Masculinités militarisées : la nécessaire déconstruction pour la protection des femmes et des personnes LGBTI+ engagées

02/07/2024

Sofia Rocco Stainsack Rocha

Tout au long de l’histoire militaire, la notion de masculinité militarisée a été un aspect essentiel du fonctionnement des forces armées dans tous leurs secteurs. L’environnement de socialisation militaire est encore perçu par les soldat·es, et même par la population en général, comme un moyen de conférer une masculinité, qui peut devenir toxique et, dans les cas les plus extrêmes, dangereuse^[1]Brown, M. T. (2012). Enlisting Masculinity. Oxford University Press. Afin de maintenir cette notion, les armées occidentales, telles que celles des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France, ont historiquement utilisé la violence contre les femmes et la stigmatisation des minorités sexuelles, telles que les personnes LGBTI+, pour décourager la présence de traits considérés comme féminins, qui représentent pour l’armée une faiblesse. La formation et le recrutement dans l’armée sont eux-mêmes violents, en particulier pour les femmes et les personnes LGBTI+, ce qui réaffirme la dynamique de la masculinité violente au sein des forces armées^[2]Brown, M. T. (2012). Enlisting Masculinity. Oxford University Press. D’un point de vue historique, l’armée a été conçue pour exclure les autres groupes qui s’écartent de la norme traditionnelle masculine, laquelle concerne notamment les hommes hétérosexuels cisgenres. Il y a donc un rejet clair des individu·es qui ne s’adaptent pas à cette norme^[3]Beauchesne, É. (2013). La masculinité hégémonique militaire: sauf-conduit aux violences contre les femmes: le cas de l’ex-colonel David Russell Williams (Doctoral dissertation, Université … Continue reading. En d’autres termes, tout ce qui n’est pas hétéronormé et cisgenre peut devenir un objet de domination et de violence, légitimé par la structure militaire et la masculinité toxique qui la sous-tend. 

Cependant, l’inclusion de divers groupes dans les armées est actuellement discutée aux niveaux national et international dans plusieurs pays occidentaux et font l’objet d’un débat politique. Depuis 2000, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dans l’affaire Smith et Grady c. Royaume-Uni, a souligné la légitimité de la présence de personnes LGBTI+ dans l’appareil militaire^[4]Cour européenne des droits de l’homme. (2000). Smith et Grady c. Royaume Uni . Récupéré de https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-62935%22]}. Ainsi, en 2023, le pays a présenté des excuses officielles aux vétérans LGBTI+ des forces armées qui ont été arrêtés et expulsés de l’organisation en raison de leur orientation et identité sexuelle, respectant ainsi le droit à la mémoire et offrant une marge de sécurité aux officier·e·s, qui servent encore dans ce rôle^[5]BBC News. (2023, 20 juillet). Rishi Sunak apologises to LGBT veterans for past armed forces gay ban. Récupéré de https://www.bbc.com/news/uk-66242611. De plus, les États-Unis ont fait des efforts pour inclure davantage de femmes dans l’armée, le nombre des femmes servant en tant que personnel enrôlé est passé de 42 278 en 1973 à 166 729 en 2010^[6]Pew Research Center. (2011, December 22). A Snapshot of Active-Duty Women. Recuperée de: https://www.pewresearch.org/social-trends/2011/12/22/a-snapshot-of-active-duty-women, marquant une  augmentation de près de 400 %. En outre, en 2021, l’administration du président Joe Biden a annulé l’interdiction imposée en 2017 par l’ancien président Donald Trump, qui empêchait les personnes trans de servir dans les forces armées^[7]Garamone, J. (2021, January 25). Biden administration overturns transgender exclusion policy. U.S. Department of Defense. … Continue reading. Les mobilisations de victimes au sein de l’appareil militaire sont aussi de plus en plus fréquentes, comme dans le cas français avec le mouvement #MeToo des armées, qui dénonce les violences systémiques à l’encontre des soldates, la culture du silence sur les questions d’agressions sexuelles et de harcèlement, et l’impunité permises par une structure hiérarchique rigide de l’armée^[8]TV5Monde. (2023, 22 mai). Se dirige-t-on vers un #MeToo des armées? Terriennes. Récupéré de https://information.tv5monde.com/terriennes/se-dirige-t-vers-un-metoo-des-armees-2715545. Ces exemples montrent que, malgré la violence systémique à l’encontre des femmes et des personnes LGBTI+, il existe des réactions à cette réalité, qui pourrait révolutionner l’environnement des institutions militaires au cours des prochaines décennies. 

De cette manière, comment la persistance de la masculinité militarisée au sein des forces armées occidentales affecte-t-elle la sécurité et l’inclusion des femmes et des personnes LGBTI+ dans cet environnement, et quelles stratégies peuvent être mises en place pour déconstruire cette dynamique afin de garantir leur protection, leur intégration et leur bien-être ? 

