Au Maroc, les femmes migrantes subsahariennes s’organisent entre elles pour éviter les violences

Temps de lecture : 11 minutes

Autrice : Perle Guichenducq
13/10/2023

Durant l’intégralité de leur parcours migratoire, les femmes sont « surexposées à des situations de violence » qui sont liées « aux conditions d’accueil souvent, inadéquates ou précaires, à leurs conditions de précarité administrative et économique […], mais aussi à des difficultés d’adaptation au pays de refuge[1]Rapport France Terre d’Asile (2018). Les violences à l’égard des femmes demandeuses d’asile et réfugiées en France. … Continue reading ». À titre d’exemple, ONU Femmes révèle dans une étude de 2018 réalisée sur des migrantes réfugiées ou demandeuses d’asile en France, qu’au moins une réfugiée ou femme déplacée sur cinq aurait été victime de violences sexuelles[2]ONU Femmes, (n.d.), Les réfugiées et les migrantes, https://www.unwomen.org/fr/news/in-focus/women-refugees-and-migrants.

Même si les médias donnent aujourd’hui une représentation plutôt masculine[3]Les représentant·es de l’extrême droite européenne: « agitent le chiffon rouge d’un déferlement de vagues masculines de réfugiés sur le « vieux continent » ». Mais ce … Continue reading de la migration, les femmes représentent, près de la moitié des flux migratoires mondiaux[4]D’après le rapport de l’OIM, en 2020, 47,9% des personnes migrantes dans le monde sont des femmes. Rapport OIM, (2022). États de la migration dans le monde d’ici 2022. … Continue reading. Invisibilisées, de plus en plus de femmes se lancent seules (parfois avec leurs enfants) sur les chemins de l’exil et subissent un continuum de violences : harcèlement, pressions émotionnelles ou psychologiques, agressions physiques, violences sexuelles, viols. Les femmes sont plus vulnérables aux agressions physiques et/ou sexuelles à cause de leur genre, mais aussi, en raison d’autres facteurs comme le poids du patriarcat ou encore les politiques et les législations des pays de transit et d’arrivée. Depuis les années 1990, les flux migratoires ont explosé[5]« Depuis le début des années 1990, les flux migratoires au départ de l’Afrique subsaharienne et en direction de l’Afrique du Nord prennent une ampleur inédite. » Les flux d’Afrique … Continue reading, notamment en Afrique, ainsi selon, un rapport récent de l’OIM : « entre 2000 et 2019, le nombre de migrants internationaux en Afrique est passé de 15,1 millions à 26,6 millions, soit l’augmentation relative la plus forte (76 %) parmi toutes les grandes régions du monde[6]Ibid 3 ».
Au carrefour des routes migratoires, pays à l’histoire millénaire, le Maroc est un pays de transition, une étape de parcours, pour celleux qui souhaitent atteindre le continent européen.

Au cours de ces quinze dernières années[7]Le phénomène s’est accentué avec l’arrivée massive de migrants : entre le 1er janvier et le 15 septembre 2015, ou plus de 430 000 personnes sont parvenues à rejoindre l’UE via … Continue reading, les membres de l’Union européenne ont progressivement mis en place des politiques de contrôle des frontières sévères et une politique migratoire de plus en plus externalisée. Si bien que le Maroc qui a été un pays d’émigration, se trouve être aujourd’hui un pays de transit et est devenu, pour certain·es, un pays de destination forcée, mais aussi choisie[8]Il existe une migration souhaitée et souvent légale, les migrant·es viennent pour étudier, travailler, fonder une famille ou encore passer leur retraite. En guise d’exemple, selon Médias24, en … Continue reading. Les migrant·es sont des personnes en situation de grande vulnérabilité et les femmes le sont d’autant plus. Dans les grandes villes marocaines, comme à Casablanca où elles sont refoulées et contraintes d’y séjourner, elles doivent s’organiser entre elles pour éviter d’y subir des violences. Cet article vise à comprendre comment les femmes subsahariennes migrantes se protègent des violences au Maroc.

