#MeToo en Asie de l’Est : implications sociétales et politiques

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26/04/2023

Manon Simeon 

Le mouvement #MeToo trouve son origine aux États-Unis il y a 20 ans, lorsque Tarana Burke, une activiste états-unienne, initia une campagne pour sensibiliser sur les violences sexuelles. Il prit de l’ampleur en 2017 à Hollywood, et sa diffusion a encouragé les victimes de harcèlement et d’agressions sexuels à dénoncer les hommes en position de pouvoir[1]Servos, M. (23 octobre 2022) #MeToo en dates clés, Madmoizelle. https://www.madmoizelle.com/metoo-en-dates-cles-1452297.. Cinq ans après, il est désormais temps de se pencher sur l’après #MeToo et ses conséquences pour les femmes.

Les dénonciations initiées par #MeToo concernent essentiellement le harcèlement sexuel au travail. Il est important de rappeler ici que ce type de violence se situe dans un continuum de violences sexuelles contre les femmes allant des commentaires sexistes au viol[2]Kelly, L. (1991) Surviving Sexual Violence. Polity.. Les violences sexuelles sont définies par l’OMS comme « les actes allant du harcèlement verbal à la pénétration forcée, ainsi que des formes de contrainte très variées allant de la pression et de l’intimidation sociale jusqu’à la force physique[3]Organisation Mondiale de la Santé, et Organisation Panaméricaine de la Santé (2019) Comprendre et lutter contre la violence à l’égard des femmes : la violence exercée par un partenaire … Continue reading ».

Les répercussions du mouvement #MeToo en Asie de l’Est ont été peu étudiées et peu comparées[4]Huang, C. (2021) #MeToo in East Asia: The Politics of Speaking Out. Politics & Gender 17(3), 483‑90. https://doi.org/10.1017/S1743923X21000234.. Bien qu’étant trois puissances économiques mondiales, le Japon, la Corée du Sud et la Chine, respectivement aux troisième, dixième et seconde place[5]World Bank (2021) GDP (current US$) Data. https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?most_recent_value_desc=true, ont encore du chemin à parcourir en ce qui concerne l’égalité des genres. Selon le World Economic forum (REF)[6]World Economic Forum (2018) Global Gender Gap Report 2018. https://www.weforum.org/reports/the-global-gender-gap-report-2018/, la Chine a perdu une place au classement mondial de l’écart entre les hommes et les femmes passant de la 102e place en 2018 à la 103e en 2022. Ses deux voisins ne se portent pas mieux. Le Japon a régressé à la 116e place en 2022 et la Corée du Sud atteint la 99e place et progresse ainsi de 16 places entre 2018 et 2022. Les progressions de chaque nation sont donc relativement limitées et aucune d’entre elle ne semble avoir été drastiquement impactée par le mouvement #MeToo. Concernant les régimes politiques, il est intéressant de noter que les trois pays étudiés sont tous régis par des systèmes différents : une démocratie parlementaire, une démocratie présidentielle et une dictature.

Comment comprendre les caractéristiques de #MeToo dans la région et ses conséquences pour le droit des femmes et l’égalité des genres ? Il conviendra d’analyser l’émergence du mouvement en Asie de l’Est, son fonctionnement selon les contextes nationaux, et les réponses politiques mises en place, afin de déterminer ses répercussions dans la région et, plus largement, les leçons à tirer pour poursuivre l’amélioration du droit des femmes.