La masculinité militarisée comme vecteur de discrimination et de violence

Il existe un lien historique entre les hommes et la violence, car celle-ci permet d’affirmer une masculinité de domination et de pouvoir, en plus des facteurs physiques. Parallèlement, la notion de paix, associée à la faiblesse et à une vision du monde chimérique, est intrinsèquement liée à la figure féminine. Traditionnellement, les hommes assument les principales positions de combat et d’imposition en contexte de conflit, tandis que les femmes occupent souvent des rôles de soutien à l’homme en étant mères, épouses, infirmières, ou, au niveau de la société, en occupant des espaces auparavant réservés aux hommes. Par exemple, pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes ont commencé à travailler dans les usines, les moulins, les fermes et les magasins, tandis que les hommes étaient au combat. 

De cette façon, en matière de culture militaire, la masculinité est instrumentalisée pour façonner un idéal du soldat qui place les hommes dans cette position, les contraignant à assumer certains rôles, comportements et performances physiques^[9]Eichler, M. (2014). Militarized masculinities in international relations. Brown J. World Aff., 21, 81. Ainsi, la masculinité militarisée se caractérise par l’accent mis sur la dureté, tant dans l’usage de la violence que dans le traitement des ennemis, la camaraderie masculine, la répression des émotions et la discipline^[10]Araújo, J. B. . (2018). A participação das mulheres em operações de paz: O caso do exército brasileiro na Minutah durante a última década. Ce concept est directement lié à la notion de masculinité hégémonique^[11]Connell, R. W. (2020). Masculinities. Routledge. En légitimant et en normalisant des comportements liés à la violence, à l’exclusion et à la discrimination des hommes militaires, cette notion perpétue un système de valeurs et de comportements prédominants. La masculinité hégémonique transmet la domination et le contrôle masculin, subordonnant à la fois les femmes et les hommes qui ne correspondent pas aux caractéristiques attendues. Cela démontre que cette masculinité, en plus de cibler les femmes, vise toute personne ne correspondant pas aux normes de masculinité, d’hétérosexualité et d’identité de genre, englobant ainsi les personnes LGBTI+. 

De cette manière, la masculinité militarisée possède plusieurs facettes et degrés. Il convient de souligner qu’elle commence par la notion de fraternité qui imprègne la structure de l’armée, liée à l’attrait des hommes pour le discours militaire. Les institutions fonctionnent comme un « boy’s club », impliquant la protection des membres du groupe à travers le maintien d’un pacte de masculinité et la fraternité. Les soldats qui adoptent des comportements et adhèrent aux normes rigides et conservatrices qui préservent l’idéal machiste, raciste et homophobe de l’armée, intègrent ce groupe uni par l’idée de camaraderie.

Pour rejoindre ce club, des bizutages violents sont même infligés aux nouveaux arrivants comme condition d’entrée et d’accueil, car cette « virilité » et tolérance à l’agression sont considérées comme essentielles dans ce groupe d’hommes. Cela attire de nombreux hommes, qui se sentent représentés par le discours et l’environnement de la masculinité toxique. En Occident, la participation aux forces armées n’étant pas obligatoire, ceux qui rejoignent la carrière militaire partagent souvent ces idéaux toxiques et violents, perpétuant la culture de « vestiaire » qui s’étend : des petites moqueries et blagues entre collègues, aux discours discriminatoires (la reproduction de la masculinité militarisée sous forme de soft power), jusqu’à des formes plus graves de violence, comme la violence physique et/ou sexuelle. 

Par conséquent, les hommes qui incarnent cette masculinité militarisée excluent et dévalorisent les femmes ainsi que les personnes LGBTI+, qu’ils considèrent comme féminines, une idéologie soutenue par les institutions et la loi de du silence qui règne au sein de la structure militaire^[12]Connell, R. W. (2020). Masculinities. Routledge. Le pacte de la masculinité implique que les hommes se protègent mutuellement et que, même si un cas de harcèlement ou d’agression est signalé, aucune conséquence ou sanction ne s’ensuit. Cela renforce la hiérarchie militaire, la force de coercition du groupe et décourage les victimes de porter plainte, lorsqu’iels sont menacé·es ou contraint·es de se taire. En outre, la violence utilisée pour maintenir le statu quo en faveur des hommes^[13]Beauchesne, É. (2013). La masculinité hégémonique militaire: sauf-conduit aux violences contre les femmes: le cas de l’ex-colonel David Russell Williams (Doctoral dissertation, Université … Continue reading se manifeste autant sous forme physique que symbolique, où l’attaque et la violation des corps sont perçues comme des démonstration de la force de la masculinité^[14]Beauchesne, É. (2013). La masculinité hégémonique militaire: sauf-conduit aux violences contre les femmes: le cas de l’ex-colonel David Russell Williams (Doctoral dissertation, Université … Continue reading. 

Outre ce contexte de violence, selon une ancienne administratrice du Ministère des Armées interviewée dans le cadre de cet article, la structure militaire prône, dans son discours officiel, la non-distinction des genres, affirmant qu’un·e soldat·e est avant tout un·e soldat·e, indépendamment de son genre. Bien que ce principe d’égalité puisse sembler positif, il masque les disparités de traitement indéniables au sein de la culture militaire. Le modèle dominant du soldat renvoie à l’homme, à la virilité et à la camaraderie masculine, ce qui complique la sociabilité pour les personnes qui s’écartent de cette norme. Les hommes, n’étant pas habitués à interagir avec les femmes soldates, ne savent souvent pas comment les intégrer dans leur travail. En outre, les femmes qui rejoignent l’armée peuvent être influencées à adopter certains comportements pour s’intégrer efficacement à l’équipe contribuant à une culture où l’entraide entre femmes est moins manifeste. Contrairement à d’autres organismes publics, l’association des femmes n’est pas courante dans le secteur de la défense^[15]Les informations ont été obtenues par le biais d’un entretien semi-structuré mené par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français.