Différents facteurs accroissant la vulnérabilité des migrantes face aux violences

Au Maroc, les violences envers les femmes et les filles sont répandues, elles puisent notamment leur origine dans les normes patriarcales qui perpétuent la domination des hommes sur les femmes. L’un des derniers rapports du Haut-Commissariat au plan fait état des violences subies par les femmes marocaines, 62,8% des femmes âgées 18 à 65 ans déclarent avoir subi des violences psychologiques, physiques et sexuelles parmi elles 55% déclarent avoir subi des violences conjugales et 13,5% des violences familiales[9]Haut-Commissariat au Plan (2019), Enquête nationale sur la violence à l’encontre des Femmes et des Hommes.. Ces violences sont peu dénoncées, notamment car ces femmes craignent les sanctions sociales et ont peur d’être rejetées par leur communauté et/ou leur famille.

Il n’existe pas de statistiques officielles sur les violences faites aux migrantes au Maroc, mais les différentes ONG comme Médecins sans frontières (MSF) mettent en avant « un phénomène aux proportions immenses[10]Rapport de MSF (2010), Violences sexuelles et migration, La réalité cachée des femmes subsahariennes arrêtées au Maroc sur la route de l’Europe. ». Les derniers rapports chiffrés de MSF mettent en avant que : « une femme sur trois prise en charge par MSF à Rabat et Casablanca a admis avoir subi un ou plusieurs épisodes de violence sexuelle, que ce soit dans son pays d’origine, pendant le processus de migration ou une fois sur le territoire marocain[11]Ibid 10. ». Ces chiffres ne représentent que partiellement la réalité, car de nombreuses femmes n’osent pas témoigner[12]Comme leurs homologues marocaines, elles craignent les sanctions sociales et ont peur d’être rejetées par leur communauté et/ou leur famille..

Elles sont victimes au quotidien de situations racistes que ce soit dans la rue ou dans les transports en commun, ainsi Khadija[13]Son nom a été changé, car elle souhaite garder l’anonymat. raconte : « souvent dans le bus, j’entends des hommes se moquer et insulter des femmes subsahariennes qui prennent place sur les sièges, parce qu’elles sont noires. Parfois certains leur crachent même dessus »[14]Propos de Khadija, une aide-ménagère de nationalité marocaine de 56 ans qui vit dans le quartier « Errahma » de Casablanca et qui chaque jour prend le bus pour se rendre sur son lieu de travail, … Continue reading. Elles sont parfois appelées par leurs agresseurs : « Azzi »[15]En 2014, une campagne lancée par le collectif « Papiers pour tous » dénommée « Je ne m’appelle pas azzi. J’ai un nom ! ». En darija (dialecte marocain) « Massmiytich Azzi ! » lancée le … Continue reading ou « kerlouch » surnoms péjoratifs se traduisant par « nègre » et faisant référence à la période esclavagiste. À Casablanca, les migrantes racontent les vols et les violences quotidiennes qu’elles subissent tout comme une partie de la population. Ce qui diffère, c’est que leurs agresseurs en profitent, car ils connaissent leur vulnérabilité et l’impossibilité qu’elles ont de les dénoncer[16]Alianza por la Solidaridad (2018), Des voix qui s’élèvent, analyse des discours et des résistances des femmes subsahariennes au Maroc. … Continue reading. Elles sont aussi victimes de discrimination au logement : certains propriétaires refusent de louer leur appartement à des personnes subsahariennes et affichent même des pancartes sur leur hall d’immeubles « Interdiction de louer des appartements aux Africains[17]Les observateurs et France24 (18/07/2013), À Casablanca, des propriétaires tentent d’interdire la location aux « Africains ». … Continue reading ».

