Les femmes et l’agriculture durable en Asie centrale

04/05/2023

Héloïse Versavel

L’Asie centrale est une sous-région du continent asiatique, regroupant cinq anciennes républiques soviétiques qui sont l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Turkménistan et le Kirghizstan. L’agriculture représente une part importante de leur économie qui peut être à la fois extensive et intensive, en fonction du type de culture et des États^[1]Au Kazakhstan par exemple, « L’agriculture extensive (céréales) est pratiquée au nord et au nord-ouest (opération « terres vierges » et fronts pionniers agricoles): il s’agit … Continue reading. Caractérisée par un climat sec, une variation importante des températures, un faible niveau de précipitations et une répartition inégale des ressources, l’Asie centrale est particulièrement vulnérable aux conséquences du changement climatique. Les risques sont nombreux : diminution des ressources en eau, augmentation des températures et des épisodes de sécheresse ainsi que la disparition d’écosystèmes régionaux. En outre, la crise écologique accélère grandement la désertification de la région. Au Tadjikistan par exemple, la probabilité que des sécheresses d’origine climatique surviennent au cours d’une année pourrait passer de 3 % aujourd’hui à 30 % d’ici la fin du siècle^[2]Les pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale doivent s’attendre  à des pertes désastreuses s’ils ne prennent pas de mesures d’adaptation  au changement climatique. (2022, 30 mars). IMF. … Continue reading. Bien que le changement climatique soit une des causes de la désertification, l’agriculture en est aussi responsable, notamment en raison d’une mauvaise gestion des ressources en eau. Les États d’Asie centrale sont donc appelés à se tourner vers une agriculture plus durable et respectueuse de l’environnement. 

Or, pour qu’une agriculture soit plus durable, elle doit aussi être plus inclusive. Les femmes représentant une part importante de la main-d’œuvre agricole en Asie centrale, la transition du secteur agricole ne peut se faire sans leur participation. En moyenne, environ 40 % de la population active travaillant dans l’agriculture sont des femmes^[3]IFAD, (2013 Décembre), Gender and rural development brief, https://www.ifad.org/documents/38714170/40706244/gender_cen.pdf/1f45646e-7a1b-4f12-bc2b-575f4fa60422. D’après les données de la Banque Mondiale, les femmes représentaient en 2019, 13 % des employé·es agricoles au Kazakhstan, 19 % au Kirghizstan, 60 % au Tadjikistan, 19 % au Turkménistan et 24 % en Ouzbékistan^[4]The World Bank, Employment in agriculture, female (% of female employment) (modeled ILO estimate), https://data.worldbank.org/indicator/SL.AGR.EMPL.FE.ZS.  Cependant beaucoup d’entre elles sont employées dans le secteur informel et sont cantonnées à des emplois précaires, les rendant particulièrement vulnérables aux aléas socio-économiques et au changement climatique. Cette vulnérabilité, combinée à d’autres facteurs, les empêche de participer pleinement à la transition agricole. Comment les femmes peuvent-elles contribuer à promouvoir une agriculture durable en Asie centrale ? 

Des sociétés centre-asiatiques encore profondément patriarcales, accordant peu de responsabilités aux femmes dans le milieu agricole 

Alors que l’émancipation des femmes était fortement encouragée lors de l’ère soviétique, cela a changé après la chute de l’URSS. La promotion du nationalisme a permis l’émergence du conservatisme, du traditionalisme et la réapparition de la religion, en particulier l’Islam. Dans un même temps, les valeurs occidentales faisant la promotion de l’égalité des genres sont aussi venues influencer la situation. Les femmes d’Asie centrale se sont retrouvées tiraillées entre les valeurs conservatrices religieuses et les valeurs occidentales ainsi qu’entre l’héritage soviétique et un nationalisme important^[5]Voca. (2022, 16 juin). Women, Kinship, and Property in Central Asia – Voices On Cental Asia. Voices On Cental Asia. https://voicesoncentralasia.org/women-kinship-and-property-in-central-asia/ . 