Il est curieux de constater, par exemple en France, que les civils de la défense, terme utilisé pour désigner les fonctionnaires travaillant au sein des ministères des armées sans être militaires, affichent parfois une agressivité supérieure à celle des soldats. Ils adoptent des comportements sexistes et discriminatoires envers les femmes, cherchant à imiter la culture militaire dans laquelle ils évoluent. Selon une administratrice interrogée, cela concerne aussi les hommes homosexuels qui, bien qu’appartenant à une minorité, font partie du  « boy’s club » en raison de leur genre. Durant ses années au Ministère des Armées français, elle n’a rencontré aucune femme militaire ou civile de la défense ouvertement lesbienne, ce qui indique qu’elles ne se sentent pas à l’aise pour exprimer leur orientation sexuelle au travail. Les discriminations sont encore plus préoccupantes pour les femmes noires travaillant au Ministère, dont beaucoup sont binationales avec des origines françaises et africaines. Les fonctionnaires binationales sont fréquemment la cible de blagues et de moqueries à la fois sexistes et racistes^[16]Les informations ont été obtenues par le biais d’un entretien semi-structuré mené par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français.

Enfin, la masculinité s’exprime également à travers une admiration morbide pour la violence à l’égard des femmes. Il existe un aspect de « boy’s club » où cette admiration est partagée; les hommes montrent un intérêt inquiétant pour la violence, y compris les violences sexuelles. En discutant du viol comme arme de guerre, par exemple, certains hommes semblent éprouver une excitation et une sorte de fascination pour ce qui est horrible^[17]Les informations ont été obtenues par le biais d’un entretien semi-structuré mené par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français.

De cette manière, la dynamique de genre est au cœur des institutions militaires et influence le comportement des soldats, qui sont valorisés en tant qu’incarnations de cet idéal de masculinité et de virilité. L’entrée des femmes et des personnes LGBTI+ dans l’armée a mis à l’épreuve la structure dominante du genre. Dans ce contexte, tandis qu’est espérée une plus grande ouverture à l’inclusion dans l’organisation militaire, en raison de la pression exercée par les mouvements sociaux en faveur de leur participation effective et sûre, une résistance masculine à l’entrée de ces personnes dans l’appareil militaire est également anticipée.

Réalités des femmes et des personnes LGBTI+ au sein des institutions militaires 

Les institutions militaires matérialisent la masculinité en effaçant la présence des membres qui ne l’incarnent pas – en d’autres termes, les femmes et les personnes LGBTI+. La rigidité militaire masculine reflète la politique « Don’t Ask Don’t Tell » (DADT). Cette politique représentait un ensemble de réglementations régissant le traitement des personnes homosexuels, lesbiennes et bisexuel·les par l’armée des États-Unis, instauré en 1993 sous l’administration Clinton. La DADT permettait aux individus de ne pas divulguer leur orientation sexuelle, tandis que les autorités militaires ne menaient pas d’enquête à ce sujet. Néanmoins, toute divulgation publique de l’orientation sexuelle d’un·e militaire, intentionnelle ou non, pouvait entraîner son renvoi selon la DADT^[18]Legal Information Institute (n.d.). Don’t ask don’t tell. Cornell Law School. Accès: Juin 13 2024, de https://www.lawcornell.edu/wex/don%27t_ask_don%27t_tell.

Ainsi, bien qu’abrogée en 2010 sous l’administration de Barack Obama pour les personnes lesbiennes, gays, et bissexuel·les, et en 2015 pour les personnes trans, la DADT a favorisé leur silence, puisqu’elles ne pouvaient pas parler ouvertement de leur sexualité ou de leur identité de genre une fois qu’elles avaient rejoint l’armée. Cette politique reposait sur l’hypothèse erronée selon laquelle la présence de ces minorités l’armée compromettrait la capacité des individus à remplir leurs fonctions^[19]Human Rights Campaign. (s. d.). Repeal of « Don’t Ask, Don’t Tell. » Récupéré sur https://www.hrc.org/our-work/stories/repeal-of-dont-ask-dont-tell. Ainsi, la culture et la mentalité militaire en générale découlent d’une longue histoire de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des personnes LGBTI+. 