Ces dernières années on assiste comme dans d’autres pays maghrébins ou européens à une augmentation des discours racistes et de haine que subissent les migrant·es irrégulier·es dans le royaume chérifien, qui se traduit par des épisodes de violences conduisant à la mort de certains d’entre elleux[18]En 2014, Charles N’Dour sénagalais qui travaillait dans un café à Mer Sultan, Casablanca était parti rendre visite à des amis à Tanger. Il est mort poignardé par des jeunes marocains qui … Continue reading. En mars 2023, à la suite des propos xénophobes du président tunisien Kais Saïed et face à la recrudescence de ces discriminations au Maghreb et au Maroc, seize ONG marocaines ont dénoncé dans un communiqué conjoint les discours de haine et au racisme à l’encontre des migrant·es irrégulier·es d’origine subsaharienne et plaidaient pour y mettre fin[19]En ligne : https://www.gadem-asso.org/des-ong-marocaines-mettent-en-garde-contre-les-racisme-visant-les-migrants/.

Les agressions que les femmes migrantes subissent sont donc multiples et leurs agresseurs appartiennent à divers milieux sociaux et peuvent occuper des positions différentes au sein de la société : citoyens ordinaires, membres de la même communauté (migrants, passeurs), ou même des agents de police. Pour ces hommes, les migrantes sont : « comme des objets ou des marchandises ». Pour eux, elles ne sont personne et ne représentent absolument rien. Il s’agit de « femmes sans visage et sans nom, en un mot sans identité attestée »[20]Laacher, S. « Les violences faites aux femmes pendant leur voyage clandestin : Algérie, France, Espagne, Maroc », New issues in refugee research, Research Paper n°188. UNHCR. Policy Development … Continue reading.

Elles sont aussi confrontées à des barrières multiformes, celle de la langue, de l’isolement, de leur méconnaissance des systèmes de santé locaux, mais surtout des barrières institutionnelles et administratives qui les mettent dans l’incapacité de dénoncer aux autorités les violences dont elles sont victimes et de consulter des médecins.

Les violences dont elles sont victimes sont très largement sous-estimées parce qu’elles sont invisibles, d’une part car elles n’osent pas témoigner par crainte de représailles ou alors par peur d’être ostracisées[21]En ligne : https://www.msf.org/fr/rdcongo/violences-sexuelles?topic=All&format=All&province=All&node_created=&page=3/. Ces violences ne peuvent pas être officiellement recensées et comptabilisées. D’autre part, une partie de ces violences est légitimée par la société patriarcale, ainsi la frange la plus conservatrice de la société marocaine défend l’idée qu’une femme victime de violences en est responsable en raison de son comportement ou alors de sa manière de s’habiller qui provoquerait ses agresseurs[22]Violences contre les femmes : l’appli française « The Sorority » fait ses débuts au Maroc, 2021. En ligne : … Continue reading.

Des stratégies pour éviter les violences

Au Maroc, ces violences s’exercent surtout dans l’espace public (agression, vol, viol), dans la sphère privée et dans le cadre du travail. Pour éviter ces violences, les femmes s’organisent entre elles, avec les membres de leur diaspora, ou encore avec des acteurs locaux. Le principal problème qu’elles rencontrent lorsqu’elles arrivent à Casablanca c’est l’absence de logement. La rue est un des lieux les plus propices aux agressions. De plus, la méconnaissance du pays les rend bien plus vulnérables. Une fois arrivé à Casablanca, leur premier objectif est donc d’être logées rapidement.

Elles vont alors mettre en place différentes stratégies pour atteindre cet objectif. Ces femmes en situation irrégulière ne peuvent pas louer des appartements de façon légale, c’est pourquoi des associations locales comme Caritas ou le Samu social mettent en place des solutions provisoires de logements en leur fournissant des aides pécuniaires pour quelques mois. Passé ce délai, elles doivent trouver des activités génératrices de revenus pour pouvoir payer un loyer.

La docteure Nadia Mouchtak[23]Interview réalisée à Casablanca. Le docteur Mouchtak est spécialiste en psychiatrie, sommeil et ses pathologies et précarité et santé mentale. Elle est présidente de l’association Afak … Continue reading explique que les femmes sont prioritaires, notamment quand elles ont des enfants ou si elles sont enceintes. Parfois, ces enfants ne sont pas nécessairement les leurs, mais les migrantes les ont pris en charge pendant leur parcours migratoire ou après leur arrivée au Maroc. Cette démarche peut être une manière d’obtenir la priorité pour l’accès à un logement. Mais cela peut devenir un défi supplémentaire en raison du manque de ressources pour payer un logement digne et subvenir aux besoins essentiels.