Bien que la situation des femmes de la région diffère en fonction des États, elles font toujours face à des sociétés patriarcales. Il existe de nombreuses traditions locales qui nuisent fortement à l’égalité femmes-hommes comme la polygamie, l’héritage principalement masculin, les mariages précoces, le manque d’accès aux instances de décisions ou encore une absence d’opportunités pour les femmes. Au Kirghizistan par exemple, la pratique du « mariage par enlèvement » reste d’actualité^[6]Kenza Rharmaoui, “Le mariage par enlèvement au Kirghizistan: une pratique à l’épreuve du temps”, 07.10.2021, Institut du Genre en Géopolitique et entraîne violences sexuelles, mariage forcé et soumission économique des femmes à leur mari^[7]Amnesty International. (2021). Kirghizistan. Un nouveau cas de viol met en évidence le besoin d’une action immédiate pour mettre fin à l’effroyable pratique du « mariage par enlèvement » . … Continue reading. Les stéréotypes de genre gangrènent toujours les sociétés et entraînent une banalisation de ces violences basées sur le genre. La situation est encore plus compliquée pour les femmes sans mari, à savoir les femmes veuves, divorcées et célibataires. Récemment, les sociétés d’Asie centrale assistent à une recrudescence des valeurs conservatrices^[8]Ce retour des valeurs conservatrices a pu être remarqué au Kirghizstan par exemple, où “il se développe à la fois de haut en bas et de bas en haut : le gouvernement embrasse le traditionalisme … Continue reading, permettant à la misogynie, l’homophobie et aux comportements patriarcaux de prospérer^[9]Amnesty International. (2022). Europe de l’Est et Asie centrale. Les crises et les « valeurs traditionnelles » accentuent le manque de protection contre les violences domestiques & # 8211 ; … Continue reading. Bien que, selon l’Organisation mondiale de la Santé en 2021^[10]World Health Organization : WHO. (2021b, mars 9). Une omniprésence dévastatrice : une femme sur trois dans le monde est victime de violence. who.int. … Continue reading, 18 % des femmes d’Asie centrale ont subi des violences physiques ou sexuelles au cours de leur vie, elles se heurtent à des institutions étatiques indifférentes et inadaptées à leurs besoins^[11] Amnesty International. (2022). Europe de l’Est et Asie centrale. Les crises et les « valeurs traditionnelles » accentuent le manque de protection contre les violences domestiques & # 8211 ; … Continue reading. Par exemple, alors que le Kirghizstan était le seul pays de la sous-région à avoir pénalisé les violences domestiques, l’Ouzbékistan, en avril 2023, vient d’adopter une loi pénalisant ce type de violences. Malheureusement, il ne s’agit que de violences physiques, les violences psychologiques, économiques, verbales, sexuelles, administratives ou encore le harcèlement ne sont pas pris·es en compte^[12]Amnesty International. (2023). Ouzbékistan. Le Parlement adopte enfin une loi pénalisant la violence domestique. Amnesty International. … Continue reading. Face à cette situation, les mobilisations contre les violences sexuelles et sexistes se multiplient en Asie centrale^[13]Par exemple, la première manifestation féministe autorisée dans le Kazakhstan indépendant a eu lieu le 8 mars 2021, à Almaty. Bayou, C. (2022, 22 février). Féminisme en Asie centrale : de plus … Continue reading. 