En ce qui concerne la discrimination à l’égard des femmes, en France par exemple, elles sont placées, au sein de l’armée, dans des tâches liées à l’administration, à la communication, à la santé, au social, aux ressources humaines et aux finances, qui exigent moins d’efforts physiques. En revanche, elles sont moins représentées dans les rôles opérationnels sur le terrain^[20]Boutron, C., & Weber, C. (2022). La féminisation des armées françaises: entre volontarisme institutionnel et résistances internes. Travail, genre et sociétés, (1), 37-54. Parallèlement, la présence des femmes aux différents postes de la hiérarchie militaire, en particulier aux postes de direction, est rare. Dans le cas français, seules soixante-sept des 640 femmes de l’armée étaient des officières générales, représentant environ 10 % des femmes militaires^[21]Boutron, C., & Weber, C. (2022). La féminisation des armées françaises: entre volontarisme institutionnel et résistances internes. Travail, genre et sociétés, (1), 37-54. Ainsi, la discrimination n’est pas toujours de nature physique, mais se manifeste souvent par des « micro-violences » qui font partie du quotidien des femmes dans les forces armées. En 2016, un réseau a été créé dans le pays pour soutenir et promouvoir le rôle des femmes dans l’armée. Cependant, beaucoup d’entre elles hésitent à y adhérer par peur d’être stigmatisées ou sont persuadées, en raison du discours masculiniste, que le débat n’est pas pertinent^[22]Boutron, C., & Weber, C. (2022). La féminisation des armées françaises: entre volontarisme institutionnel et résistances internes. Travail, genre et sociétés, (1), 37-54. Il est observable, de cette façon, que la structure de l’armée n’est pas prête à intégrer pleinement la participation des femmes.

Toujours en France, malgré les changements démographiques au sein du Ministère des Armées, y compris une augmentation de la diversité du genre, il n’y a pas d’évolution perceptible actuellement ou dans un avenir proche dans le comportement des soldats en termes de reproduction de comportements discriminatoires, de plaisanteries, de moqueries, etc. En raison de cet environnement hostile, les femmes ne sont pas reconnues et demandent à changer d’emploi (elles se tournent vers d’autres organisations publiques ou vers le secteur privé), ce qui alimente la dynamique de discrimination et de séparation de fonctions entre les genres. Toutefois, au niveau international, notamment au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), il y a déjà une plus grande intégration et ouverture aux questions de genre au sein de l’armée et de l’institution militaire^[23]Les informations ont été obtenues par le biais d’un entretien semi-structuré mené par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français. 

De plus, malgré la levée de l’interdiction des femmes au combat, elles sont souvent victimes de violences dans un contexte marqué par l’inégalité des genres et l’insécurité. Aux États Unis, les femmes ne représentent que 17 % de l’effectif militaire en 2022^[24]USAFacts. (2024, February 21). How many people are in the US military? A demographic overiew. USAFacts. https://usafacts.org/artciles/how-may-people-are-in-the-us-military-a-demographic-overview, mais entre un quart et un tiers d’entre elles sont victimes d’agressions sexuelles pendant leur service, avec 96 % des auteurs de ces agressions appartenant également aux rangs militaires^[25]Foubert, J. D., & Masin, R. C. (2012). Effects of the men’s program on US Army soldiers’ intentions to commit and willingness to intervene to prevent rape: A pretest posttest study. Violence … Continue reading. En Europe, les chiffres de participation varient, mais la moyenne est de 13 % de femmes au sein des armées, la Suède ayant le taux de participation le plus élevé (22 %) et l’Irlande le plus bas (7 %) en 2023^[26]European Organisation of Military Associations. (2023). Survey on Gender Equality in the Armed Forces. Récupée de … Continue reading. En termes de régression, comme le montrent les recherches précédentes de l’IGG, le Danemark, bien que considéré comme l’un des pays les plus avancés en matière d’égalité femmes-hommes, notamment en ce qui concerne les salaires et le travail, présente encore des inégalités significatives en ce qui concerne les droits des femmes, y compris au sein de l’armée^[27]Emma Roquel, Danemark: les femmes dans l’armée face au harcelement, 4/02/2023, Institut du Genre en Géopolitique, https://igg-geo.org/?p=11069. Les nouvelles recrues femmes quittent progressivement l’armée en raison du harcèlement lié à leur genre, encore perçu comme le « sexe faible ». Depuis sa création en 2017, l’association danoise Kvindelige Veteraner, qui vise à défendre et protéger le bien-être des femmes militaires, a recensé plus de deux cents cas de sexisme, d’abus sexuels et de comportements offensants^[28]Emma Roquel, Danemark: les femmes dans l’armée face au harcelement, 4/02/2023, Institut du Genre en Géopolitique, https://igg-geo.org/?p=11069. 

En outre, face à ce scénario alarmant, les responsables des crimes ne sont toujours pas sanctionnés, ce qui introduit un sentiment d’impunité dans la structure de l’armée. Aux États-Unis par example, parmi les militaires ayant subi une agression sexuelle en 2018, seulement 17 % des victimes masculines et 30 % des victimes féminines ont signalé l’incident au Department of Defense (DoD). Les principales raisons de ne pas signaler l’incident étaient le désir d’oublier, le fait de ne pas vouloir que d’autres personnes soient au courant et les sentiments de honte ou d’embarras. Parmi les femmes militaires qui ont signalé un incident, 38 % ont déclaré avoir subi des représailles professionnelles, 51 % ont souffert d’ostracisme et 34 % ont été maltraitées^[29]Breslin, Rachel A., Lisa Davis, Kimberly Hylton, Ariel Hill, William Klauberg, Mark Petusky, and Ashlea Klahr, 2018 Workplace and Gender Relations of Active Duty Members: Overview Report, Alexandria, … Continue reading.