Une autre stratégie consiste à s’organiser avec les membres de leur diaspora ou de leur famille proche ou éloignée, en se regroupant dans des quartiers[24]Le « petit Sénégal” dans le quartier de la médina de Casablanca en est un exemple., immeubles, appartements avec d’autres femmes. D’après C.[25] Elle est d’origine sénégalaise, elle vit au Maroc depuis un dizaine d’années et n’est plus en situation irrégulière., il existe un système de rotation, certaines femmes qui travaillent et logent chez leur employeur·es, la semaine, sous-louent leur chambre à d’autres femmes lorsqu’elles sont absentes. Une fois dans ces quartiers qui se situent en périphérie de Casablanca[26]Comme à « Errahma » entre Casablanca et Tamaris., elles essaient de se mettre sous la protection de femmes qui sont là depuis plus longtemps et qui leur permettent de tisser des réseaux de connaissances. Auprès de ces femmes, elles peuvent se confier sur les violences dont elles sont victimes et se sentent comprises, car ces compagnes de voyage ont elles aussi vécu des situations de violence similaires. En outre, ces femmes connaissent mieux leurs droits au Maroc[27] Ibid 17.. Elles peuvent également se mettre sous la protection d’hommes appelés « grands frères » et recréent alors un système d’organisation communautaire emprunté à leur pays d’origine.

Une fois un logement trouvé, elles doivent subvenir à leurs besoins en se livrant à des activités génératrices de revenus, dans un premier temps dans le domaine informel puis une fois régularisées dans le domaine formel. Souvent ces femmes commencent par mendier notamment aux feux rouges des grands carrefours casaouis et peuvent aussi se livrer à la prostitution. Le manque d’opportunités professionnelles les condamne souvent à survivre en exerçant des activités dangereuses ou non désirées. Ainsi, une migrante interviewée en 2018 par l’ONG Alianza Por la Solidaridad expliquait : « Nous ne vivons pas, nous ne faisons que survivre. Nous n’avons pas de vie, nous n’avons pas de projets. La seule chose que nous avons en tête est qu’un jour, si Dieu ouvre la porte, nous irons en Europe. Je n’ai pas une vie normale »[28]Interview faite à Casablanca 26/01/2018..

Pour celles qui choisissent de rester au Maroc, l’objectif est de pouvoir être régularisée afin de séjourner légalement au Maroc et de pouvoir bénéficier d’une couverture médicale (RAMED)[29]Le RAMED permet aux bénéficiaires, personnes défavorisées qui n’ont pas l’Assurance maladie obligatoire, de bénéficier d’une couverture médicale et d’accéder gratuitement aux soins … Continue reading, mais aussi de pouvoir se livrer à des activités génératrices de revenus formels. Lorsqu’elles travaillent en tant qu’aides ménagères ou gardes d’enfant, leur stratégie consiste à être logées chez leur employeur·es pour éviter de trop se déplacer, surtout la nuit. Elles peuvent aussi travailler dans des centres d’appels ou leur salaire avoisine les 2 500 dirhams (environ 300 euros) par mois[30]En effet, on estime entre 70 000 et 200 000 le nombre de migrants subsahariens au Maroc, dont beaucoup sont sans papiers. Les femmes en situation irrégulière sont particulièrement vulnérables à … Continue reading, dans le domaine de l’agriculture ou dans le secteur de la restauration. Depuis 2014, le royaume chérifien a fait évoluer son cadre légal en matière d’immigration et d’asile, il a ainsi régularisé 13 000 femmes migrantes soit 44% des personnes régularisées en 2014[31]Profil migratoire du Maroc : 5 chiffres pour comprendre (2023). En ligne : https://enass.ma/2023/01/09/profil-migratoire-du-maroc-5-chiffres-pour-comprendre/.

