Se réintégrer par le programme de DDR : le poids de stigmatisation
Pour beaucoup d’ex-combattantes, participer au programme de DDR était une façon d’avouer avoir fait partie d’un groupe armé, et implique de devoir faire face à la stigmatisation et à la honte qu’une telle participation induisait[31]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Certaines ex-combattantes ont alors préféré cacher leur identité et leur passé, et réintégrer leurs communautés sans passer par le programme de DDR, qui aurait contribué à dévoiler leur appartenance aux groupes armés durant la guerre. Pour beaucoup, il s’agissait donc d’éviter d’être catégorisées comme des « déviantes »[32]MacKenzie, Megan. 2009. “Securitization and Desecuritization: Female Soldiers and the Reconstruction of Women in Post-Conflict Sierra Leone”. Security Studies 18(2) : 241-261.. Dans l’imaginaire collectif, tant en Occident que dans la société sierra-léonaise, une femme ne se bat pas. Mais peu à peu, les rumeurs relatives à la violence et la cruauté des combattantes ont suffi à inspirer la peur et la méfiance de la part des civils à leur égard[33]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Cette violence était considérée par les membres des communautés comme contraire à la nature nourricière des femmes, des mères qui devraient protéger la vie[34]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Ce faisant, tenter de réintégrer une communauté sans se cacher signifiait prendre le risque de se retrouver exclue, car une femme qui agit contre sa nature n’est pas digne du mariage, ni même de porter la vie[35]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Ainsi, le fait que des photos d’identité soient requises dans le cadre de la participation au programme de DDR a exacerbé la volonté des femmes de ne pas y prendre part. Ces photographies étaient la manifestation physique d’un comportement honteux[36]Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University.. Ainsi exposées, il n’était pas possible pour les ex-combattantes d’échapper à leur passé.
Seulement, chercher à masquer son appartenance passée à un groupe armé devient impossible lorsque certaines ex-combattantes retournent dans leurs communautés en étant mariées et mères d’enfants rebelles. Les groupes armés ne prêtaient pas attention au système de castes présent dans les communautés sierra-léonaises : dès lors, mariées de force à des hommes de castes différentes, leurs enfants sont considérés comme illégitimes selon les mœurs et le système social de la communauté[37]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press.. La stigmatisation que cela peut entraîner a des conséquences concrètes. Les ex-combattantes risquent de se retrouver dans une très grande précarité, puisque coupées des réseaux de leurs communautés. Elles ne peuvent pas non plus bénéficier des soins et de la protection que l’État, qui, après une décennie d’instabilité, n’est pas encore capable d’en fournir[38]Mazurana, Dyan E. et Linda Eckerbom Cole. 2013. “Women, Girls, and Disarmament, Demobilization and Reintegration (DDR).” Dans Women and Wars, sous la direction de Carol Cohn 194–214. Cambridge: … Continue reading.
Alors que gouvernement sierra-léonais s’est félicité après les trois années du programme de DDR d’un désarmement complet des deux groupes armés les plus importants, c’est-à-dire le Front Révolutionnaire Uni (RUF) et les Forces de Défense Civile (CDF)[39]MacKenzie, Megan. 2012. “Chapter 2 : Female Soldiers in Sierra Leone, Sex, Security, and Post-Conflict Development” dans Female Soldiers in Sierra Leone New-York : New-York University Press., les résultats de la réintégration des ex-combattantes sont beaucoup plus contrastés. Dans un tel contexte, certaines se sont tournées vers la prostitution et les crimes pour leur survie, d’autres ont quitté le pays pour servir dans d’autres groupes armés de la région, notamment au Libéria[40]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace.. Sans outils sensibles au genre, le programme de DDR n’a pas su prendre en considération les besoins spécifiques des ex-combattantes sierra-léonaises[41]Mazurana, Dyan et Khristopher Calson. 2004. From Combat to Community: Women and Girls of Sierra Leone Washington DC : Women Waging Peace..