Outre les agressions physiques et les discriminations, par rapport aux civils, il a été constaté que les femmes dans l’armée ont une qualité de vie moindre, un état de santé moins bon et sont plus susceptibles de souffrir de dépression, de fumer, d’être en surpoids ou obèses^[30]Lehavot, K., Hoerster, K. D., Nelson, K. M., Jakupcak, M., & Simpson, T. L. (2012). Health indicators for military, veteran, and civilian women. American journal of preventive medicine, 42(5), … Continue reading. La situation est encore plus délicate lorsqu’il s’agit de femmes lesbiennes et bisexuelles. Par rapport aux femmes hétérosexuelles, elles sont plus enclines à se suicider^[31]Blosnich, J. R., Bossarte, R. M., & Silenzio, V. M. (2012). Suicidal ideation among sexual minority veterans: results from the 2005–2010 Massachusetts Behavioral Risk Factor Surveillance … Continue reading, développer des problèmes liés au stress post-traumatique, à la dépression et à l’alcoolisme^[32]Cochran, B. N., Balsam, K., Flentje, A., Malte, C. A., & Simpson, T. (2016). Mental health characteristics of sexual minority veterans. In Evolution of Government Policy Towards Homosexuality in … Continue reading, de signaler une détérioration de leur santé physique et un viol tout au long de leur vie^[33]Booth, B. M., Mengeling, M., Torner, J., & Sadler, A. G. (2011). Rape, sex partnership, and substance use consequences in women veterans. Journal of traumatic stress, 24(3), 287-294, et de souffrir de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives^[34]Lehavot, K., & Simpson, T. L. (2013). Incorporating lesbian and bisexual women into women veterans’ health priorities. Journal of general internal medicine, 28, 609-614.

Selon le Dr. Elizabeth Hillman, ancienne doyenne de la faculté de droit Hastings de l’Université de Californie, « la violence sexuelle militaire a été, et continue d’être, si centrale dans la jurisprudence militaire qu’elle a à la fois façonné le contenu du droit militaire et renforcé, par la répétition, l’image de certains hommes comme prédateurs sexuellement violents et de certaines femmes comme victimes sexuelles^[35]Women’s Congressional Policy Institute. (n.d.). Causes of Military Sexual Assault Focus of House Subcommittee. Women’s Congressional Policy Institute. … Continue reading ». Les affaires de crimes tels que les viols, les agressions sexuelles et les violences domestiques n’affectent pas seulement les spécificités du droit militaire, mais ont également des conséquences plus larges. Ces affaires perpétuent la perception des femmes comme vulnérables et des hommes comme dominants, faisant ainsi de la violence au sein de l’armée une dynamique « naturelle », ce qui peut déresponsabiliser l’individu et relativiser cette violence dans une logique normalisée. 

Par conséquent, les discussions juridiques sur la violence sexuelle sont devenues cruciales pour exprimer et de influencer les normes militaires concernant les relations de genre, de structures de pouvoir et de vulnérabilité individuelle^[36]Women’s Congressional Policy Institute. (n.d.). Causes of Military Sexual Assault Focus of House Subcommittee. Women’s Congressional Policy Institute. … Continue reading. En d’autres termes, en développant le cadre juridique militaire, il est possible de démystifier cette dynamique, en appliquant des peines plus sévères aux criminels et en établissant la gravité des crimes commis par le personnel militaire. 

En outre, un facteur important est la structure de la conscription militaire, qui constitue souvent le principal moyen pour de nombreux hommes de sortir de la pauvreté. L’enrôlement offre non seulement l’honneur, l’acceptation sociale et la sécurité financière, mais également divers avantages tels que le logement. Ainsi, de nombreux soldats s’enrolent pour échapper à des foyers troublés et violents, étant souvent victimes de violences physiques et d’abus sexuels^[37]Women’s Congressional Policy Institute. (n.d.). Causes of Military Sexual Assault Focus of House Subcommittee. Women’s Congressional Policy Institute. … Continue reading. Il s’agit là d’un facteur crucial à prendre en considération, car les abus subis pendant l’enfance conduisent souvent les hommes à devenir des agresseurs. Lorsque ces hommes se tournent vers les forces armées comme seule option, cela crée un environnement dangereux dans lequel beaucoup de personnes, en particulier les femmes, risquent d’être prises dans un cycle de violences^[38]Women’s Congressional Policy Institute. (n.d.). Causes of Military Sexual Assault Focus of House Subcommittee. Women’s Congressional Policy Institute. … Continue reading.