Un cadre légal qui évolue, mais reste encore incomplet

Le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales depuis les années 1950, ce qui a eu des conséquences sur la manière dont le pays gère les migrations sur son territoire, d’un pays de transit il s’est affirmé comme un pays de migration. À partir des années 2000, des modifications législatives significatives ont été mises en place pour réglementer la gestion de la question migratoire au Maroc. La promulgation de la Loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc en 2003 a permis de clarifier les conditions de séjour des personnes étrangères. Cependant, c’est après la publication du rapport du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) de 2013, qu’une véritable politique migratoire a été définie. Ce rapport a ouvert la voie au développement de la Stratégie nationale du Maroc en matière d’immigration et d’asile qui recouvre des enjeux humanitaires, d’intégration, de politique étrangère et de gouvernance, mais aussi des enjeux économiques, sociaux et culturels[32]Stratégie nationale d’immigration et d’asile (2014) En ligne : https://marocainsdumonde.gov.ma/wp-content/uploads/2018/02/Strate%CC%81gie-Nationale-dimmigration-et-dAsile-ilovepdf-compressed.pdf adoptés en décembre 2014. Cette campagne de régularisation a permis à de nombreuses femmes migrantes d’obtenir une carte de résidence.

De plus, depuis 2018, le cadre juridique du Maroc a évolué avec l’adoption de la loi de 2018[33]La loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes., dont l’objectif est de garantir une protection légale aux femmes possédant une carte de séjour marocaine qui sont victimes de violences. Cette loi a permis notamment d’interdire que le condamné dans une affaire de violence conjugale entre en contact avec la victime, qu’il s’approche du lieu où elle se trouve ou qu’il communique avec elle pendant un certain laps de temps.

Cette loi, certes incomplète, introduit des mesures préventives et offre de nouvelles formes de protection aux personnes concernées et montre une volonté de l’État de modifier la protection des femmes. Néanmoins, elle requiert que les victimes entament des actions judiciaires, une démarche longue que peu d’entre elles sont en mesure d’entreprendre encore moins les migrantes qui sont souvent dans l’illégalité. Aussi, la loi ne définit pas de responsabilités spécifiques pour la police, les procureurs et les juges d’instruction en ce qui concerne les cas de violence familiale, et elle ne prévoit pas de financement pour les centres d’accueil des femmes victimes de violences.

Enfin, le Maroc ne possède pas une législation complète contre les discriminations ou de lois qui condamnent les discriminations raciales rappelait la Rapporteure Spéciale de l’ONU, Mme Achiume, en janvier 2019. Elle rappelait que « des défis majeurs persistent et un travail important reste à faire afin d’assurer l’égalité raciale et le droit de chacun à la non-discrimination raciale[34]Maroc : une experte de l’ONU appelle à agir pour lutter contre la discrimination raciale (2019) En ligne : https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047031 » et que « l’absence d’un cadre global de lutte contre le racisme entrave l’exercice des droits de l’homme au Maroc[35]Maroc : une experte de l’ONU appelle à agir pour lutter contre la discrimination raciale (2019) En ligne : https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047031 ».

Conclusion

Cette analyse met en lumière la situation de double vulnérabilité dont sont victimes les migrantes. Dans une société patriarcale où la violence est systématique et structurelle, leur quotidien est rythmé par des stratégies pour les éviter. Le royaume chérifien a souhaité depuis ces dernières décennies s’inscrire dans la voie de politiques d’asiles pérennes qui en fait aujourd’hui un pays d’immigration. Dans cette optique, il faudrait dans un avenir proche mettre en place un cadre législatif et juridique qui protège les migrant·e·s des discriminations raciales et des violences quotidiennes qui touchent surtout les femmes.

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.