Comprendre les caractéristiques du mouvement #MeToo en Asie de l’Est

Du fait des contextes disparates de la région, les origines du mouvement #MeToo en Chine, en Corée du Sud et au Japon ne sont pas les mêmes. En Chine, #MeToo prend de l’ampleur dans les universités. Une explication est leurs structures institutionnelles, qui rend les étudiant·es plus vulnérables à des formes d’abus de pouvoir de la part des enseignant·es, mais facilite aussi les dénonciations puisque les liens avec l’établissement ne sont que temporaires et moins contraignants qu’en entreprise[i]. Il sera ensuite repris en ligne et gagnera d’autres secteurs, avec plusieurs écrivain·es, journalistes, et moines bouddhistes dénoncés par des femmes en ligne, en dépit de la dictature[7]Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: China’s online campaigns against sexual abuse. Dans, B. Fileborn, R. Loney-Howes (dir.), #MeToo and the Politics of Social Change (pp. 71-83), Palgrave … Continue reading. En Corée du Sud, le cas médiatisé de la procureure Seo Ji-Hyun, qui décide de parler à la télévision de son agression sexuelle par un de ses supérieur, provoque l’indignation. En effet,  son cas révèle les limites d’un système judiciaire où ceux qui appliquent la loi ne la respectent pas, et mène également à la diffusion de #MeToo dans d’autres secteurs via les dénonciations de politiciens, écrivains, et autres figures publiques[8]Seo, J., et Chen, A. (9 octobre 2018) How #MeToo Is Taking on a Life of Its Own in Asia ». The Time. https://time.com/longform/me-too-asia-china-south-korea/. Au Japon cependant, Shiori Ito, journaliste, se voit critiquée de ne pas être une ‘vraie’ japonaise et menacée de mort, après avoir dénoncé publiquement en 2017 Noriyuki Yamaguchi, un journaliste proche du premier ministre de l’époque Shino Abe, de l’avoir violée. Dans ce pays, le mouvement #MeToo ne trouve que peu d’écho en 2018 et reste limité au secteur du journalisme[9]Hasunuma, L., et Shin K. (2019) #MeToo in Japan and South Korea: #WeToo, #WithYou, Journal of Women, Politics & Policy, 40(1), 97‑111. https://doi.org/10.1080/1554477X.2019.1563416.

La libération de la parole et l’écoute qu’a amené #MeToo est donc inégale d’un pays à l’autre, notament due à leurs contextes sociologiques spécifiques. En effet, au Japon, les mythes et idées préconçues autour de la féminité et du viol, dans une société où briser l’harmonie et contester la hiérarchie est mal vu, découragent les femmes de dénoncer les violences sexuelles[10]Dalton, E. (2019) A Feminist Critical Discourse Analysis of Sexual Harassment in the Japanese Political and Media Worlds. Women’s Studies International Forum, 77(102276) … Continue reading. Pourtant, cette caractéristique n’est pas propre au Japon dans une région où le Confucianisme enseigne le respect des aînés et la chasteté[11]Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: China’s online campaigns against sexual abuse. Dans, B. Fileborn, R. Loney-Howes (dir.), #MeToo and the Politics of Social Change (pp. 71-83), Palgrave … Continue reading. La Corée du Sud et la Chine ont des attitudes et croyances similaires sur la place et les comportements jugé convenable pour les femmes. La différence dans les deux autres pays est la présence antérieure à #MeToo de mouvements féministes nationaux actifs sur la question des violences sexuelles. En Corée du Sud, une mobilisation de groupes féministes autour des violences sexuelles dans les années 1990 autour de la question des femmes de réconfort[12]Entre 1931 et 1945, l’armée nippone a prostitué de force près de 200 000 femmes, mises à disposition de ses troupes. (source : Libération) et de nouveau en 2017 autour du problème des spycam, expliquent le nombre de dénonciations[13]Hasunuma, L., et Shin K. (2019) #MeToo in Japan and South Korea: #WeToo, #WithYou, Journal of Women, Politics & Policy, 40(1), 97‑111. https://doi.org/10.1080/1554477X.2019.1563416. Une autre explication est également le niveau d’éducation, avec plus de 70 pourcents des coréennes qui vont à l’université, contre moins de 25 pourcents il y a 40 ans, ce qui leurs a donné de nouveaux outils et mots pour parler de leurs expériences[14]Clement, M. (2023) Le backlash anti-féministe a été vraiment brutal” : la Corée du Sud fait volte-face sur l’égalité. Les Glorieuses Newsletter Impact. … Continue reading. En Chine, la diaspora notamment des étudiant·es chinois·es et les activistes qui ont mené des actions de sensibilisation entre 2013 et 2017 sur le harcèlement sexuel sont le fer de lance de la promotion de #MeToo sur les réseaux sociaux chinois[15]Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: China’s online campaigns against sexual abuse. Dans, B. Fileborn, R. Loney-Howes (dir.), #MeToo and the Politics of Social Change (pp. 71-83), Palgrave … Continue reading.