De plus, il est urgent d’améliorer le bien-être et l’inclusion des personnes LGBTI+ dans l’armée. Aux États-Unis, plus de 80 % des militaires LGBTI+ ont déclaré avoir été victimes de harcèlement ou d’agression sexuelle en 2020, en particulier les personnes trans (84 %)^[39]Schuyler, A. C., Klemmer, C., Mamey, M. R., Schrager, S. M., Goldbach, J. T., Holloway, I. W., & Castro, C. A. (2020). Experiences of sexual harassment, stalking, and sexual assault during … Continue reading. Les agressions ne se limitent pas à elles, puisque les soldat·es dont les membres de la famille sont LGBTI+ se voient contraint·e·s de changer de base en raison des brimades subies par leurs proches dans les espaces de socialisation, comme l’école^[40]P.A, H. & P. (2023, June 29). Facts on Military Sexual Trauma and Statistics. Hill & Ponton, P.A. … Continue reading. L’institutionnalisation des LGBTphobies au sein de l’armée se manifeste par les préjugés, le harcèlement et l’agression participe à invisibiliser et écarter les personnes concernées de cet environnement. Dans le pays, entre le 1er octobre 1980 et le 20 septembre 2011, 35 801 personnes ont été renvoyées du service militaire pour « homosexualité réelle ou supposée, comportement homosexuel, perversion sexuelle ou autres raisons similaires^[41]Kegu, J. (2023, June 21). New figures reveal scope of military discrimination against LGBTQ troops, with over 29,000 denied honorable discharges – CBS News. … Continue reading ». Parmi ces cas, 81 % ont reçu une décharge générale ou déshonorante, et aucune mesure explicite n’a été prise pour réexaminer les cas des militaires homosexuel·les condamné·es pour des délits ou faisant l’objet d’une procédure judiciaire en raison de leur implication dans des relations homosexuelles. Des renvois comme ceux-ci, causés par un mauvais comportement (Bad Paper discharges), ne représentent que 7 % des renvois de l’armée américaine^[42]Council on Criminal Justice (2023). Who’s a veteran? https://counciloncj.org/wp-content/uploads/2023/02/Whos_A_Veteran_Final.pdf, totalisant environ 575 000 cas depuis 1980^[43]Legal Services Center of Harvard Law School. (2015). Turn away report: How VA Unlawfully Denies Health Care to Veterans with Bad Paper Discharges. … Continue reading, ce qui signifie que le nombre de soldat·es renvoyé·es de l’armée en raison de leur identité sexuelle et/ou de genre est alarmant. 

Au Royaume-Uni, plusieurs milliers de soldat·es LGBTI+ ont reçu une décharge pour la même raison, jusqu’à l’année 2000. En moyenne, entre 200 et 250 personnes ont été renvoyées chaque année en raison de leur sexualité et se sont souvent vues retirer leurs médailles de service^[44]The Guardian. (2021, February 16). British soldiers sacked for being gay can get their medals back. Récupérée le 14 juin, 2024, de … Continue reading. Les décharges laissent une tache permanente dans le dossier des ancien·es militaires auprès de l’armée et du gouvernement, ce qui les empêche de trouver un emploi^[45]The Guardian. (2021, February 16). British soldiers sacked for being gay can get their medals back. Récupérée le 14 juin, 2024, de … Continue reading. De plus, iels doivent faire face à la stigmatisation sociale associée aux délits et aux décharges déshonorantes^[46]Kegu, J. (2023, June 21). New figures reveal scope of military discrimination against LGBTQ troops, with over 29,000 denied honorable discharges – CBS News. Www.cbsnews.com. … Continue reading. 

Politiques inclusives et perspectives à l’avenir dans un contexte de polarisation politique 

Face à cette réalité préoccupante, il est indéniable que des progrès ont été réalisés en termes de déconstruction de la masculinité militarisée, comme en témoigne la participation croissante de femmes, de personnes ouvertement LGBTI+ et de minorités au sein des forces armées occidentales. Néanmoins, il reste un long chemin à parcourir en termes d’inclusion, de lutte contre la violence et le harcèlement qui font encore partie de la culture militaire. Effectivement, compte tenu de la montée du conservatisme et des gouvernements d’extrême droite dans les pays occidentaux, ces questions, notamment la participation des personnes trans dans l’armée et la reproduction de la masculinité militarisée dans des contextes de crises sociales, font actuellement l’objet d’un débat politique. Cependant, étant donné que le milieu militaire, tant l’armée que les ministères des armées, reproduit des comportements et des discours extrêmement discriminatoires et sexistes, la montée du conservatisme n’affecte pas de manière significative cette dynamique déjà existante, mais ne fait que la renforcer davantage^[47]Les informations ont été obtenues par un biais d’un entretien semi-structuré avec une ancienne administratrice du Ministère des Armées français. 

Dans le cas de l’Europe, il faut souligner une facette spécifique du conservatisme qui finit par promouvoir l’idée d’une masculinité militarisée, qui est souvent traduite par l’idée de protection. L’Union européenne (UE), confrontée à la crise migratoire qui a pris de l’ampleur depuis 2015, a adopté plusieurs initiatives qui sont perçues comme restrictives, surtout à l’égard des personnes non blanches. Cette masculinité est au cœur du militarisme de l’UE, légitimant l’usage de la force militaire pour protéger les femmes d’une menace extérieure^[48]Basham, V. M. (2018). Liberal militarism as insecurity, desire and ambivalence: Gender, race and the everyday geopolitics of war. Security Doalogue, 49(1-2), 32-43, via sa Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), et perpétuant ainsi une dynamique genrée. Le matériel publicitaire et les discours de l’armée européenne, en développant ce récit d’une menace étrangère, utilisent souvent l’image d’hommes non blancs qui entrent dans l’UE grâce à l’immigration illégale. Cela renforce l’idée que les femmes femmes européennes et immigrées sont fragiles et ont aussi besoin de protection^[49]Hoijtink, M., & Muehlenhoff, H. L. M. (2020). The EU as a Masculine Military Power: European Integration and the Use of Force. Political Studies Review, 18(3), 362-377. Récupéré de … Continue reading.

