Les politiques anti-genres dans les pays européens postsocialistes 1/2

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Ricci Elena

13/11/2023

Le discours et les mouvements anti-genres trouvent un terrain particulièrement fertile dans les pays post-socialistes d’Europe de l’Est dès le XXe siècle. Les politiques appliquées à l’encontre des droits pour tous·tes, présentent des caractéristiques uniques dans cette région. Cela est notamment dû à l’impact et à l’héritage d’expériences historiques spécifiques et de facteurs sociologiques et culturels[1]Norocel, O. C., David Paternotte, D., (2023) The Dis/Articulation of Anti-Gender Politics in Eastern Europe: Introduction, Problems of Post-Communism, 70:2, 123-129. 10.1080/10758216.2023.2176075. Les gouvernements d’Europe de l’Est promeuvent de plus en plus les valeurs traditionnelles et assimilent la lutte pour l’égalité des genres et les droits des femmes à la perte de l’identité culturelle et traditionnelle défendue par le christianisme. Le discours des politicien·nes anti-genre en Europe de l’Est dénonce une idéologie du genre alliée aux théories néo-marxistes. Celleux qui défendent des idées semblent penser que l’Union européenne et l’Occident est un ensemble institutionnel donc le but est d’introduire de nouvelles idées : celles liées à la question du genre, dont les valeurs seraient opposées aux mouvements et partis conservateurs. Pour elleux, cela alimente ainsi les sentiments eurosceptiques[2]Kováts, E., (2021) Anti-gender Politics in East-Central Europe: Right-wing Defiance to West-Eurocentrism. Gender – Zeitschrift für Geschlecht, Kultur und Gesellschaft. 13(1-2021), 76–90. … Continue reading.

Cet article analyse le lien entre la rhétorique anti-Union européenne et le discours anti-genre en Europe de l’Est, en partant du constat de l’héritage historique commun de ces pays, à savoir le communisme et l’importation des idéaux féministes occidentaux. Il examine les droits des femmes en Europe de l’Est en trois phases historiques : le communisme après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la chute du mur de Berlin, la transition démocratique et économique dans les années 1990 et enfin l’affirmation des politiques anti-genres de nos jours.

La représentation des femmes sous le communisme en Europe de l’Est

Le « projet d’émancipation socialiste[3]Kennedy, M., Tilly, C., (1987). Socialism, Feminism and the Stillbirth of Socialist Feminism in Europe, 1890-1920. Science & Society, 51:1, 6–42. http://www.jstor.org/stable/40402759. » voit le jour au sein de l’Union des républiques socialistes soviétiques (l’URSS) en 1922. Ce projet visait à rendre obligatoire l’intégration des femmes dans la population active. Il a été mis en œuvre après la Seconde Guerre mondiale dans les pays satellites de l’URSS, comme la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie ou encore la Bulgarie. Les socialistes de cette époque ont pensé que la seule façon de libérer la classe ouvrière était d’intégrer les femmes dans le mouvement socialiste : l’émancipation des femmes ne pouvait se faire que par l’émancipation du prolétariat et inversement[4]Ghodsee, K. R., (2018), Why Women Have Better Sex Under Socialism and Other Arguments for Economic Independence, Bold Type Books, 85. Dans tous les États socialistes de la seconde moitié du XXe siècle, la participation des femmes à l’économie nationale, et donc leur inclusion sur le marché du travail, était obligatoire par les politiques mises en place. Le système étatique socialiste des États du bloc socialiste prévoyait de longs congés payés de maternité et pour la garde des enfants, des crèches et des services d’accueil périscolaires, l’accès à l’avortement, des allocations familiales et un soutien aux femmes divorcées ou veuves[5]Rueschemeyer, Marilyn & Gal, Susan & Kligman, Gail. (2002). The Politics of Gender after Socialism: A Comparative-Historical Essay. Slavic Review. 10.2307/2697497. Les femmes vivant à cette époque et sous ce régime n’ont pas connu certaines formes de discrimination dénoncées par les féministes occidentales, telles que l’exclusion du marché du travail et la dépendance économique matrimoniale.

