La Cour pénale internationale, une juridiction féminisée ?

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16/09/2024

Apo Raïssa Seka

Du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à celui du Rwanda (TPIR)[1]Le TPIY (1994) et le TPIR (1995) sont des juridictions internationales mises en place par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en vue de juger les auteurs de crimes commis dans les conflits … Continue reading, les femmes ont été de grandes actrices de la justice internationale pénale. À en croire Isabelle Delpla, ces deux tribunaux sont devenus célèbres par des femmes procureures telles Louise Harbour et Carla Del Ponte, souvent plus connues que les  présidents des Tribunaux eux-mêmes ou que leurs successeurs et prédécesseurs masculins[2]Delpla, I. (juin 2014), « Les femmes et le droit (pénal) international », Clio, 39, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/11918 ; DOI : 10.4000/clio.11918.. La présence de femmes ainsi que leur rôle remarquable[3]Les femmes ont particulièrement contribué à la criminalisation internationale des violences sexuelles et plus largement des violences faites aux femmes. au sein du TPIY et TPIR a été largement perçue comme une étape-clef dans l’émergence de la question de la féminisation des professions juridiques internationales. Il est vrai que cette représentativité féminine constitue un important progrès en soi[4]La question de la représentativité des femmes était absente des Statuts et de la pratique des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo., mais il n’en demeure pas moins qu’il reste limité en raison de l’inexistence de règles formelles[5]La nomination de femmes au sein du TPIY et du TPIR résulte d’une attitude volontariste d’Albright et d’expériences malheureuses dans la conduite des enquêtes et le traitement des témoins. … Continue reading. Il a fallu attendre l’adoption du Statut de Rome[6]Le Statut de Rome a été adopté en 1998 lors de la Conférence de Rome (15 juin-17 juillet 1998), puis est entré en vigueur en 2002 après sa ratification par une soixantaine d’Etats. établissant la Cour pénale internationale pour voir une véritable formalisation de la représentation des genres en matière de nomination des juges et de composition des instances internationales[7]Il est exigé en vertu du statut de Rome que les États Parties considèrent, dans le cadre du processus d’élection des juges, une représentation équitable des femmes et des hommes. Voir en ce … Continue reading. Cette grande première, symbole de la volonté de parvenir à une juridiction paritaire, donnera ainsi une nouvelle impulsion à la féminisation de la justice internationale.

Tendance majeure de notre époque, la féminisation correspond généralement à l’arrivée ou à l’augmentation du nombre de femmes et suppose que le rééquilibrage qui en résulte contribue à une égalité entre les genres. Elle évoque, pour reprendre les mots de la sociologue et féministe Claude Zaidman, « l’idée d’une marche vers l’égalité, égalité en droits, égalité en nombre : la levée d’obstacles juridiques, mais plus encore l’évolution sociale et économique favorisant le « rattrapage » d’un retard historique »[8]Zaidman, C. (2007), « La notion de féminisation. De la description statistique à l’analyse des comportements », Les Cahiers du CEDREF, n° 15, article disponible en ligne : … Continue reading. L’idée d’une féminisation de la Cour pénale internationale implique alors la démocratisation de toutes les professions judiciaires et l’accroissement en nombre de femmes dans ces professions, en termes de spécialité et de niveau. C’est du moins ce que traduit le Statut de Rome en exigeant une représentation équitable des genres dans le recrutement des juges et du personnel de la juridiction. A cet attendu, il ne fait nul doute que l’égalité en droit entre femmes et hommes dans l’accès à toutes les fonctions est désormais acquise. Néanmoins, cette égalité en droit conduit à s’intéresser à ses effets au niveau pratique puisque l’idée d’une féminisation doit être rapportée à une situation réelle. C’est pourquoi il convient de se demander si
l’égalité acquise par le Statut de Rome est une réalité au sein la Cour ? Dit autrement, existe-t-il des obstacles empêchant une meilleure participation et représentation des femmes au sein de la Cour ?