Concernant le milieu agricole, c’est un domaine qui est majoritairement perçu comme masculin. Bien que tous les enfants de la région centre-asiatique ont le même accès à l’éducation, les disparités de genre en milieu rural sont plus accentués qu’en milieu urbain^[14]IFAD, (2013 Décembre), Gender and rural development brief, https://www.ifad.org/documents/38714170/40706244/gender_cen.pdf/1f45646e-7a1b-4f12-bc2b-575f4fa60422. Les femmes y sont largement discriminées et sont davantage des employées que des gérantes d’exploitations. Par ailleurs, même si les femmes centre-asiatiques ont les mêmes droits fonciers que les hommes, elles font face à des pratiques discriminatoires lorsqu’il s’agit de faire valoir ces droits^[15]IFAD, (2013 Décembre), Gender and rural development brief, https://www.ifad.org/documents/38714170/40706244/gender_cen.pdf/1f45646e-7a1b-4f12-bc2b-575f4fa60422. À titre d’exemple, d’après les données de la Banque mondiale de 2012, 1,8 % des femmes entre 15 et 49 ans étaient propriétaires de terres au Tadjikistan, et 2,8 % au Kirghizstan^[16]Ownership of land ( % ) – World Bank Gender Data Portal. (s. d.). World Bank Gender Data Portal. https://genderdata.worldbank.org/indicators/sg-own-ld/ . En 2018, seulement 15 % des propriétaires de fermes au Tadjikistan étaient des femmes^[17]Lambrecht, I and Mahrt, K, (2022, december 23), “In Tajikistan, women contribute significantly to agriculture, but does agricultural work contribute significantly to women’s agency ?” … Continue reading. Enfin, certaines d’entre elles ne sont pas au courant qu’elles ont hérité de terres tandis que d’autres connaissent leurs droits fonciers, mais, face au poids des traditions,  ne les revendiquent pas^[18]Voca. (2022b, juin 16). Women, Kinship, and Property in Central Asia – Voices On Cental Asia. Voices On Cental Asia. https://voicesoncentralasia.org/women-kinship-and-property-in-central-asia/ . 

Les États d’Asie centrale, prenant la mesure de la situation, se sont réunis en février 2022, en vue de préparer la 66e session de la Commission de la condition de la femme afin de discuter du renforcement des actions climatiques sensibles au genre. Les initiatives individuelles comme celles du Kirghizstan ont été soulignées. Ce dernier a ratifié l’Accord de Paris en 2019 et s’est engagé à organiser des formations destinées aux femmes sur l’agriculture durable et à renforcer la participation de ces dernières dans les stratégies et les prises de décisions liées au climat^[19]UN Women, (2022, 1 mars), Summary CSW66 consultations, https://eca.unwomen.org/sites/default/files/2022-03/Summary%20CSW66%20consultations%20for%20CA%20English%20version.pdf. De cette réunion, sont ressorties plusieurs recommandations à destination des États d’Asie centrale. Par exemple, l’importance d’assurer une coopération interinstitutionnelle efficace pour résoudre les problèmes auxquels font face les femmes dans l’agriculture, ou encore d’agir sur la sous-représentation des femmes dans les instances liées au climat et à l’agriculture^[20]UN Women, (2022, 1 mars), Summary CSW66 consultations, https://eca.unwomen.org/sites/default/files/2022-03/Summary%20CSW66%20consultations%20for%20CA%20English%20version.pdf. 

La nécessité d’une contribution des femmes dans tous les pans de l’agriculture durable 

La promotion d’une agriculture durable fait partie de l’objectif de développement durable 2, dit « Faim Zéro ». Les enjeux sont nombreux, entre autre, le fait « d’assurer la viabilité des systèmes de production alimentaires et de mettre en œuvre des pratiques agricoles résilientes qui permettent d’accroître la productivité et la production, contribuent à la préservation des écosystèmes^[21]L’Agenda 2030 en France. (2023, 6 février). ODD2 – Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable – L’Agenda 2030 en … Continue reading » et renforcent les capacités d’adaptation aux conséquences du changement climatique. Le genre étant transversal aux objectifs de développement durable, il est nécessaire de les inclure dans la transition du domaine agricole et de permettre aux femmes d’assumer leur rôle d’actrice du développement durable. 

En outre, l’agriculture familiale et paysanne contribue à environ 80 % de la production alimentaire mondiale^[22]Autonomiser les agricultrices pour lutter contre la faim et la pauvreté | Oxfam International. (2022, 25 mai). Oxfam International. … Continue reading. En donnant aux femmes les mêmes opportunités que les hommes, la production agricole pourrait augmenter de 2,5 % à 4 % dans les régions les plus pauvres^[23]United Nations. (s. d.). Journée internationale des femmes rurales | Nations Unies. https://www.un.org/fr/observances/rural-women-day, favorisant ainsi la lutte contre l’extrême pauvreté, la faim et la malnutrition. Déjà présents en Asie centrale, ces fléaux ont été aggravés par la crise du Covid-19^[24] Europe et Asie centrale : plus de 14 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire pendant la pandémie de Covid-19 (FAO). (2022b, mars 12). ONU Info. … Continue reading et la guerre en Ukraine. À titre d’exemple, au Kirghizstan et au Tadjikistan en 2020, environ 40 % de la population ne pouvait se permettre une alimentation saine^[25]Un nouveau rapport des Nations Unies axé sur la sécurité alimentaire et la nutrition en Europe et en Asie centrale donne des pistes pour rendre l’alimentation plus abordable et plus durable. (s. … Continue reading. 