(Re)négociation du mouvement #MeToo au niveau national

Les discours médiatiques dans chaque pays ont également influencé la légitimité du mouvement en Asie de l’Est. En Chine, si le gouvernement soutient dans un premier temps la libération de la parole des femmes, qui suit le discours étatique sur l’harmonie de la société via le respect des lois, il finit par le censurer dans les médias et sur les réseaux par peur d’une mobilisation plus forte[16]Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: China’s online campaigns against sexual abuse. Dans, B. Fileborn, R. Loney-Howes (dir.), #MeToo and the Politics of Social Change (pp. 71-83), Palgrave … Continue reading. Le discours du gouvernement, et donc des médias, autour de #MeToo le définit dès lors comme un concept occidental. Les médias japonais, quant à eux, ont participé au maintien du discours remettant en cause la légitimité des victimes en suggérant leur responsabilité[17]Lilja, M. (2022) Pushing Resistance Theory in IR beyond ‘Opposition’: The Constructive Resistance of the #MeToo Movement in Japan ». Review of International Studies 48(1), 149‑70. … Continue reading. La Corée du Sud est l’exception, puisque la chaîne télévisée nationale JTBC a relayé les témoignages et remis en question le système, donnant plus de crédibilité au mouvement et encourageant les femmes à parler de leurs expériences[18]Huang, C. (2021) #MeToo in East Asia: The Politics of Speaking Out. Politics & Gender 17(3), 483‑90. https://doi.org/10.1017/S1743923X21000234 ; Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: … Continue reading. Ceci pourrait expliquer pourquoi des trois pays, la Corée du Sud est celui où #MeToo a eu le plus de retentissement, avec plusieurs personnalités politiques populaires poursuivis en justice pour harcèlement et plusieurs manifestations au cours du mois d’août 2018 réunissant des milliers de femmes[19]Huang, C. (2021) #MeToo in East Asia: The Politics of Speaking Out. Politics & Gender 17(3), 483‑90. https://doi.org/10.1017/S1743923X21000234.

Face à ces réponses, les sociétés civiles, et plus précisément les organisations de femmes, ont chacune adapté #MeToo à leur société pour se mobiliser contre les violences sexuelles et permettre aux femmes de créer un espace au sein de la sphère publique pour sensibiliser sur leurs expériences afin d’améliorer la prise en charge des victimes par le système judiciaire. Au Japon, les organisations de femmes priorisent le soutien aux victimes[20]Mori, K., et Oda, S. (15 mai 2018) Me Too becomes We Too in victim-blaming, The Japan Times. https://www.japantimes.co.jp/news/2018/05/15/national/social-issues/becomes-victim-blaming-japan/ à des procédures judiciaires contre les agresseurs, pour que les femmes se sentent moins seules et craignent moins de prendre la parole[21]Lilja, M. (2022) Pushing Resistance Theory in IR beyond ‘Opposition’: The Constructive Resistance of the #MeToo Movement in Japan ». Review of International Studies 48(1), 149‑70. … Continue reading. Ainsi, le mouvement Flower Demo, qui a commencé par une manifestation de 500 femmes devant Tokyo Station en mars 2019 pour permettre aux victimes d’abus sexuels de s’exprimer en public après l’acquittement de plusieurs accusés de viol, a initié #WeToo. Il s’est depuis étendu à 33 préfectures dans le pays[22]FlowerDemo (n. d.). About Us. https://www.flowerdemo.org/about-us-in-english. Des activistes coréennes décident également de s’attaquer au problème de manière collective. Elles utilisent d’autres hashtag, comme #WithYou et créent l’« Action Citoyennes pour Soutenir le Mouvement #MeToo » afin d’encourager les victimes à s’exprimer sur les réseaux et lors de manifestations[23]Shin, K. (2021) Beyond #WithYou: The New Generation of Feminists and the #MeToo Movement in South Korea. Politics & Gender 17(3), 507‑13. https://doi.org/10.1017/S1743923X2100026X. En Chine, la censure oblige la société civile et les organisations de femmes à adapter continuellement leurs stratégies pour permettre aux victimes de poursuivre le travail de dénonciation et pour révéler les limites des lois existantes, transformant #MeToo en #MiTu[24]Zeng, J. (2019) You say #MeToo, I say #MiTu: China’s online campaigns against sexual abuse. Dans, B. Fileborn, R. Loney-Howes (dir.), #MeToo and the Politics of Social Change (pp. 71-83), Palgrave … Continue reading. En faisant évoluer l’hashtag #MeToo, les femmes de chaque pays se l’approprient pour faire perdurer ou créer un espace où elles peuvent dénoncer les limites du système judiciaire face au problème des violences sexuelles et les inégalités de genre de manière plus générale dans leur contexte. Cette libération de la parole n’est cependant pas sans limites.