Cependant, des formes d’inégalité ont subsisté : salaires faibles et inégaux, impossibilité de progresser dans sa carrière et de quitter le marché du travail pour éviter la « double charge[6]Rossmiller, E., (2012), Review Essay: Gender Politics in Post-Socialist Central Eastern Europe. Review of European and Russian Affairs. Review of European and Russian Affairs. 7. … Continue reading. ». Les femmes étaient à la fois responsables de l’entretien du foyer, de l’éducation des enfants et des soins aux personnes âgées tout en travaillant. Il était donc nécessaire de communaliser la majeure partie de l’alimentation, des soins aux enfants, des tâches ménagères[7]Harsch, D., (2013) ‘Communism and Women’, in The Oxford Handbook of the History of Communism, p. 489, https://doi.org/10.1093/oxfordhb/9780199602056.013.028 : des cuisines communautaires, des blanchisseries, des jardins d’enfants, des écoles maternelles et des foyers pour enfants ont été organisés[8]Gardiner, J. (1997) Gender, Care and Economics. London: MacMillan Press. p. 76.

Au niveau politique, des quotas par sexe ont été introduits depuis les années 1950 dans les assemblées législatives de tous les États socialistes et des efforts ont été déployés pour recruter des femmes dans les partis communistes locaux. De fait, la représentation des femmes dans les parlements a atteint une moyenne de 25 % dans les années 1980[9]Rashkova, E. and Zankina, E., (2020), “Women in Politics in Eastern Europe: 30 Years After the Fall of the Berlin Wall”. n Women, Policy, and Political Leadership: Regional Perspectives, eds. … Continue reading en Bulgarie, en Croatie et en République tchèque[10]Forest, M., (2011), “From State-Socialism to EU accession: Contrasting the Gendering of (Executive) Political Power in Central Europe”, 2nd ECPR Conference, Budapest. Cette croissance doit toute de fois être nuancée : peu de femmes ont occupé des postes à haute responsabilité dans le domaine politique. Cela est également valable pour d’autres domaines d’activités[11]Rashkova, Ekaterina R. and Zankina, Emilia (2012). ‘When Less means More: Influential women of the Right – the case of Bulgaria’, Working Paper Series on the Legal Regulation of Political … Continue reading.

La transition post-communiste et l’exportation du féminisme occidental

Les mouvements socialistes et féministes se sont développés conjointement au début du XIXe siècle. Dès le siècle suivant, ce débat s’est scindé en deux courants : l’un fondé sur les théories libérales et les intérêts des femmes, l’autre sur les théories socialistes et les intérêts économiques globaux. Le courant libéral s’est développé à partir de la contradiction faite entre l’idéologie libérale dominante des droits et réussites individuels et la liberté croissante des hommes de la classe moyenne d’agir conformément à cette idéologie par rapport à eux-mêmes, alors que le rôle des femmes de la classe moyenne était limité à celui d’épouse, de mère et parfois d’enseignante. De ce courant né le mouvement des suffragettes[12]Jacquemart, A., (2017), Une histoire genrée des mouvements suffragistes, Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, 133, 3-14. https://doi.org/10.3917/ving.133.0003 ; ces dernières ayant influencé le féminisme libéral occidental. Le second courant s’est développé à partir de la pensée socialiste, née en réaction aux changements sociaux provoqués par la révolution industrielle dans la première moitié du XIXe siècle. Ce courant vise à réorganiser la société sur une base collectiviste et selon des principes d’égalité substantielle. De ce courant sont issues les bases du féminisme grandissant dans les pays socialistes du XXe siècle.

La chute de Berlin fut un point de rupture dans l’ère moderne, qui a permis d’installer au sein des sociétés les valeurs de la démocratie, mais aussi celles du système capitaliste. Le féminisme libéral occidental s’est exporté dans les pays européens post-socialistes. Le féminisme libéral vise l’égalité juridique entre les sexes et prône l’épanouissement individuel des femmes[13]Ghodsee, K. R., (2004) “Feminism‐by‐Design: Emerging Capitalisms, Cultural Feminism, and Women’s Nongovernmental Organizations in Postsocialist Eastern Europe.” p. 10. Signs: Journal of … Continue reading. Il défend les droits des femmes et leur représentation, notamment institutionnelle. L’objectif est le suivant : les droits donnés aux hommes doivent être élargis à tous·tes. En outre, le féminisme libéral classique affirme qu’une fois les lois et politiques discriminantes éliminées, les femmes pourront rivaliser à égalité avec les hommes dans un système économique et social qui reste par ailleurs inchangé[14]Tungohan, E., (2010), “Is Global Sisterhood Elusive? A Critical Assessment of the Transnational Women’s Rights Movement.” Atlantis: Canadian Journal of Women’s Studies 34 (2): 104-114. Vol. … Continue reading. En changeant les institutions de gouvernance internationale et nationale et en augmentant le nombre de femmes aux postes de pouvoir, l’égalité des sexes pourrait de fait être atteinte.