Pour citer cette production : Perle Guichenducq (2023), Au Maroc, les femmes migrantes subsahariennes s’organisent entre elles pour éviter les violences, Institut Géopolitique du Genre. https://igg-geo.org/?p=15645

References

References
1 Rapport France Terre d’Asile (2018). Les violences à l’égard des femmes demandeuses d’asile et réfugiées en France. https://www.france-terre-asile.org/component/fabrik/details/1/225-les-violences-%C3%A0-l-%C3%A9gard-des-femmes-demandeuses-d-asile-et-r%C3%A9fugi%C3%A9es-en-france.html
2 ONU Femmes, (n.d.), Les réfugiées et les migrantes, https://www.unwomen.org/fr/news/in-focus/women-refugees-and-migrants
3 Les représentant·es de l’extrême droite européenne: « agitent le chiffon rouge d’un déferlement de vagues masculines de réfugiés sur le « vieux continent » ». Mais ce n’est en réalité qu’une question de représentation médiatique qui invisibilise les femmes. TV5 monde (20 juin 2018) : Femmes et migrations : raisons et routes de l’exil. https://information.tv5monde.com/terriennes/femmes-et-migrations-raisons-et-routes-de-lexil-23724
4 D’après le rapport de l’OIM, en 2020, 47,9% des personnes migrantes dans le monde sont des femmes. Rapport OIM, (2022). États de la migration dans le monde d’ici 2022. https://publications.iom.int/system/files/pdf/WMR-2022-FR.pdf
5 « Depuis le début des années 1990, les flux migratoires au départ de l’Afrique subsaharienne et en direction de l’Afrique du Nord prennent une ampleur inédite. » Les flux d’Afrique subsaharienne vers le Maghreb sont en nette augmentation notamment à la suite des événements en République démocratique du Congo, au Congo et dans la région des Grands Lacs des années 1990. Bredeloup.S, Pliez, O (2005), « Migrations entre les deux rives du Sahara », Autrepart, 2005/4, n° 36, pp. 3-20. https://doi.org/10.3917/autr.036.0003
6 Ibid 3
7 Le phénomène s’est accentué avec l’arrivée massive de migrants : entre le 1er janvier et le 15 septembre 2015, ou plus de 430 000 personnes sont parvenues à rejoindre l’UE via la Méditerranée, une augmentation significative par rapport aux années précédentes. Ce phénomène a été qualifié de « crise migratoire ». Face à ce discours, les membres de l’UE ont mis en place des mesures sécuritaires et un contrôle accru des frontières maritimes et terrestres. Bien plus qu’une crise migratoire, c’est une crise politique qui a clivé les pays européens.
8 Il existe une migration souhaitée et souvent légale, les migrant·es viennent pour étudier, travailler, fonder une famille ou encore passer leur retraite. En guise d’exemple, selon Médias24, en 2021, il y avait 23 411 étudiant·es étranger·es inscrit·es dans les universités marocaines dont 19 256 étaient africain·es. https://medias24.com/2023/03/06/23-411-etudiants-etrangers-inscrits-au-maroc-en-2021-dont-83-africains/ Mais aussi une migration forcée, des migrants qui ne parviennent pas à mener à terme leur projet migratoire et qui sont refoulés des enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla.
9 Haut-Commissariat au Plan (2019), Enquête nationale sur la violence à l’encontre des Femmes et des Hommes.
10 Rapport de MSF (2010), Violences sexuelles et migration, La réalité cachée des femmes subsahariennes arrêtées au Maroc sur la route de l’Europe.
11 Ibid 10.
12 Comme leurs homologues marocaines, elles craignent les sanctions sociales et ont peur d’être rejetées par leur communauté et/ou leur famille.
13 Son nom a été changé, car elle souhaite garder l’anonymat.
14 Propos de Khadija, une aide-ménagère de nationalité marocaine de 56 ans qui vit dans le quartier « Errahma » de Casablanca et qui chaque jour prend le bus pour se rendre sur son lieu de travail, au centre de Casablanca.