Une tendance générale à la féminisation

Au fil des années, les femmes sont de plus en plus nombreuses au sein de la Cour pénale internationale. Lors de la première élection des juges en 2003, le nombre de femmes élues en tant que magistrates était de 7 contre 11 hommes. Il s’agissait de la plus forte proportion de juges féminins, par comparaison avec les autres cours ou tribunaux internationaux.  En 2021, la parité sera atteinte soit 9 magistrates et 9 magistrats. La situation ne fera que se renforcer jusqu’à ce jour, de sorte qu’en mars 2024, les femmes représentent 61% (soit 11 sur 18 juges) des magistrats. La Cour pénale est donc devenue une juridiction internationale mixte en passe d’être une juridiction féminisée. En effet, le mouvement parait inévitable puisque les effectifs du personnel mettent en évidence la présence croissante de femmes.  En 2007, date à laquelle apparaissent les premières statistiques sexuées pour la Cour, elles représentent 43.7% des titulaires des 468 postes permanents[9]Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/6/22, 24 … Continue reading. Au fil des ans, leur représentativité a légèrement augmenté. En 2010, puis en 2013, le personnel féminin représente 49 % des effectifs de la juridiction[10]Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/9/30, 3 … Continue reading, en 2014, 46.5% ; en 2015, 43.8% ; en 2016, 2018 et 2019, 47.3% ; et en 2021 : 49.4%[11]Report of the Bureau on equitable geographical representation and gender balance in the recruitment of staff of the International Criminal Court, ICC-ASP/22/31 Assembly of States Parties Distr.: … Continue reading.

Cette féminisation est essentiellement imputable à la volonté de se conformer au critère de la représentation équitable femme/homme dans le recrutement des juges et du personnel de la Cour. Prévue par l’article 36 (8) du Statut de Rome, l’égalité de genre constitue l’un des fils conducteurs de la politique interne de la Cour qui en tient compte dans son travail et dans son approche institutionnelle. En 2020, dans une déclaration, la juridiction réaffirmait son engagement de mettre l’intégrité et le respect de l’article 36 (8) au cœur de sa démarche dans le cadre de toutes ses activités, en restant déterminée à rendre effectifs l’égalité des genres et une culture ainsi qu’un environnement de travail inclusifs[12]Voir la Déclaration de haut niveau de la, Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : … Continue reading. Une autre raison qui justifie la féminisation tient à ce que les valeurs défendues par la Cour pénale internationale « à l’extérieur », notamment la lutte contre les violences – de masse – commises contre les femmes soient mises en œuvre « à l’intérieur ». A cet égard, elle entend garantir un environnement de travail exempt d’intimidation, de harcèlement et de violences – sexuels·les –. Comme l’exprime les principaux responsables de la Cour : « nous sommes fermement convaincus qu’afin de défendre les droits des femmes et de tirer parti de leurs importantes contributions, les perspectives des femmes dans toute leur diversité doivent être intégrées dans toutes les sphères de travail de la Cour »[13]Déclaration de haut niveau de la Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : … Continue reading. Finalement, la féminisation de la Cour trouve sa source dans l’augmentation de la proportion des femmes dans les études et métiers de droit. Aujourd’hui, bien que la concurrence pour entrer dans les professions juridiques se soit considérablement accrue, les hommes semblent sous-représentés  dans la magistrature[14]Voir par exemple, Mouhanna, C. (2023), « La magistrature française entre féminisation et managérialisation », Trayectorias hulanas trascontinentales, n° 10, … Continue reading à l’instar des études universitaires[15]D’après le Rapport sur l’état de l’égalité de genre, publié par l’Université Libre de Bruxelles (ULB) pour l’année 2016-2017, « le corps estudiantin de l’ULB compte pour … Continue reading.

Un processus freiné par le plafond de verre

La féminisation de la Cour pénale a très vite constitué une source de grande préoccupation. Des rapports officiels consacrés à la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel s’inquiètent de la sous-représentation féminine aux postes de direction[16]Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/6/22, 24 … Continue reading. Tout se passe encore comme s’il existait un plafond de verre qui empêche les femmes d’occuper ces fonctions.