En exportant le féminisme libéral occidental aux pays de l’ancien bloc soviétique, les associations chargées de protéger les droits des femmes à l’Ouest ont été exportées en tant qu’ONG, groupes de réflexion et groupes de défense aux pays de l’Est. Sous les régimes socialistes, de nombreuses politiques d’égalité des sexes ont été adoptées : l’éducation avancée, le droit au divorce et à l’avortement avant 1968, la participation au marché du travail et le soutien de l’État à la maternité sont autant de prérogatives du système socialiste[15]Ghodsee, K. R., Mead, J., (2018), What has socialism ever done for women?, Harvard University. Cependant, dans le processus d’exportation de ces valeurs, et leurs affirmations dans les sociétés post-socialistes, l’héritage culturel de l’Europe de l’Est n’a pas été pris en compte. De même les perspectives des différents enjeux et problématiques auxquels les femmes de ces régions étaient confrontées n’ont nullement été étudiées[16]Ghodsee, K. R., (2004), Feminism-by-design: Emerging Capitalisms, cultural feminism, and women’s nongovernmental organizations in post socialist Eastern Europe. Signs: Journal of Women in Culture … Continue reading.

Contrairement aux féministes libérales, les femmes d’Europe de l’Est des années 1990 ne demandaient pas à être pleinement intégrées au marché du travail[17]Ghodsee, K. R., (2015), The Left Side of History: World War II and the Unfulfilled Promise of Communism in Eastern Europe, Duke University Press. Elles avaient été contraintes de travailler pendant des décennies sous le régime communiste. Après des années d’oppression due à la double charge de la maternité et du travail, le choix de ne pas travailler a d’abord été perçu comme une libération. Le féminisme libéral occidental s’est fixé trois objectifs premiers : affirmer l’égalité juridique formelle, renforcer et promouvoir la pleine intégration des femmes dans le monde du travail et devenir un soutien social massif à la maternité. Ces droits avaient déjà été obtenus par les femmes dans tous les pays du bloc socialiste, ce qui a accentué le fossé et l’adaptation des droits à chaque système social. Cela a donné aux femmes de l’Est un sentiment d’effacement du paysage politique, économique et social de leurs sociétés. Le combat pour l’égalité des sexes s’est construit différemment entre les sociétés pro-occidentales, telles que la France ou le Royaume-Uni et les sociétés post-socialistes telles que la Biélorussie, l’Ukraine ou encore la Roumanie[18]Ghodsee, K. R., (2015), The Left Side of History: World War II and the Unfulfilled Promise of Communism in Eastern Europe, Duke University Press.

Paradoxalement, ces mêmes droits et avancées ont disparu avec la chute de l’URSS. Le développement du capitalisme occidental s’est instauré dès 1989, à la suite de la chute du système communiste russe. Cela a entraîné le démantèlement de l’État-providence de type communiste et la fermeture consécutive d’institutions périscolaires, d’hôpitaux et d’écoles, tout en entraînant une baisse des salaires et du pouvoir d’achat[19]Nails, D., Arnold, J., (2001) “Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria”, A Women in Development Technical Assistance Project. https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf. Les femmes et les enfants ont été parmi les premier·ères à être impacté·es par la baisse du niveau de vie. Un plan d’action sur le genre et l’analyse des indicateurs socio-économiques sous l’angle du genre lié à la transition vers la démocratie et l’économie de marché, a été mis en place dès 2001. Menée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’initiative reconnaît que « ce sont les femmes qui ont subi les pertes les plus importantes en matière de garde d’enfants et de services de garde d’enfants[20]Nail, D., Arnold, J., (2001), Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria, p. 28 https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf ». L’introduction de frais de scolarité, dans un contexte de baisse des revenus des ménages et de réduction substantielle de l’aide gouvernementale, a entraîné une augmentation significative de la charge de travail domestique des femmes. Leur participation au marché du travail est rapidement devenue limitée[21]Nails, D., Arnold, J., (2001) “Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria”, A Women in Development Technical Assistance Project, pp. 28 https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf. Par conséquent, les femmes ont perdu l’autonomie financière et la sécurité que leur procuraient, à l’époque, leur indépendance financière et leur stabilité professionnelle.