Combler les écarts d’accès à la terre entre les femmes et les hommes est une des conditions principales au développement d’une agriculture durable et résiliente. L’absence de propriété des femmes entraîne une impossibilité d’obtenir des crédits pour améliorer leurs productions et/ou leurs exploitations, puisqu’elles ne peuvent pas proposer de garantie^[26]Khitarishvili. T, (2016, June), “Gender inequalities in labour markets in Central Asia”, … Continue reading. Cette restriction à la terre se remarque aussi dans l’accès à l’eau, souvent lié au fait de posséder un terrain^[27]Khitarishvili. T, (2016, June), “Gender inequalities in labour markets in Central Asia”, … Continue reading. Ayant en général des parcelles plus petites que celles des hommes, cette discrimination pèse sur la productivité des terres appartenant aux femmes^[28]Au Tadjikistan en 2007 par exemple, la taille moyenne d’une parcelle détenue par une femme était de 0,27 hectares , et de 0,31 hectares pour les hommes.  Khitarishvili. T, (2016, June), … Continue reading. Des formations sur leurs droits durant leurs années scolaires devraient être dispensées, afin de les sensibiliser sur leurs droits fonciers et sur la manière de les revendiquer. D’autres mesures sont envisageables, comme inscrire le nom de la femme à côté de celui du mari sur le titre de propriété d’un terrain. 

Une meilleure gestion de l’eau est aussi indispensable. La question de l’eau est très épineuse en Asie centrale et constitue un enjeu stratégique majeur. La région a déjà été gravement touchée par le rétrécissement de la mer d’Aral^[29]La mer d’Aral est partagée entre le Kazakhstan au nord et l’Ouzbékistan au Sud et six pays se partagent son bassin : les cinq pays d’Asie centrale ainsi que l’Afghanistan. durant la période soviétique. Ses ressources en eau ont été détournées et utilisées pour cultiver les steppes du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan afin de les transformer en champs de coton et de blé. Alors qu’il était le quatrième plus grand lac du monde et permettait aux villages des alentours de prospérer, il avait déjà perdu 9/10e de sa surface en 10 ans, en 1970. Cet assèchement a causé la mort de millions de poissons et une augmentation des taux de salinité. Vingt-huit espèces endémiques ont alors disparu, tuées par les quantités de pesticides accumulées au fond du bassin qui ont fini par contaminer les populations des environs^[30]Drake, C. (2017, 9 novembre). Il y a 50 ans, la mer d’Aral était le quatrième plus grand lac de la planète. Aujourd’hui, pour la première fois depuis 600 ans, toute une partie du bassin est … Continue reading. Or, la tension autour de l’eau en Asie centrale risque de s’aggraver. À titre d’exemple, l’Afghanistan^[31]La situation géographique de l’Afghanistan varie en fonction des sources. Elle peut être considérée comme un État d’Asie centrale ou un État d’Asie de Sud-Ouest. L’Afghanistan partage … Continue reading construit depuis 2022 le canal Koch-Tepa, alimenté par l’Amou-Daria^[32]L’Amou-Daria est un fleuve d’Asie centrale qui sert de frontière naturelle entre l’Afghanistan et le Tadjikistan, et en partie entre l’Ouzbékistan et le Turkménistan., qui pourrait priver d’eau de nombreux pays d’Asie centrale^[33]Courrier International. (2023, 2 avril). L’Afghanistan « revendique son droit à l’eau » au détriment de ses voisins. Courrier international. … Continue reading. Un autre projet comprenant un complexe hydroélectrique est aussi en construction et utilisera le débit de la Panj. Le complexe et le canal risquent d’empêcher l’Amou-Daria d’atteindre la Mer d’Aral, entraînant une crise économique et sociale^[34]Willagri. (2023). Bataille de l’eau en Asie centrale. Willagri – Comprendre les enjeux de l’agriculture. https://www.willagri.com/2023/04/18/bataille-de-leau-en-asie-centrale/^[35]La Mer d’Aral a été divisée par deux, la “Petite Aral” au Nord et la “Grande Aral” au Sud. La “Petite Aral” au Kazakhstan a récemment commencé à se remplir de nouveau, suite à de … Continue reading. 