Savoir reconnaître les acquis sur le court terme et leurs limites

En Asie de l’Est, la mobilisation des femmes sous #MeToo a permis d’améliorer le corpus législatif qui, historiquement, laissait peu de recours légaux aux victimes de violences sexuelles. Mais ces changements institutionnels n’ont pas conduit à une remise en question du système politique. Au Japon, il n’existe aucun texte de loi qui interdise explicitement le harcèlement sexuel[25]“seku hara” セクハラ. Le terme en lui-même est mentionné dans une loi pour la première fois en 1998 et reste perçu par la justice comme une affaire relativement « privée »[26]Dalton, E. (2019) A Feminist Critical Discourse Analysis of Sexual Harassment in the Japanese Political and Media Worlds. Women’s Studies International Forum, 77(102276) … Continue reading.La loi japonaise permet encore trop souvent la remise en question de la parole des victimes et les mesures mises en place ne définit pas le  comme un problème systémique, sociétal et politique[27]Vochelet, R. (7 juillet 2020) #Metoo?: How Japanese Legislation and Society Are Failing Sexual Assault Victims, McGuill International Review. … Continue reading. Ceci se traduit dans la société par un discours militant qui se concentre autour de la question du viol. Un des seuls changements notables post #MeToo au Japon est d’ailleurs la révision du Code Pénal, qui voit la peine pour le viol allongé de 3 à 5 ans[28]Dalton, E. (2019) A Feminist Critical Discourse Analysis of Sexual Harassment in the Japanese Political and Media Worlds. Women’s Studies International Forum, 77(102276) … Continue reading. En Chine, jusqu’en 2018 les lois sont elles aussi dépourvues du terme « harcèlement sexuel ». La mobilisation autour de #MeToo mène à la promesse de la révision du Code Civil chinois en 2018. En 2020, le gouvernement chinois adopte une nouvelle loi qui le codifie. Ce sera le seul changement notable que l’on peut directement attribuer aux mobilisations des organisations de femmes. Dans les faits, le statu quo est préservé, puisqu’il reste impossible de dénoncer les hommes politiques sous peine de voir les prises de parole systématiquement censurées et réprimées par le gouvernement, à travers des arrestations ou la suspension des comptes des activistes féministes. Les activistes féministes sud coréennes connaissent quant à elles un plus grand succès, avec plus de 145 nouvelles lois (surnommées les « lois #MeToo ») proposées à l’Assemblée. Seulement 29 ont été adoptées en 2019[29]Chae, Y. (2019). “Of the More than 145 MeToo Bills Passed by the National Assembly, Only 35 Have Passed and the Content Is Mostly Similar.” Women News, January 29. … Continue reading, dont certaines portent sur le harcèlement sexuel au travail et les violences en lignes.

