La communauté LGBT+ aux États-Unis : quelles évolutions sous le mandat de Donald Trump ?

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La communauté LGBT+ aux États-Unis : quelles évolutions sous le mandat de Donald Trump ?

Illustrateur : Nato Tardieu 

15/05/2020

Déborah Rouach

Lors de sa campagne présidentielle en 2016, le futur président Donald Trump avait maintenu une position ambiguë envers la communauté LGBT+ qui représente 13 millions de personnes[1]Personnes âgées de plus de 12 ans qui s’identifient comme LGBTQ. Source : Conron Kerith J., Goldberg Shoshana K., « LGBT People in the US Not Protected by State Nondiscrimination Statutes », … Continue reading aux États-Unis. Bien qu’il soit contre le mariage homosexuel et favorable aux lois déniant la reconnaissance de personnes transgenres, il avait déclaré dans un tweet le 14 juin 2016 : « Merci à la communauté LGBT ! Je vais me battre pour vous pendant qu’Hillary fera venir de plus en plus de gens qui menaceront vos droits et vos convictions » et avait brandit le drapeau LGBT+ en octobre 2016 lors d’un meeting dans le Colorado. Mais depuis son investiture le 20 janvier 2017, la communauté LGBT+ a rapidement vu ses droits se restreindre et être attaqués par des mesures prises par le président et son administration. 

L’attaque des droits des personnes LGBTQ par le président Donald Trump

Depuis 2017, le président et son administration s’en sont pris aux mesures accordant plus de droits aux minorités sexuelles, qui avaient été établies sous les mandats de son prédécesseur, Barack Obama. Grâce au Trump Accountability Project mené par l’association Gay & Lesbian Alliance Against Defamation[2]https://www.glaad.org/tap/donald-trump, toutes les déclarations et actions anti-LGBT+ du président Donald Trump et de son administration ont été recensées et répertoriées, ce qui nous permet de constater le systématisme avec lequel l’agenda politique du président s’en prend aux minorités sexuelles. Le think tank Movement Advancement Project, quant à lui, a fait état de « plus de 100 lois ou projets de loi [anti-LGBT+] dans vingt-neuf États en moins de deux ans[3]Cassan Félicien, « Sale temps pour les LGBT+ aux États-Unis », 10 octobre 2018, Slate, disponible sur : … Continue reading».

Tout juste après l’assermentation de Donald Trump, le site de la Maison-Blanche ainsi que d’autres sites gouvernementaux ont supprimé leur page dédiée aux droits des personnes LGBT+ ainsi que les informations relatives à la santé des femmes lesbiennes et bisexuelles, manifestant ainsi la position anti-LGBT+ du nouveau gouvernement.

En février 2017, les Ministères de la Justice et de l’Education ont abrogé la circulaire fédérale permettant aux personnes transgenres d’utiliser les toilettes de leur choix dans les établissements scolaires publics. Les États sont désormais libres d’imposer aux personnes transgenres l’utilisation des toilettes dans les écoles qui correspondent à leur état civil et non au sexe auquel elles s’identifient. Le 11 mai 2018, les prisonnier.ère.s transgenres étaient visé.e.s par le Département de la Justice qui suspend les dispositions leur permettant d’utiliser les installations adaptées à leur identité de genre et non leur sexe à la naissance, introduites par Barack Obama pour les protéger de toutes formes d’agressions par d’autres codétenu.e.s. En octobre 2018, les droits des personnes transgenres ont une fois de plus fait l’objet d’une offensive présidentielle suite à la volonté de Donald Trump de modifier la définition légale de la notion du « genre » délivrée par le Ministère de la Santé sur une vision immuable et biologique du genre qui serait défini en fonction des organes sexuels à la naissance d’une personne et non de l’identité de genre à laquelle elle s’identifie.

Au cours du même mois, les conjoints de diplomates homosexuels non mariés se sont vus refuser le droit à un visa pour résider sur le sol américain. Et en janvier 2019, la Cour suprême a permis à l’administration de Donald Trump de bloquer le recrutement de militaires transgenres qui, selon le président, causerait une perte d’efficacité de l’armée américaine, des perturbations et un coût médical trop conséquent, jusqu’à ce que les cours d’appel fédérales se prononcent définitivement sur la question. Cela équivaudrait à un retour de la politique discriminatoire[4]The Editors of Encyclopaedia Britannica, « Don’t Ask, Don’t Tell. United States policy », 2009, Britannica, disponible sur : https://www.britannica.com/event/Dont-Ask-Dont-Tell du « Don’t Ask, Don’t Tell », en vigueur de 1994 à 2011, qui imposait aux personnes LGBT+ de ne pas parler ouvertement de leur orientation ou identité sexuelle afin de pouvoir entrer ou rester au service de l’armée américaine.

L’ensemble de ces mesures attestent d’un recul net et assumé de l’action gouvernementale sous le mandat du président Donald Trump quant aux droits des personnes LGBT+ ce qui, en miroir, renforce les postures hostiles aux minorités sexuelles au sein de la société américaine.