Par plafond de verre, il faut entendre l’accessibilité limitée, pour certaines catégories de personnes aux plus hauts postes, dans la structure hiérarchique. En première ligne de ce constat se trouvent les femmes. En effet, au sein de la Cour pénale internationale, ces dernières sont peu nombreuses à occuper les principales fonctions de direction, soit la Présidence de la Cour, la Présidence des Chambres, le Bureau du Procureur, et le Greffe.

Depuis la création de la CPI en 2002, seules deux femmes ont occupé le poste de Présidente. Pouvant être considérée comme la « plus haute fonction » de la Cour, le président est le premier représentant de la Présidence qui est l’organe chargé de l’administration de la Cour, à l’exception du Bureau du Procureur[17]La Présidence assume également d’autres tâches, et veille notamment à ce que les peines décidées à l’encontre des personnes reconnues coupables par la Cour soient exécutées.. Il s’agit de l’organe qui représente la Cour vis-à-vis de l’extérieur et participe à l’organisation du travail des juges. Si l’élection récente de la juge Tomoko Akane[18]La juge Tomoko Akane a élu présidente de la CPI le 11 mars 2024 pour un mandat de trois ans (2024-2027), à l’instar du juge Rosario Salvatore Aitala élu premier vice-président et la juge Reine … Continue reading au poste de présidente pourrait représenter un gage d’espoir pour l’avenir, elle ne doit pas faire oublier la sous-représentation continue des femmes pour les autres organes centraux de la Cour. En effet, les Chambres chargées de mener les procédures judiciaires n’ont jamais été présidées par une femme. Pour ce qui est du Bureau du procureur, organe procédant aux examens préliminaires, enquêtes et poursuites, une seule femme a été Procureure depuis 2002. Il s’agit de Fatou Bensouda qui a occupé cette fonction de 2012 à 2021. Quant au Greffe chargé de mener des activités non judiciaires[19]Ces activités concernent la sécurité, l’interprétation, l’information et la sensibilisation ou l’appui aux avocats de la Défense et des victimes. En bref, le Greffe fournit des services à … Continue reading, il a été dirigé jusqu’ici par une seule femme, Silvana Arbia, de 2008 à 2013. A l’instar de ces quatre organes centraux de la Cour, une importante sous-représentation du personnel féminin dans les postes dits P-5 et supérieurs a été constatée. Au 31 mars 2023, 82,6 % du personnel féminin occupe des postes de grade inférieur (P-1, P-2 et P-3) et les femmes sont fortement sous-représentées aux niveaux supérieurs : seulement 0,5 % du personnel au niveau D-1 est féminin, 4,9 % au niveau P-5, 12 % au niveau P-4 et 82,6 % à d’autres niveaux[20]Report of the Bureau on equitable geographical representation and gender balance in the recruitment of staff of the International Criminal Court, ICC-ASP/22/31 Assembly of States Parties Distr.: … Continue reading.

Si l’on se situe du point de vue du processus du recrutement stricto sensu aux emplois judiciaires internationaux, la question de l’inaccessibilité des femmes à des postes de gestion supérieure n’a en principe pas de sens. La non-discrimination fondée sur le genre est essentielle à la sélection des juges internationaux et plus largement au recrutement à des postes de responsabilité[21]Institut de droit international, 6 RES EN FINAL, 9 sept. 2011, Session de Rhodes, The Position of the International Judge.. Dans cette perspective, la difficile accession des femmes à ces fonctions n’est pas liée à une discrimination. Néanmoins, des recherches sur l’avancement des femmes en milieu professionnel, à l’instar de la CPI, proposent des facteurs d’explication au plafond de verre et son profond enracinement[22]Landrieux-Kartochian S. (2007), Les organisations face au plafond de verre, Revue française de gestion, n°4, PP. 15-30 ; Marchand I. Saint-Charles J. et Corbeil C. (2007), L’ascension … Continue reading.