15 En 2014, une campagne lancée par le collectif « Papiers pour tous » dénommée « Je ne m’appelle pas azzi. J’ai un nom ! ». En darija (dialecte marocain) « Massmiytich Azzi ! » lancée le 21 mars 2014 à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les discriminations et le racisme au Maroc. https://www.jeuneafrique.com/164860/politique/maroc-halte-au-racisme-anti-noirs
16 Alianza por la Solidaridad (2018), Des voix qui s’élèvent, analyse des discours et des résistances des femmes subsahariennes au Maroc. https://www.alianzaporlasolidaridad.org/axs2020/wp-content/uploads/Informa-Helena-Maleno-2018-Alzando-voces-Franc%C3%A9s.pdf
17 Les observateurs et France24 (18/07/2013), À Casablanca, des propriétaires tentent d’interdire la location aux « Africains ». https://observers.france24.com/fr/20130718-casablanca-proprietaires-interdire-location-africains-discrimination-raciale
18 En 2014, Charles N’Dour sénagalais qui travaillait dans un café à Mer Sultan, Casablanca était parti rendre visite à des amis à Tanger. Il est mort poignardé par des jeunes marocains qui armés de couteaux et de barres en métal s’en étaient pris à des migrants subsahariens. https://telquel.ma/2014/09/07/tanger-racisme-tue_1415366
19 En ligne : https://www.gadem-asso.org/des-ong-marocaines-mettent-en-garde-contre-les-racisme-visant-les-migrants/
20 Laacher, S. « Les violences faites aux femmes pendant leur voyage clandestin : Algérie, France, Espagne, Maroc », New issues in refugee research, Research Paper n°188. UNHCR. Policy Development and Evaluation Service, Avril 2010. https://www.unhcr.org/fr/4bc715769.pdf
21 En ligne : https://www.msf.org/fr/rdcongo/violences-sexuelles?topic=All&format=All&province=All&node_created=&page=3/
22 Violences contre les femmes : l’appli française « The Sorority » fait ses débuts au Maroc, 2021. En ligne : https://www.france24.com/fr/afrique/20211125-violences-contre-les-femmes-l-appli-fran%C3%A7aise-the-sorority-fait-ses-d%C3%A9buts-au-maroc/
23 Interview réalisée à Casablanca. Le docteur Mouchtak est spécialiste en psychiatrie, sommeil et ses pathologies et précarité et santé mentale. Elle est présidente de l’association Afak pour la santé mentale. Présidente de la fédération nationale de la santé mentale.
24 Le « petit Sénégal” dans le quartier de la médina de Casablanca en est un exemple.
25 Elle est d’origine sénégalaise, elle vit au Maroc depuis un dizaine d’années et n’est plus en situation irrégulière.
26 Comme à « Errahma » entre Casablanca et Tamaris.
27 Ibid 17.
28 Interview faite à Casablanca 26/01/2018.
29 Le RAMED permet aux bénéficiaires, personnes défavorisées qui n’ont pas l’Assurance maladie obligatoire, de bénéficier d’une couverture médicale et d’accéder gratuitement aux soins dans tous les hôpitaux et les établissements de santé. Depuis 2015, les migrant·es en situation régulière et les réfugié·es peuvent en bénéficier au même titre que les Marocain·es.
30 En effet, on estime entre 70 000 et 200 000 le nombre de migrants subsahariens au Maroc, dont beaucoup sont sans papiers. Les femmes en situation irrégulière sont particulièrement vulnérables à diverses formes d’exploitation et de marginalisation, notamment dans les secteurs de l’agriculture et du travail domestique. En ligne : https://www.infomigrants.net/fr/post/52374/le-maroc-de-plus-en-plus-un-pays-de-destination-pour-les-femmes-dafrique-subsaharienne
31 Profil migratoire du Maroc : 5 chiffres pour comprendre (2023). En ligne : https://enass.ma/2023/01/09/profil-migratoire-du-maroc-5-chiffres-pour-comprendre/
32 Stratégie nationale d’immigration et d’asile (2014) En ligne : https://marocainsdumonde.gov.ma/wp-content/uploads/2018/02/Strate%CC%81gie-Nationale-dimmigration-et-dAsile-ilovepdf-compressed.pdf
33 La loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes.
34, 35 Maroc : une experte de l’ONU appelle à agir pour lutter contre la discrimination raciale (2019) En ligne : https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047031