Les changements sociaux restent également limités, puisque les activistes et les femmes voit un backlashcinq ans après qui suggère le maintien des relations de genre. Le gouvernement chinois a intensifié ses efforts afin de contrecarrer l’influence des activistes féministes et les isoler en collaborant avec des utilisateurs misogynes ultra-nationalistes pour faciliter leurs harcèlements en ligne[30]Lamensch, M. (2021) #MeToo in Asia: Victories, Defeats and the Case for Digital Activism. Centre for International Governance Innovation. … Continue reading. Les femmes qui remettent en question les relations hommes femmes se voient violemment insultées, et les agresseurs ne voient pas leurs comptes censurés contrairement à leurs victimes[31]Lamensch, M. (2021) #MeToo in Asia: Victories, Defeats and the Case for Digital Activism. Centre for International Governance Innovation. … Continue reading. Le scandale de Tangshan, reprenant une vidéo d’un groupe de femmes violemment agressées dans un restaurant, est devenue virale et a suscité l’indignation nationale en 2022. Cependant, elle montre que la marge de manœuvre reste très limitée au-delà d’une mobilisation en ligne temporaire[32]Zhang, H. (2022) The Censorship Machine Erasing China’s Feminist Movement. The New Yorker. https://www.newyorker.com/news/news-desk/the-censorship-machine-erasing-chinas-feminist-movement. Passer par la police, la justice, ou les médias pour remettre en cause le statu quo patriarcal est voué à l’échec, puisque ces institutions sont sous le contrôle total du gouvernement qui refuse une remise en question de son système[33]Zhang, H. (2022) The Censorship Machine Erasing China’s Feminist Movement. The New Yorker. https://www.newyorker.com/news/news-desk/the-censorship-machine-erasing-chinas-feminist-movement. La stigmatisation des féministes se poursuit aussi au Japon, et se traduit toujours par peu de remise en question des violences sexuelles et un discours qui continue de blâmer les victimes. Ainsi, en 2020, un père a été innocenté du viol de sa fille de 19 ans car, selon le juge, elle avait la capacité de résister physiquement bien qu’Il ait été reconnu qu’elle avait été victime d’agression sexuelle en tant que personne mineure[34]Grouard, S. (2020) Au Japon, la stigmatisation des féministes. Slate. … Continue reading. À la suite des progrès réalisés en Corée du Sud grâce aux mobilisations féministes, des hommes accusent les femmes d’instrumentaliser les dénonciations pour avancer leurs intérêts personnels. Plusieurs victimes sont même harcelées en ligne[35]Jung, H. (22 janvier 2022) Opinion: A Vicious Anti-Feminist Backlash Stuns South Korea ». The Globe and Mail, … Continue reading. Lee Jun Seok, membre du parti conservateur coréen, a utilisé ce ressentiment masculin comme stratégie politique pour se faire élire à la présidence en 2022[36]Jung, H. (2022) South Korean Feminists Brace for a “Long, Hard Winter” Under a Right-Wing Leader. The Naiton (18 mars) https://www.thenation.com/article/world/south-korea-yoon-suk-yeol/. Les féministes sud-coréennes savent qu’elles peuvent s’attendre à des contre-mesures de la part de ce gouvernement[37]Clément, M. (2023) “Le backlash anti-féministe a été vraiment brutal” : la Corée du Sud fait volte-face sur l’égalité. Les Glorieuses Newletter Impact (23 janvier). … Continue reading. Seo Ji-Hyun, la procureure à l’origine du mouvement #MeToo en Corée du Sud, se fait limoger et voit également l’équipe de travail contre les crimes sexuels numériques qu’elle avait créé disparaître la même année[38]Huh, J., et Bo-ra L. (17 mai 2022) Prosecutor Seo Ji-hyun Who Started the #MeToo Movement Resigns: Justice Ministry “Trims Away” Before the Appointment of Han Dong-hoon, The Kyunhyang Shinmun. … Continue reading.

Mouvement transnational féministes et politiques nationales patriarcales

La comparaison entre les trois pays permet de réfléchir aux particularités du mouvement #MeToo en tant que mouvement transnational devant s’adapter à des contextes nationaux différents. Le mouvement #MeToo ne suit pas de trajectoires prédéfinies. S’il est possible de conclure que les médias jouent un rôle essentiel dans la légitimation du mouvement, les mouvements féministes de la région ont aussi su s’approprié #MeToo afin de créer des espaces de libération de la parole et de demander des changements judiciaires. Cependant, si les changements de lois sont souvent considérés comme le début d’un changement de norme, les contradictions au sein du discours public et la manière dont les accusations liées à #MeToo ont été reçues par la société et traitées par la justice montrent que ces mesures ne sont pas suffisantes pour que les témoignages des femmes de leurs expériences quotidiennes soient prise en compte des victimes pour mener à des changements durables au sein de la société et au respect de leurs droits.