Le premier mécanisme qui entretient le plafond de verre est de nature organisationnel. La littérature sociologique montre que les « règles du jeu » qui organisent l’accès à des postes de haute direction tendent à cantonner les femmes aux niveaux inférieurs.  Si le recrutement à proprement parler repose sur des règles formelles définies, il en est autrement de l’avancement de carrière qui repose sur des mécanismes informels. Par exemple, la pratique de la cooptation et l’appartenance à des réseaux sont très observables dans l’accès aux échelons les plus élevés. La première est une technique de recrutement qui consiste à recommander une personne de son réseau pour un poste. Tandis que la seconde se résume en l’interactivité de personnes qui se côtoient et avec lesquelles il est possible de générer des opportunités professionnelles. Reconnu comme vecteur fondamental de l’avancement des carrières, la cooptation et le réseautage restent pourtant une pratique insuffisamment répandue auprès des femmes. Ces mécanismes sont encore dominés par les hommes dans le fonctionnement ; ce qui fatalement a pour conséquence de favoriser ces derniers au détriment des femmes. Cette réalité observable au sein d’entreprises et organisations pourrait s’appliquer à la CPI d’autant plus que les professions juridiques nationales n’échappent pas à cette tendance. Transposer au sein de la juridiction internationale, il est on ne peut plus clair que le recrutement des femmes à des postes de responsabilité est plus complexe qu’il n’y parait.

Le deuxième facteur qui sous-tend la faible représentation des femmes aux fonctions les plus élevées est d’ordre sociétal. Des recherches sociologiques mettent en évidence que les femmes, en raison du poids des responsabilités relevant du « care » s’orienterait vers des métiers leur offrant des conditions de travail compatibles avec leurs charges familiales[23]Fusulier B. (2011), Articuler vie professionnelle et vie familiale. Etude de trois groupes professionnels : les infirmières, les policiers et les assistants sociaux, Presses universitaires de … Continue reading. Plus encore, les emplois supérieurs impliquant la disponibilité seraient – généralement – difficile de conjuguer avec de lourdes charges familiales. Mais surtout, une sexualisation des compétences tendrait à cantonner les femmes aux « fonctions support » alors que les hommes seraient associés aux postes de « leader ». Tout se passe comme si la différenciation des fonctions laisse transparaitre un certain nombre de principes qui structurent traditionnellement la division sexuelle des tâches. Ainsi, l’ambition et la compétitivité apparaissent comme des qualités masculines ; et en dépit de quelques avancées, l’autorité reste largement associée à la virilité et la masculinité : la représentation sociale demeure attachée à une fonction reproductive de la femme[24]Buscatto M. et Marry C. ( 2009), « Le plafond de verre dans tous ses éclats ,  La féminisation des professions supérieures au XXe siècle », Sociologie du travail, vol. 51, n°2, pp. … Continue reading. Ces normes et stéréotypes sont parfois intériorisés par les femmes elles-mêmes au cours de leur socialisation. Ce qui expliquerait une orientation professionnelle différenciée, une moindre confiance en elles et une certaine autocensure. Les résultats de certaines études illustrent cette triste réalité : une femme qui candidate à un poste dispose en réalité de 150 % des compétences requises, tandis que dans le cas de l’homme, 60 % des compétences suffisent en moyenne pour motiver une candidature[25]Coignac A. (2019), « Féminisation de la magistrature et retour à la mixité », La semaine juridique, n° 9-10, p. 417.. Cette autocensure creuserait les inégalités professionnelles.