La majeure partie de l’approvisionnement en eau de la région provenant de sources transfrontalières, sa gestion est source de conflits et fait appel à une coordination et des efforts régionaux, la rendant tributaire de la moindre tension géopolitique. Étant les principales collecteuses, utilisatrices et responsables de l’eau dans les foyers, les femmes ont un rôle à jouer dans la gestion de l’eau. De plus, dans certains pays comme le Tadjikistan, où une légère « féminisation » de l’agriculture a pu être observée, il devient d’autant plus nécessaire de les impliquer^[36]First, F. (2018, 3 décembre). Why Women are Key for Water Management in Tajikistan – Farming First. Farming First. … Continue reading. Malheureusement, la contribution des femmes à l’agriculture ne s’accompagne pas d’un renforcement de leur pouvoir de décision dans leur foyer^[37]First, F. (2018, 3 décembre). Why Women are Key for Water Management in Tajikistan – Farming First. Farming First. … Continue reading. En raison de stéréotypes de genre, elles ne sont pas incluses dans les espaces de discussions et de décisions relatifs à cette question, alors même qu’elles ont accumulé des connaissances concernant sa qualité et son stockage et qu’elles sont de corvée d’eau^[38]World Bank Group. (2021). Promoting Women&rsquo ; s Participation in Water Resource Management in Central Asia. World Bank. … Continue reading. 

Permettre à toutes les parties prenantes, dont les femmes, de participer et d’être entendues sur les questions relatives à la gestion de l’eau est primordiale pour la promotion d’une agriculture durable et résiliente^[39]First, F. (2018, 3 décembre). Why Women are Key for Water Management in Tajikistan – Farming First. Farming First. … Continue reading. Cette participation doit se faire au niveau local, notamment au sein des Associations d’Usagers de l’Eau^[40]“Les associations d’usagers de l’eau (AUE) sont des organisations communautaires qui partagent un intérêt commun pour des systèmes d’irrigation performants. La prise en charge … Continue reading. Actuellement, leur niveau de participation dans les conseils locaux de gestion de bassins varie de 0 à 20 %^[41]OSCE, WOMEN IN WATER MANAGEMENT IN CENTRAL ASIA, “Good governance”, https://zoinet.org/wp-content/uploads/2018/01/OSCE-watergov-fs_EN.pdf . En raison des rôles genrés prédéfinis, les femmes ne sont pas associées au travail technique et ne sont pas formées à la participation à ces associations^[42]World Bank Group. (2021). Promoting Women&rsquo ; s Participation in Water Resource Management in Central Asia. World Bank. … Continue reading. Au Kirghizistan, plus de la moitié des 633 associations d’eau ont des conseils d’administrations paritaires. Il a été observé qu’ils sont plus efficaces. Les femmes étant les principales utilisatrices d’eau, elles connaissent les besoins des foyers et savent où doivent être construits les tuyaux^[43]OSCE, (2020), Gender Mainstreaming in Water Governance in Central Asia, A guidance document for water practitioners, https://www.osce.org/files/f/documents/3/b/465531.pdf . Par ailleurs, un projet d’ONU femmes au Kirghizstan a permis d’augmenter de 13 à 124 le nombre de femmes participant à la gestion de l’eau dans leurs villages, entre 2016 et 2018. Grâce au plaidoyer de certaines de ses femmes, les agriculteurs·rices des communautés ont pu adopter des techniques agricoles modernes et durables et de réduire leur impact environnemental^[44]Les femmes des zones rurales au Kirghizistan améliorent leur qualité de vie en disposant d’eau, de technologies et de meilleures infrastructures. (2019, 4 mars). ONU Femmes. … Continue reading. La participation des femmes à ces nouvelles technologies permet de s’assurer que ces dernières soient conformes à leurs besoins et aux réalités locales^[45]United Nations. (s. d.-b). Le femmes . . .dans le contexte des changements climatiques | Nations Unies. https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-femmes-dans-le-contexte-des-changements-climatiques.

