16.11.2022
Julia Ricci
Le Forum de Paris sur la Paix s’est tenu le 11 et le 12 novembre 2022 et avait pour but de mettre en lumière les nombreux défis globaux actuels qui entravent la paix. Le Forum tend à impulser des initiatives et des projets multilatéraux pour trouver des solutions durables et efficaces pour la paix. Divers acteurs du secteur privé comme du secteur public sont présents pour répondre à ces défis et débattre sur les enjeux contemporains mondiaux.
Ce Forum a également été l’occasion d’aborder les sujets relatifs aux droits des femmes et à l’égalité des genres. Plusieurs table rondes ont permis de débattre de ses sujets qui promeuvent l’émancipation et l’autonomisation des femmes, leur rôle dans les secteurs financiers et du digital, et la politique étrangère féministe. Le Forum a réuni plusieurs intervenant·e·s, principalement des femmes, de différents domaines avec des aspirations multiples pour soutenir l’engagement et la promotion de la participation des femmes dans tous les secteurs de la société. Il en ressort des termes forts comme « intersectionnalité », « intégration », « inclusion », « participation », « représentation » et « incitation ». Il y a une volonté d’amélioration et un optimisme qui persévèrent pour la reconnaissance du rôle et de la place des femmes à toutes les échelles. L’une des grandes leçons est le besoin de changement des mentalités et de paradigme pour ne plus percevoir les femmes comme des victimes ou incapables de prendre des décisions, de gérer l’économie ou d’occuper des postes à responsabilités.
La politique étrangère féministe, un outil accélérant l’égalité des genres et la paix
Le principal sujet du forum est la paix car cette dernière est menacée, comme les droits des femmes. Les discussions ont traité du besoin d’avoir des femmes pour encourager la stabilité et la paix, en promouvant l’accès des femmes au capital et en améliorant leur représentation dans les prises de décisions. Selon Lyric Thompson, vice-présidente du centre international de la recherche sur les femmes (ICRW), atteindre cette égalité des genres est permise par des investissements dans les politiques étrangère féministes. Malgré l’augmentation des investissements de certains pays dans ce domaine, ils restent insuffisants tout comme les mécanismes mis en place pour que les femmes prennent totalement part à la politique étrangère féministe de leur pays.
Plusieurs témoignages d’intervenant⸱e⸱s ont montré que la politique étrangère féministe est un moyen d’atteindre l’égalité des genres et de faire avancer la cause des femmes. Les femmes doivent avoir une vraie place aux tables des négociations car elles ont une approche différente, sont à l’avant-poste des soulèvements populaires dans la lutte contre le patriarcat et les violences, et pour la participation politique. C’est ce qu’a témoigné la présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili, sur son implication et succès dans les négociations pour le retrait des bases russes du pays il y a 15 ans. La principale conclusion lors de la table ronde sur « Accélérer la diplomatie féministe en chiffres » est de donner une voix aux femmes, de les écouter pour établir de nouvelles perspectives qui amènent la paix.
Il a été évoqué la continuité entre la situation nationale d’un pays et sa politique étrangère féministe. En ce sens, les gouvernements tentent de réformer l’éducation pour déconstruire les modèles de représentations qui catégorisent l’homme comme supérieur, avec des mesures comme la lutte contre les violences, l’émancipation économique, la santé et la promotion de la culture de l’égalité. Il est également évoqué la dimension continentale européenne. En effet, l’Union européenne veut améliorer l’égalité au sein de son territoire, au travers de mesures qui touchent les salaires, la transparence, les congés paternité et maternité. Ainsi, il y a une volonté d’harmonisation intra-européenne. De plus, l’Union européenne veut porter ces valeurs à l’international comme le pluralisme, la démocratie, le féminisme, pour établir un dialogue avec les partenaires étatiques, notamment grâce à son pouvoir normatif.
Les femmes et la technologie, le besoin d’efforts pour l’inclusion et la reconnaissance
Les technologies et le monde digital sont des facteurs d’émancipation des femmes mais aussi de production d’inégalités. Pour Donia Kaouach, présidente d’un réseau de femmes Tunisiennes Fières, c’est un domaine qui manque de diversité car 85% des développements technologiques et des innovations en termes d’intelligence artificielle sont faits par des hommes blancs. Le futur du monde digital et numérique doit être inclusif et éthique pour pallier les inégalités.