La réalisation d’actions en vue d’améliorer la féminisation

Deux catégories d’action sont à retenir : la première qui est d’ordre organisationnel a permis de créer un programme pilote de mentorat pour les femmes. Découlant du plan stratégique du Greffe pour la période 2019-2021[26]Voir le Plan stratégique du Greffe pour la période 2019-2021., cette approche vise à apporter un soutien aux femmes pour renforcer leurs réseaux professionnels, définir leurs aspirations et poursuivre leur carrière grâce à l’aide et au soutien d’un·e mentor·e expérimenté·e[27]Voir le Rapport du Bureau concernant la représentation géographique équitable et la parité hommes-femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, Doc. ICC-ASP/19/29, 13 … Continue reading. La pratique du mentorat pourrait s’avérer prometteuse dans la mesure où elle faciliterait le développement de l’activité de réseautage auprès des femmes ; activité qui représente un véritable levier pour faire carrière et accéder à des postes de responsabilités. En outre, la CPI a mis en place un mandat de coordonnatrice pour l’égalité des genres. Cette fonction a pour mission d’apporter une assistance et des conseils en lien avec les problèmes organisationnels systémiques pouvant entraver la progression professionnelle des femmes[28]Voir le Rapport du Bureau concernant la représentation géographique équitable et la parité hommes-femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, Doc. ICC-ASP/19/29, 13 … Continue reading. Assurée actuellement par Antônia Pereira de Sousa, la coordonnatrice aide les dirigeant·e⋅s de la Cour à traiter des questions liées à l’égalité des chances de carrière pour tous·tes et des conditions d’emploi appropriées qui garantissent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ainsi que le bien-être des femmes dans l’institution[29]Déclaration de haut niveau de la Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : … Continue reading.

La seconde action, d’ordre thématique, a consisté en l’adoption de la Stratégie sur l’égalité des genres et la culture sur le lieu de travail. Datant de 2022, l’enjeu de ce texte est de résoudre les inégalités entre les sexes, en particulier aux postes élevés, au moyen de mesures s’appliquant aux élections, au recrutement, à l’environnement de travail, à la formation et au développement professionnel. La Stratégie s’articule autour de trois piliers : une culture sur le lieu de travail et des processus sûrs et inclusifs ; un équilibre entre vie professionnelle et vie privée et la parité entre les genres et l’égalité des chances. Pour chaque pilier, des actions à moyen et long terme sont prévus.

A ce jour, les actions réalisées semblent ne pas pouvoir se prêter à un exercice d’évaluation visant à en jauger leurs premières retombées en raison de leur caractère très récent. Néanmoins, elles pourraient représenter un gage d’espoir pour l’avenir puisqu’elles constituent des pratiques nouvelles comparativement aux juridictions pénales précédentes et surtout elles montrent une volonté de la Cour à faire de la féminisation de ses emplois et de la représentation féminine aux postes de direction, des objectifs à atteindre.

A cet égard, la Cour doit :

  • S’engager véritablement à mettre en œuvre, de manière efficace et efficiente les mesures récemment adoptées et apporter un changement dans l’attribution des postes de responsabilité ainsi que dans la répartition des femmes dans tous les secteurs professionnels. L’effectivité et l’efficacité des mesures formelles constituant un enjeu important pour améliorer substantiellement les questions liées au genre au sein de la Cour.
  • Intensifier ses efforts pour garantir l’égalité des sexes et pour mettre en place un environnement de travail sain et accueillant, en consolidant l’engagement et la responsabilisation de l’ensemble du personnel, en commençant par la direction, et en responsabilisant davantage le personnel de la Cour en tant qu’agent·e·s du changement dans un environnement sûr, respectueux et inclusif[30]Déclaration de haut niveau de la Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : … Continue reading.
  • Œuvrer davantage à développer les campagnes d’informations et de formations ainsi que des programmes de sensibilisation et d’éducation pour intégrer les questions liées à l’égalité des genres, faire évoluer les mentalités tout en combattant certains préjugés liés à l’employabilité des femmes.
  • Plus que la Cour, il apparait également crucial pour les femmes de dépasser les stéréotypes de genre d’un côté et les facteurs plus subtils liés à l’autocensure qu’elles s’imposent du fait même des craintes de ne pas pouvoir concilier vie privée ou respect de ses valeurs avec réussite professionnelle.
  • Les femmes devraient également s’intéresser aux activités de réseautage, à développer leur réseau dans la mesure où cela représente un véritable levier pour faire carrière et accéder à des postes de responsabilité car à un certain niveau, il faut considérer que réseauter fait réellement partie du travail.

 

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.