Conclusion
Les ex-combattantes sierra-léonaises sont l’un des exemples paradigmatiques des conséquences d’une catégorisation des femmes en un seul et même groupe homogène : pensées en victimes, elles n’ont pas été considérées comme de potentielles combattantes. Le programme de Désarment, de Démobilisation et de Réintégration, débuté en 2001, n’a pas su faire face aux défis qu’impliquaient les dynamiques de genre et de pouvoir qui étaient inhérentes au fonctionnement des groupes armés durant la guerre civile. Qu’il s’agisse des critères d’entrée, de la violence sexuelle systémique dans les camps de cantonnement, d’une réintégration qui n’a pas été suffisamment pensée en termes de genre et de discriminations, les ex-combattantes étaient les étrangères d’un processus qui aurait dû les réintégrer pleinement à la société post-conflit. Finalement, ne pas avoir reconnu les rôles actifs que les femmes ont occupés pendant la guerre les a exclus du programme de DDR, car les spécificités de leurs expériences complexes n’ont pas été prises en compte dans sa programmation.
L’attention portée aux violences sexuelles faites aux femmes durant le conflit n’a pas pour autant aidé les femmes à être entendues sur le sujet : le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, créé en 2002 et clôturé en 2013, a exclu les preuves et les témoignages de femmes ayant subies viols et agressions sexuelles perpétrés par le groupe armé pro-gouvernemental, les Forces de Défense Civile (CDF)[42]Staggs Kelsall, Michelle et Shanee Stepakoff. 2007. “’When We Wanted to Talk About Rape’: Silencing Sexual Violence at the Special Court for Sierra Leone” The International Journal of … Continue reading. L’attention médiatique n’a pas non plus remis en cause les rouages genrés de la justice post-conflit. En 2019, la Première dame sierra-léonaise, Fatima Bio, a lancé la campagne « Hands Off Our Girls » visant à porter l’attention sur une culture du viol omniprésente dans le pays. Les femmes sont appelées à prendre le leadership sur la lutte contre les violences à caractère sexuel, et espèrent parvenir à réformer une justice en Sierra Léone qui les avait jusque-là laissée pour compte.
Bibliographie
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Pour citer cet article : Emma DONNAINT, « Les ex-combattantes de la guerre civile sierra-léonaise : conditions d’exclusion du programme de Désarmement, Démobilisation et Réintégration de l’Organisation des Nations-Unies », 05.07.2021, Institut du Genre en Géopolitique.
Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’auteur.ice.
References
↑1 | Une version préliminaire de cet article a été rédigée par Emma Donnaint dans le cadre du cours POL 6614 – Consolidation de la paix à l’Université de Montréal. |
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↑2 | Denov, Myriam et Richard Maclure. 2006. “Engaging the Voices of Girls in the Aftermath of Sierra Leone’s Conflict: Experiences and Perspectives in a Culture of Violence” Anthropologica 48(1) : 73 – 85. |
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↑4 | Physicians for Human Rights. 2002. War-related Sexual Violence in Sierra Leone: A Population-Based Assessment. Boston : Physicians for Human Rights. |
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↑6 | Coulter, Chris. 2008. “Female Fighters in the Sierra Leone War: Challenging the Assumptions?”. Feminist Review 88 : 54-73. |
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↑10, ↑23, ↑24, ↑29, ↑30, ↑31, ↑33, ↑34, ↑35, ↑36 | Coulter, Chris. 2009. Bush Wives and Girl Soldiers: Women’s Lives through War and Peace in Sierra Leone. Ithaca : Cornell Press University. |
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↑42 | Staggs Kelsall, Michelle et Shanee Stepakoff. 2007. “’When We Wanted to Talk About Rape’: Silencing Sexual Violence at the Special Court for Sierra Leone” The International Journal of Transitional Justice 1 : 355 – 374 |