Par exemple, l’opération EUNAVFOR MED Sophia, menée entre 2015 et 2020, visait à combattre les trafiquants en Méditerranée en mobilisant des navires militaires et en formant la garde côtière libyenne. Toutefois, la manière dont l’intervention militaire a été rendue publique, que ce soit par des vidéos ou des rapports, implique le récit que l’opération a été essentielle pour le sauvetage des femmes et des enfants. Elle a utilisé une narration de genre pour justifier cette ingérence et réduire les femmes étrangères à des mères ayant besoin de protection. Cette construction atteste de la masculinité militarisée protectrice de l’UE en dépeignent les femmes non occidentales comme des mères faibles, tout en décrivant les trafiquants non européens comme des individus malveillants^[50]EEAS (2017c) EU Global Strategy: The Story of Sophia. Récupérée de: https://eeas.europa.eu/headquarters. 

En ce qui concerne les États-Unis, l’élection probable de Donald Trump cette année, dont l’administration précédente a été marquée par des attaques constantes contre les femmes et les personnes LGBTI+, pourrait entraîner une détérioration de l’inclusion et de la sécurité de ces personnes à l’intérieur et à l’extérieur de l’armée, reproduisant les stéréotypes de genre ainsi que la violence et la discrimination. Cette situation a été particulièrement ressentie par les personnes trans, car les demandes pour intégrer l’armée avaient été reportées au 1er janvier 2018 par James Mattis, le nouveau Secrétaire à la Défense, après la victoire de Donald Trump aux élections de 2016. Les communiqués de presse contenant des informations erronées sur les personnes trans ont encore accru l’incertitude parmi les militaires trans en service actif.

En ce sens, dans le but de renforcer les règles relatives à la participation des personnes trans à l’appareil militaire, Donald Trump a instauré en juillet 2017 une interdiction administrative définitive des personnes trans dans l’armée, confirmée par le mémorandum présidentiel du 25 août 2017^[51]Lang, M. J. (2017). Examining the Trump administration’s transngender service ban through an international human rights law framework. Duke J. Gender L. & Pol’y, 25, 24. Cette mesure est entrée en vigueur en avril 2019, établissant que les personnes trans qui servaient déjà étaient autorisées à continuer, mais que les nouvelles recrues n’avaient pas le droit d’entrer dans les rangs de l’armée américaine. Cette interdiction n’a été annulée qu’en 2021, sous l’administration de Joe Biden^[52]BBC News (2021, Janvier 25). Biden overturns Trump transgender military ban. Récupérée de http://www.bbc.com/news/world-ud-canada-55799913. Dans la perspective du retour de Donald Trump au pouvoir en 2025, ce scénario conservateur pourrait se reproduire. 

Dans ce contexte, cependant, il est important de souligner certaines mesures visant à protéger les femmes et personnes LGBTI+. Aux US, la sénatrice Kirsten Gillibrand a introduit la loi sur l’amélioration de la justice militaire avec l’objectif d’écarter la chaîne de commandement du jugement des affaires d’agression sexuelle et de placer le pouvoir de décision entre les mains des procureurs militaires^[53]White , B. (2021). Protecting Our Service Members: Sexual Assault Response Reform in the US Military. Pol’y Persp., 28, 1. Le projet de loi, qui aurait été inclus sur le National Defense Authorization Act (NDAA), a pris de l’ampleur depuis que l’expert militaire Aaron Robinson a assassiné la soldate Vanessa Guillén en 2020. Elle avait déjà signalé à plusieurs reprises des cas de harcèlement sexuel sans obtenir le soutien de ses supérieurs ou de l’armée. Ainsi, le projet de loi est entré en vigueur en 2022 avec la réforme du NDAA^[54]Walters, E. (2021, Decembre 29). New law named for Vanessa Guillén aimed at reforming military investigations signed by Biden. The Texas Tribune. Récupérée de … Continue reading, permettant d’enquêter sur les cas de harcèlement en dehors de la chaîne de commandement de l’armée et de confier le procès à des procureurs indépendants^[55]Walters, E. (2021, Decembre 29). New law named for Vanessa Guillén aimed at reforming military investigations signed by Biden. The Texas Tribune. Récupérée de … Continue reading. 

En outre, la France a lancé une mission d’inspection générale au sein du Ministère des Armées en 2024 avec l’objectif d’investiguer les violences sexuelles qui ont eu lieu dans la structure militaire française, en sanctionnant les agresseurs^[56]France Bleu. (2023, 21 mai). Violences sexuelles dans les armées : après de nombreux témoignages, le ministère lance une mission d’inspection. France Bleu. Récupéré de … Continue reading. Cette enquête remonte à la formation de la cellule Themis, créée en 2014 au sein du Ministère, dans le but « de recueillir les signalements de harcèlement sexuel, de violences sexuelles, d’outrages sexistes et de discriminations de toute sorte et de veiller à leur bon traitement^[57]Ministère des Armées. (2024). THEMIS: Lutte contre le harcèlement sexuel, les violences sexuelles et sexistes, et les discriminations de toute sorte. Ministère des Armées. Récupéré de … Continue reading» .  Encore en France, au début des années 2010, des mesures explicites visant à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu militaire ont commencé à émerger, notamment avec l’adoption de la loi « Sauvadet » de 2012, qui cherchait à atteindre la parité dans l’encadrement supérieur de la fonction publique^[58]Boutron , C., & Weber, C. (2022). La féminisation des armées françaises: entre voluntarisme institutionnel et résistances internes. Travail, genre et sociétés, (1), 37-54.