Pour citer cet article: Apo Raïssa Seka, “La Cour pénale internationale, une juridiction féminisée ?”, 16.09.2024, Institut du Genre en Géopolitique, igg-geo.org/?p=20301

References

References
1 Le TPIY (1994) et le TPIR (1995) sont des juridictions internationales mises en place par l’Organisation des Nations Unies (ONU) en vue de juger les auteurs de crimes commis dans les conflits armés en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ils succèdent aux tribunaux de Nuremberg et de Tokyo créés pour juger les crimes commis lors du second conflit mondial et qui marque la naissance d’une justice internationale pénale. A l’instar de la Cour pénale mise en place en 2002 qui a compétence universelle et permanente, d’autres juridictions ad hoc ont vu le jour depuis (par exemple le Tribunal spécial pour la sierra leone (TSSL) créé en 2002 et dont les activités ont cessé en 2013 ; les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens créées en 2003 ; le Tribunal spécial pour le Liban créé en 2009…).
2 Delpla, I. (juin 2014), « Les femmes et le droit (pénal) international », Clio, 39, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/11918 ; DOI : 10.4000/clio.11918.
3 Les femmes ont particulièrement contribué à la criminalisation internationale des violences sexuelles et plus largement des violences faites aux femmes.
4 La question de la représentativité des femmes était absente des Statuts et de la pratique des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo.
5 La nomination de femmes au sein du TPIY et du TPIR résulte d’une attitude volontariste d’Albright et d’expériences malheureuses dans la conduite des enquêtes et le traitement des témoins. Cf. Delpla, I. (juin 2014), « Les femmes et le droit (pénal) international », Clio, 39, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/clio/11918 ; DOI : 10.4000/clio.11918; Franco, A. (mai 2024), « (In)égalité des sexes dans les missions de maintien de la paix de l’ONU », L'(in)égalité des sexes dans les missions de maintien de la paix de l’ONU – Institut du Genre en Géopolitique (igg-geo.org).
6 Le Statut de Rome a été adopté en 1998 lors de la Conférence de Rome (15 juin-17 juillet 1998), puis est entré en vigueur en 2002 après sa ratification par une soixantaine d’Etats.
7 Il est exigé en vertu du statut de Rome que les États Parties considèrent, dans le cadre du processus d’élection des juges, une représentation équitable des femmes et des hommes. Voir en ce sens, CPI, Statut de Rome, art. 36 (8) (a) (iii).
8 Zaidman, C. (2007), « La notion de féminisation. De la description statistique à l’analyse des comportements », Les Cahiers du CEDREF, n° 15, article disponible en ligne : https://journals.openedition.org/cedref/499, consulté le 20 mai 2023.
9 Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/6/22, 24 octobre 2007, p. 10.
10 Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/9/30, 3 décembre 2010, p. 3.
11, 20 Report of the Bureau on equitable geographical representation and gender balance in the recruitment of staff of the International Criminal Court, ICC-ASP/22/31 Assembly of States Parties Distr.: General 30 November 2023, p. 4.
12 Voir la Déclaration de haut niveau de la, Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/itemsDocuments/gender-equality/210430-ge-fra.pdf, consulté le 05 avril 2024.
13 Déclaration de haut niveau de la Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/itemsDocuments/gender-equality/210430-ge-fra.pdf, consulté le 05 avril 2024.
14 Voir par exemple, Mouhanna, C. (2023), « La magistrature française entre féminisation et managérialisation », Trayectorias hulanas trascontinentales, n° 10, https://doi.org/10.25965/trahs.5218; Béssière C., Gollac S., Mille M., (2016), Féminisation de la magistrature : quel est le problème ?, Travail, genre et Sociétés, n° 6, pp. 175-180 ; Raes M. Les femmes dans la magistrature belge : la loi et les faits, Presses universitaires Saint-Louis bruxelles, pp. 175-196 https://books.openedition.org/pusl/person/12017.