Chiara Corazza, membre du conseil consultatif pour la parité du G7, estime que pour plus de représentativité et d’inclusion des femmes dans ces domaines, il faut un changement de mentalités. La discussion « Breaking the glass ceiling: for a feminist and inclusive digital economy » soulève non seulement le défi de l’inclusivité dans le secteur numérique et technologique où les normes sociales, le manque de diversité et les stéréotypes entraînent une reproduction de ces derniers dans les outils numériques de demain, mais aussi le difficile accès des femmes à ces domaines. Les intervenant·e·s ont insisté sur l’importance de cette accessibilité qui favorise leur autonomie sociale, leur permettant de gagner des compétences, de s’assurer des revenus durables et d’apporter une approche humaniste et inclusive prenant en compte les besoins de la moitié de la population mondiale. Les femmes ne peuvent être exclues d’un secteur aussi crucial, qui est déjà omniprésent dans nos quotidiens et qui ne cessera de se développer à l’avenir. Les besoins sont nombreux même si des organisations se concentrent sur l’inclusion des femmes dans ces secteurs partout dans le monde. Il y a par exemple un manque de fonds et d’investissements considérables pour créer un endroit sûr ou un Hub numérique, mais également un besoin de reconnaître les femmes qui s’engagent dans le domaine des technologies car il n’y a pas de modèle d’inspiration féminin.
La principale conclusion de cette discussion est que les femmes restent les principales actrices de leur émancipation, car elles sont un puissant facteur de changement. Par ailleurs, un autre sujet controversé a été soulevé : la question des quotas. Une polarisation autour de ce sujet persiste entre le besoin ou non de quotas, qui peut être une solution temporaire efficace mais pas une fin en soi.
Le monde de la finance et les femme, le micro-crédit comme moyen d’émancipation
Une des discussions était centrée sur l’incitation des femmes à devenir entrepreneures. Chiara Corazza énonce ce chiffre de 28 000 milliards de dollars qui pourraient être ajoutés au PIB mondial si davantage de femmes étaient intégrées à l’économie. Pour cela, une des mesures proposées par le programme AFAWA en Afrique, qui favorise l’accès des femmes au financement, est de donner plus de moyens économiques aux femmes comme les micro-crédits, les prêts pour les financements et les inciter à répondre aux appels d’offres en soutenant les femmes dans leur contribution et en facilitant l’environnement dans lequel la finance et l’écosystème évoluent. Un consensus se dégage entre les intervenant·e·s pour dire qu’il y a un besoin d’augmenter les investissements et de vérifier et mesurer leurs impacts dans le monde politique et financier par le biais de la collecte d’informations et de données sur les femmes entrepreneures et leurs besoins.
Toutes ces dispositions sont vouées à accélérer la diversification du monde économique et des institutions financières. En effet, la faible participation et inclusion des femmes dans le domaine de la finance et de l’économie est à déplorer. Quelques chiffres sont évoqués par Chiara Corazza sur le manque de représentation et d’inclusion des femmes dans le système économique et financier. Par exemple, seulement 2% des femmes sont directrices dans la finance, 6% sont PDG dans les grandes entreprises et 11% sont directrices financières et moins de 2% ont accès au capital.
Ce manque d’inclusion permet de soulever l’enjeu de ce domaine qui est la défense de l’autonomisation des femmes. D’après Cristina Catania, médiatrice de la table ronde sur le « lancement d’un engagement féministe en faveur d’investissements internationaux », agir au niveau multilatéral doit favoriser leur accès au système financier mondial. Une des solutions proposées par Chiara Corazza pour mesurer, vérifier et évaluer les impacts positifs sur le genre est les indicateurs ESG (Environnement, Social, Gouvernance). Cet outil peut permettre d’avoir une nouvelle vision de la situation financière et des retours sur investissement durables, s’il prend en compte d’autres critères comme l’inclusion et l’égalité. Une autre issue est l’accord de prêt pour un projet conditionné par un impact positif pour l’égalité des genres.
Conclusion
Les secteurs, les enjeux, les défis et les solutions abordés lors des discussions au Forum de Paris pour la Paix prennent en compte la participation et l’inclusion des femmes. La question de l’égalité des genres est une des composantes de la stabilité et de la paix et il y a une volonté d’engagement des acteurs internationaux pour atteindre cette égalité. Les discussions ont principalement traité du cadre légal de cette émancipation, des politiques mises en place pour inclure les femmes comme la politique étrangère féministe et les moyens économiques donnés aux femmes pour s’autonomiser. Les principales idées restent de prendre conscience que les droits des femmes sont des droits humains, de faire du féminisme une norme et de travailler avec les hommes pour atteindre l’égalité pour tou·te·s.
Bibliographie
Paris Peace Forum. (2022a, novembre 11). Accélérer la diplomatie féministe en chiffres [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=-iIYUlfq9V8
Paris Peace Forum. (2022b, novembre 12). Breaking the glass ceiling : for a feminist and inclusive digital economy [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=3cTAZZNajEE
Paris Peace Forum. (2022c, novembre 12). Lancement d’un engagement féministe en faveur d’investissements internationaux [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=DjXKUDeOUbU
Pour citer cette production: Julia Ricci, « Le Forum de Paris sur la Paix, vers une prise de conscience internationale pour l’égalité des genres ? », 16.11.2022, Institut du Genre en Géopolitique, https://igg-geo.org/?p=9579.