Bien que de nombreuses politiques discriminatoires aient été récemment inversées, notamment sous l’administration de Joe Biden en 2021 aux États-Unis et avec la reconnaissance officielle de la discrimination contre les LGBTI+ par le Royaume-Uni en 2023, une culture persistante d’homophobie, de sexisme et de transphobie demeure. Il est donc crucial de développer et d’établir une nouvelle culture militaire et de lutter contre celui qui tolère les agressions afin de les prévenir de manière durable. 

Pour atteindre ces objectifs, le Canada peut servir d’exemple, compte tenu des progrès qu’il a accompli dans ce domaine. Le pays a supprimé la mention du sexe sur les permis de conduire militaires ; a mis en œuvre d’importantes initiatives visant à améliorer les processus de sélection des forces armées pour les promotions, telles que la mise en place d’un examen de l’analyse fondée sur le genre afin de s’assurer que les critères de notation n’ont pas d’incidence négative sur les divers groupes au sein de l’organisation ; et a introduit d’évaluations psychométriques dans le processus de sélection des officiers généraux et des officiers d’état-major, ainsi que des évaluations extrêmement détaillées pour les personnes recommandées au ministre de la défense nationale en vue d’une promotion ou d’une nomination à des postes importants^[59]Department of National Defence. (2022, March). Spotlight on culture change initiatives for military personnel. Retrieved from … Continue reading.

Dans le cas, par exemple, des pays où d’autres ministères, comme en France avec celui des Affaires étrangères, ont déjà développé des politiques d’inclusion, il est recommandé au niveau institutionnel que les ministères des armées adoptent des procédures inclusives similaires, ayant déjà démontré leur succès dans la mise en œuvre d’initiatives de genre. Cela permettrait de promouvoir une plus grande transparence et de briser la culture de confidentialité souvent associée à l’environnement militaire. La confidentialité est fréquemment invoquée pour justifier que des rapports, des plaintes ou des affaires ne soient pas rendus publics, même lorsqu’il ne s’agit pas de sujets sensibles liés à la guerre^[60]Les informations ont été obtenues par le biais d’un entretien semi-structuré méné par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français.

Il est également impératif que les ministères respectent et promeuvent les droits des femmes. Cela peut être réalisé par le biais de solides programmes de formation interne et d’un financement adéquat de ces initiatives. Bien que disposant de ressources financières, le ministère doit les utiliser de manière efficace et équitable pour garantir la mise en œuvre de ces politiques et favoriser une culture plus inclusive et égalitaire au sein de l’institution. De plus, en Occident, il serait bénéfique d’établir un cadre institutionnel au sein de l’UE et de l’OTAN, internationalisant ainsi les actions en faveur de l’intégration des femmes et des personnes LGBTI+ dans un cadre plus large^[61]Les informations ont été obtenues par le bians d’un entretien semi-structuré mené par une ancienne administratrice du Ministère des Armées français. 

La protection des victimes de harcèlement et d’agression doit être renforcée dans les armées en garantissant des enquêtes indépendantes, des procédures standardisées et une protection contre les représailles^[62]Sagawa, S., & Campbell, N. (1992). Women in the Military Issue Paper Sexual Harassement of Women in the Military. https://nwlc.org/wp-content/uploads/2015/08/Military%20Haressment.pdf, ainsi qu’en établissant de sanctions sévères contre les discours de haine, et pas seulement contre les actes physiques d’agression. De plus, les bases militaires devraient offrir des services de conseil, de santé mentale et de soins médicaux, et veiller à ce que les travailleurs sociaux et médicaux présents sur les bases soient correctement formés pour répondre aux cas de viols et d’agressions sexuelles^[63]Sagawa, S., & Campbell, N. (1992). Women in the Military Issue Paper Sexual Harassement of Women in the Military. https://nwlc.org/wp-content/upload/2015/08/Military%20Haressment.pdf.

La protection des troupes et des vétérans LGBTI+ exige de mettre fin à des décennies de discrimination. Les cas des vétérans LGBTI+ à qui une dispense honorable a été refusée (le type de dispense le plus courant, accordé lorsque le militaire n’a pas quitté le service pour des raisons déshonorantes, comme une mauvaise conduite ou un crime) doivent être réexaminés et corrigés si la discrimination basée sur leur sexualité ou leur identité de genre en est la cause. Ce n’est qu’avec des mesures allant dans ce sens que l’environnement militaire peut devenir un espace équitable et inclusif pour tous·tes.

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.

Pour citer cet article: Sofia Rocco Stainsack Rocha, “Masculinités militarisées : la nécessaire déconstruction pour la protection des femmes et des personnes LGBTI+ engagées”, 02.07.2024, Institut du Genre en Géopolitique, igg-geo.org/?p=19594