La participation des femmes dans la gestion de l’eau doit aussi se faire au niveau national et international, particulièrement dans les instances de gestion des eaux transfrontalières. Au niveau national, les femmes sont peu représentées dans les parlements nationaux, en politique et dans les postes à responsabilités^[46]La taux de femmes dans les parlements nationaux varie entre 17 % et 33 %, 19 % et 32 % dans la vie politique et 37 % et 38 % des postes à responsabilité sont tenus par des femmes au Kazakhstan et … Continue reading. À l’international, les femmes sont également sous-représentées, surtout lorsque des décisions de haut niveau doivent être prises^[47]OSCE, WOMEN IN WATER MANAGEMENT IN CENTRAL ASIA, “Transboundary water resources”,https://zoinet.org/wp-content/uploads/2018/01/OSCE-transbw-fs_EN.pdf. Pourtant, dans ces instances de gestion transfrontalières de l’eau, il a été observé que les femmes sont davantage diplomates dans leur manière d’exprimer leurs opinions^[48]OSCE, (2020), Gender Mainstreaming in Water Governance in Central Asia, A guidance document for water practitioners, https://www.osce.org/files/f/documents/3/b/465531.pdf, ce qui permet d’améliorer les négociations. 

Par ailleurs, promouvoir et encourager les savoirs traditionnels des femmes rurales dans la préservation de la biodiversité et dans l’adoption de pratiques agricoles durables est essentiel. Des ateliers à cet effet ont été organisés en septembre 2021 au Kirghizstan. Ils avaient pour but la promotion de l’agroécologie en Asie centrale et donner de la visibilité à ce mode de production, tout en permettant une collaboration et des échanges entre les associations « grassroots » de femmes dans la région^[49]Eerba. (2021). Women network for Agroecology in Central Asia. Schola Campesina. https://www.scholacampesina.org/women-network-for-agroecology-in-central-asia/. 

Enfin, il faut que les femmes disposent des mêmes opportunités que les hommes en matière de formation, d’accès aux technologies plus durables et aux intrants de meilleure qualité et à l’économie de marché. Ces problématiques ont été reconnues lors de la réunion de préparation de la 66e session de la Commission de la condition de la femme, lors de laquelle il a été recommandé d’améliorer l’accès des femmes et des filles aux formations et de proposer des méthodes de financements « verts » pour leur permettre d’avoir accès à des technologies modernes et durables^[50]UN Women, (2022, 1 mars), Summary CSW66 consultations, https://eca.unwomen.org/sites/default/files/2022-03/Summary%20CSW66%20consultations%20for%20CA%20English%20version.pdf.

L’urgence d’intégrer les femmes dans l’agriculture 

Face à l’aggravation des conséquences du changement climatique, menaçant la sécurité alimentaire et la biodiversité de l’Asie centrale, l’implication des femmes dans la promotion d’une agriculture durable et résiliente est essentielle. 

Alors que les États sont appelés à se tourner vers des modes agricoles durables, de plus en plus de voix féministes s’élèvent dans les pays de la région afin de demander le respect de leurs droits^[51]Cabar.Asia. (2021, 23 avril). The Fight for Equal Rights for Women Is Growing in Central Asia – CABAR.asia. CABAR.asia. … Continue reading. Une action conjointe et coordonnée de ces pays afin d’intégrer le genre dans leurs programmes environnementaux et agricoles apparaît donc fondamentale. Établir un cadre législatif protecteur est nécessaire mais non suffisant. Il faut aussi agir sur les stéréotypes de genre qui dissuadent les femmes d’accéder et/ou d’utiliser leurs terres de manière efficace, les empêchent d’avoir un pouvoir de décision et restreignent leur accès aux formations et à l’économie de marché. 

Pour citer cette production: VERSAVEL Héloïse, “Les femmes et l’agriculture durable en Asie centrale ”, (04/05/23), Institut du Genre en Géopolitique, https://igg-geo.org/?p=12355

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