Il s’agit donc de changer de paradigme, afin de renforcer la prévention des violences sexistes et sexuelles, puisque le principal facteur de risque reste des normes sexistes issues d’un système patriarcal[39]Palm, S. (2022) Learning from Practice: Strengthening a legal and policy environment to prevent violence against women and girls. New York: United Nations Trust Fund to End Violence against Women. … Continue reading. La mise en œuvre des lois et politiques nécessitent de trouver comment combler les écarts entre les acteur·ices et les systèmes formels et informels pour s’assurer que chaque progrès amené par les mouvements féministes transnationaux ne se voient pas systématiquement remis en question individuellement[40]Palm, S. (2022) Learning from Practice: Strengthening a legal and policy environment to prevent violence against women and girls. New York: United Nations Trust Fund to End Violence against Women. … Continue reading. Enfin, étudier les stratégies et adaptations nécessaires de #MeToo par les femmes en fonction des contextes politiques et médiatiques nationaux permettraient d’identifier des solutions durables pour la fin des discriminations.

Pour citer cette production: SIMEON Manon, “#MeToo en Asie de l’Est : Implications sociétales et politiques ”, (26/04/23), Institut du Genre en Géopolitique https://igg-geo.org/?p=12312. 

Les propos contenus dans cet écrit n’engagent que l’autrice.

References

References
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9, 13 Hasunuma, L., et Shin K. (2019) #MeToo in Japan and South Korea: #WeToo, #WithYou, Journal of Women, Politics & Policy, 40(1), 97‑111. https://doi.org/10.1080/1554477X.2019.1563416
10 Dalton, E. (2019) A Feminist Critical Discourse Analysis of Sexual Harassment in the Japanese Political and Media Worlds. Women’s Studies International Forum, 77(102276) https://doi.org/10.1016/j.wsif.2019.102276;Donohue, L.O. (2020) Why #MeToo Failed in Japan. Trinity Women’s Review, 4(1). https://ojs.tchpc.tcd.ie/index.php/TrinityWomensReview/article/view/2072.
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12 Entre 1931 et 1945, l’armée nippone a prostitué de force près de 200 000 femmes, mises à disposition de ses troupes. (source : Libération
14 Clement, M. (2023) Le backlash anti-féministe a été vraiment brutal” : la Corée du Sud fait volte-face sur l’égalité. Les Glorieuses Newsletter Impact. https://lesglorieuses.fr/hawon-jung-fr/
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19 Huang, C. (2021) #MeToo in East Asia: The Politics of Speaking Out. Politics & Gender 17(3), 483‑90. https://doi.org/10.1017/S1743923X21000234
20 Mori, K., et Oda, S. (15 mai 2018) Me Too becomes We Too in victim-blaming, The Japan Times. https://www.japantimes.co.jp/news/2018/05/15/national/social-issues/becomes-victim-blaming-japan/
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25 “seku hara” セクハラ
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34 Grouard, S. (2020) Au Japon, la stigmatisation des féministes. Slate. https://www.slate.fr/egalites/feminismes-asiatiques/episode-2-feminisme-post-metoo-japon-societe-patriarcale-pression-sociale-agressions-sexuelles-mere-travail
35 Jung, H. (22 janvier 2022) Opinion: A Vicious Anti-Feminist Backlash Stuns South Korea ». The Globe and Mail, https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-a-vicious-anti-feminist-backlash-stuns-south-korea/
36 Jung, H. (2022) South Korean Feminists Brace for a “Long, Hard Winter” Under a Right-Wing Leader. The Naiton (18 mars) https://www.thenation.com/article/world/south-korea-yoon-suk-yeol/
37 Clément, M. (2023) “Le backlash anti-féministe a été vraiment brutal” : la Corée du Sud fait volte-face sur l’égalité. Les Glorieuses Newletter Impact (23 janvier). https://lesglorieuses.fr/hawon-jung-fr/
38 Huh, J., et Bo-ra L. (17 mai 2022) Prosecutor Seo Ji-hyun Who Started the #MeToo Movement Resigns: Justice Ministry “Trims Away” Before the Appointment of Han Dong-hoon, The Kyunhyang Shinmun. https://english.khan.co.kr/khan_art_view.html?code=710100&artid=202205171605467
39, 40 Palm, S. (2022) Learning from Practice: Strengthening a legal and policy environment to prevent violence against women and girls. New York: United Nations Trust Fund to End Violence against Women. https://untf.unwomen.org/sites/default/files/2022-07/UNTF-Prevention-series_Brief-10-Law-and-Policy%20%281%29.pdf