Les discriminations contre les personnes LGBTQ au niveau de la société

Le gouvernement américain envoie donc un signal clair à sa population sans toutefois l’exprimer directement : les discriminations envers la communauté LGBT+ sont tolérées. Il n’en fallait pas plus dans un pays où la religion fracture déjà fortement la société sur la question des droits des personnes LGBT+. Sous prétexte de motifs religieux ou moraux, les personnes LGBT+ peuvent se voir refuser un accès égal à certains services tels que la santé, notamment pour le traitement médical des personnes transgenres[5]Sanger-Katz Margot, « Trump Administration Strengthens ‘Conscience Rule’ for Health Care Workers », 2 mai 2019, New York Times,disponible sur : … Continue reading , l’éducation, le marché immobilier ou du travail, les banques, etc. Les inégalités dans le quotidien des personnes LGBT+ se sont ainsi creusées de manière croissante. Ce serait près de la moitié de la communauté qui ne serait pas protégée contre ce genre de discriminations[6]Conron Kerith J., Goldberg Shoshana K., « LGBT People in the US Not Protected by State Nondiscrimination Statutes », avril 2020, Williams Institute, disponible sur : … Continue reading.

En 2018, le rapport de la National Coalition of Anti-Violence Programs[7]Waters Emily, Pham Larissa, Convery Chelsea, A crisis of hate. A report on lesbian, gay, bisexual, transgender and Queer Hate Violence Homicides in 2017, 2018, National Coalition of Anti-Violence … Continue reading alertait sur la hausse inquiétante du nombre de meurtres perpétrés contre des personnes LGBT+, cinquante-deux personnes avaient été tuées aux États-Unis en 2017, un chiffre record depuis 1977 et qui représente une augmentation de plus de 86 % par rapport à l’année 2016.

De plus, il ne faut pas oublier que le système juridique des États-Unis ne protège pas les personnes de la communauté LGBT+ contre les «
thérapies de conversion », traitements pseudo-scientifiques censés guérir les personnes de leur orientation et identité sexuelles. Ces pratiques sont autorisées dans les cinquante États du pays pour les adultes et interdites dans seulement dix-huit États pour les mineurs.

À quoi peut-on s’attendre après les élections présidentielles de novembre 2020 ?

Si le président Donald Trump venait à être réélu, on peut craindre une accentuation des atteintes aux droits des personnes LGBT+ au travers de mesures gouvernementales et fédérales ouvertement anti-LGBT+. Dans une toute autre perspective, le candidat démocrate à la présidentielle pour 2020, Joe Biden, propose quant à lui des mesures[8]https://joebiden.com/lgbtq/ qui entendent poursuivre les lois et les mesures institutionnelles mises en place sous la présidence de Barack Obama alors qu’il était vice-président. Il confirme ainsi son engagement en faveur de la défense des droits LGBT+, d’une égalité d’accès aux services publics et à l’armée et de leur protection contre toutes formes de violences et de discriminations. Joe Biden promet également de « mettre fin à l’utilisation abusive des exemptions religieuses pour permettre la discrimination anti-LGBT+[9]Cyr Chantal, « Joe Biden publie son programme sur l’égalité des personnes LGBT », Fugues, 12 mars 2020, disponible sur : … Continue reading», ce qui risque de provoquer de vives réactions au sein de la frange la conservatrice de la société américaine. 

Pour citer cet article : Rouach Déborah, « La communauté LGBT+ aux États-Unis : quelles évolutions sous le mandat de Donald Trump ? », 15.05.2020, Institut du Genre en Géopolitique.

References

References
1 Personnes âgées de plus de 12 ans qui s’identifient comme LGBTQ. Source : Conron Kerith J., Goldberg Shoshana K., « LGBT People in the US Not Protected by State Nondiscrimination Statutes », avril 2020, Williams Institute, disponible sur : https://williamsinstitute.law.ucla.edu/publications/lgbt-nondiscrimination-statutes/
2 https://www.glaad.org/tap/donald-trump
3 Cassan Félicien, « Sale temps pour les LGBT+ aux États-Unis », 10 octobre 2018, Slate, disponible sur : http://www.slate.fr/egalites/terra-lgbt/episode-3/administration-trump-trahison-communaute-lgbt-etats-unis-conservatisme-religion
4 The Editors of Encyclopaedia Britannica, « Don’t Ask, Don’t Tell. United States policy », 2009, Britannica, disponible sur : https://www.britannica.com/event/Dont-Ask-Dont-Tell
5 Sanger-Katz Margot, « Trump Administration Strengthens ‘Conscience Rule’ for Health Care Workers », 2 mai 2019, New York Times,disponible sur : https://www.nytimes.com/2019/05/02/upshot/conscience-rule-trump-religious-exemption-health-care.html
6 Conron Kerith J., Goldberg Shoshana K., « LGBT People in the US Not Protected by State Nondiscrimination Statutes », avril 2020, Williams Institute, disponible sur : https://williamsinstitute.law.ucla.edu/publications/lgbt-nondiscrimination-statutes/
7 Waters Emily, Pham Larissa, Convery Chelsea, A crisis of hate. A report on lesbian, gay, bisexual, transgender and Queer Hate Violence Homicides in 2017, 2018, National Coalition of Anti-Violence Programs, disponible sur : http://avp.org/wp-content/uploads/2018/01/a-crisis-of-hate-january-release.pdf
8 https://joebiden.com/lgbtq/
9 Cyr Chantal, « Joe Biden publie son programme sur l’égalité des personnes LGBT », Fugues, 12 mars 2020, disponible sur : https://www.fugues.com/255952-article-joe-biden-publie-son-programme-sur-l-egalite-des-personnes-lgbt.html