15 D’après le Rapport sur l’état de l’égalité de genre, publié par l’Université Libre de Bruxelles (ULB) pour l’année 2016-2017, « le corps estudiantin de l’ULB compte pour l’année académique 2016-2017 26 809 membres régulièrement inscrit·é·s dont 14 856 femmes, soit 55% ». Il en va de même pour l’Université Catholique de Louvain (ULC), où « pour l’année académique 2016-2017, le nombre d’étudiant·e·s régulièrement inscrit·é·s à l’UCL est de 30 774, dont 16 544 étudiantes (53,8%) et 14 230 étudiants (46, 2%).. cf. BARRETO L. et Perene A. Le genre de la justice, https://journalisme.ulb.ac.be/projets/panserlajustice/justice-et-genre/; Voir aussi Dalloz étudiant, Où sont les hommes ?, https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-billet/article/ou-sont-les-hommes/h/f0fc50894d4be3a9f57b64ae0af65f54.html.
16 Rapport du Bureau concernant la représentation géographique et la représentation des hommes et des femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, ICC-ASP/6/22, 24 octobre 2007 ; ICC-ASP/9/30, 3 décembre 2010 ; ICC-ASP/22/31, 30 November 2023.
17 La Présidence assume également d’autres tâches, et veille notamment à ce que les peines décidées à l’encontre des personnes reconnues coupables par la Cour soient exécutées.
18 La juge Tomoko Akane a élu présidente de la CPI le 11 mars 2024 pour un mandat de trois ans (2024-2027), à l’instar du juge Rosario Salvatore Aitala élu premier vice-président et la juge Reine Alapini-Gansoua élue seconde vice-présidente. Les membres de la Présidence sont élus pour une durée de trois ans avec effet immédiat.
19 Ces activités concernent la sécurité, l’interprétation, l’information et la sensibilisation ou l’appui aux avocats de la Défense et des victimes. En bref, le Greffe fournit des services à tous les autres organes afin que la Cour puisse fonctionner et mener des procès publics, équitables et efficaces. Le Greffe est responsable de trois principales catégories de services : l’appui judiciaire, les affaires extérieures, et l’administration.
21 Institut de droit international, 6 RES EN FINAL, 9 sept. 2011, Session de Rhodes, The Position of the International Judge.
22 Landrieux-Kartochian S. (2007), Les organisations face au plafond de verre, Revue française de gestion, n°4, PP. 15-30 ; Marchand I. Saint-Charles J. et Corbeil C. (2007), L’ascension professionnelle et le plafond de verre dans les entreprises privées au Qébeec, Recherche féministe,  vol. 20, n°1, pp. 27-54. Femme et carrière : la question du plafond de verre, Revue française de gestion, N° 151, pp. 117-127.
23 Fusulier B. (2011), Articuler vie professionnelle et vie familiale. Etude de trois groupes professionnels : les infirmières, les policiers et les assistants sociaux, Presses universitaires de Louvain.
24 Buscatto M. et Marry C. ( 2009), « Le plafond de verre dans tous ses éclats ,  La féminisation des professions supérieures au XXe siècle », Sociologie du travail, vol. 51, n°2, pp. 170-182 ; Bertin-Mourot B. et Laval C. (2006), Briser le plafond de verre : un travail de longue haleine, L’expansion Management review, n°121, pp. 48-53 ; Femmes du droit : le dossier du village de la justice, Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Le plafond de verre : le comprendre pour le briser, disponible en ligne : https://www.village-justice.com/articles/Femmes-Droit-dossier-Village-justice,10813.html.
25 Coignac A. (2019), « Féminisation de la magistrature et retour à la mixité », La semaine juridique, n° 9-10, p. 417.
26 Voir le Plan stratégique du Greffe pour la période 2019-2021.
27, 28 Voir le Rapport du Bureau concernant la représentation géographique équitable et la parité hommes-femmes dans le recrutement du personnel de la Cour pénale internationale, Doc. ICC-ASP/19/29, 13 décembre 2020, p. 3.
29, 30 Déclaration de haut niveau de la Cour pénale internationale sur l’égalité des genres, disponible sur : https://www.icc-cpi.int/sites/default/files/itemsDocuments/gender-equality/210430-ge-fra.pdf, consulté le 05 avril 2024.