En outre, le féminisme libéral privilégie la ligne de pensée d’une sororité mondiale unifiée et donne la priorité aux questions de genre sur celles de la discrimination raciale ou de classe. Il en résulte une analyse sociopolitique fondée sur une perspective de genre, qui sépare les hommes et les femmes. Cela contraste fortement avec l’héritage culturel socialiste. L’ethnographe Kristen Ghodsee, qui a interrogé de nombreuses femmes bulgares à la fin des années 1990, a déclaré que la plupart d’entre elles préféraient ne pas distinguer leurs problèmes de ceux des hommes[22]Ghodsee, K. R., (2004), Feminism-by-design: Emerging capitalisms, cultural feminism, and women’s nongovernmental organizations in post socialist Eastern Europe. Signs: Journal of Women in Culture … Continue reading.

Ces différences culturelles n’ont fait qu’éloigner ces femmes de la philosophie féministe occidentale. L’incapacité des organisations féministes occidentales à s’engager dans une médiation culturelle d’adaptation aux réalités respectives des femmes des différents pays européens est également un facteur à inclure. En 1993, Barbara Einhorn, professeur d’études sur le genre à l’université du Sussex, a décrit l’aversion pour le féminisme libéral occidental en Europe de l’Est comme une « allergie au féminisme[23]Osa, M., (1995), [Review of Cinderella Goes to Market: Citizenship, Gender and Women’s Movements in East Central Europe., by B. Einhorn]. Contemporary Sociology, 24(1), 19–20. … Continue reading. ». Entre 2004 et 2007, à la suite de la transition socio-économique des années 1990, plusieurs pays post-socialistes d’Europe de l’Est ont rejoint l’Union européenne[24]Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie ont rejoint l’Union européenne en 2004, la Bulgarie et … Continue reading. L’organisation a joué un rôle important dans la mise en œuvre effective des politiques de genre du modèle occidental. Dans le contexte de la transition post-socialiste, les femmes des pays de l’ancien bloc de l’Est ont manifesté une aversion croissante pour les associations féministes occidentales, apparemment impuissantes à résoudre leurs problèmes. Aujourd’hui encore, dans certains pays post-socialistes, un certain système politique et social féministe semble revendiqué, comme en Bulgarie ou en République tchèque. Mais il ne s’agit pas là de politiques gouvernementales mises en application par le gouvernement. Cela se construit davantage par la participation associative des citoyen·nes ou encore par la revendication d’un mode de vie et de pensée plus libre et revendiquant l’égalité pour tous·tes[25]Dermendjieva, N, Kutseva, G., (2016), “Fighting the Backlash against Feminism in Bulgaria”, OpenGlobalRights www.openglobalrights.org/Fighting-the-backlash-against-feminism-in-Bulgaria.     

Vers quel axe politique depuis les années 2010 ?

Depuis les années 2010, la montée des partis de droite en Europe de l’Est a fait émerger un dangereux traditionalisme qui porte atteinte aux droits des femmes. Les politiques anti-genres ont touché différents domaines, et amènent à l’interrogation dans plusieurs secteurs sociaux : la violence domestique à l’égard des femmes, l’égalité matrimoniale et les matières enseignées à l’université. L’exemple le plus frappant est celui de l’opposition à la ratification de la Convention d’Istanbul[26]Istanbul Convention (2018), Council of Europe. … Continue reading. La Convention d’Istanbul est un traité international visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Il a été approuvé par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011[27]Istanbul Convention (2018), Council of Europe, … Continue reading. À ce jour, les seuls États membres de l’Union européenne qui n’ont pas ratifié la Convention sont la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie[28]“Il Parlamento Europeo Approva Ratifica Della Convenzione Di Istanbul.” (10 May 2023). Euronews. … Continue reading. La contestation de cette convention par ces États repose sur leur désapprobation de la terminologie relative au genre, sur laquelle se fonde le traité. Le document définit le genre comme « les rôles, comportements, activités et attributs socialement construits qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes[29]Istanbul Convention (2018), Council of Europe, … Continue reading ». Johanna Nelles, une des autrices du document législatif, a expliqué que la question ne portait pas tant sur le genre que sur sa relation avec la violence. Elle énonce notamment que « de nombreux rôles liés au genre contribuent à la perpétration de la violence[30]De La Baume, M., (12 Apr. 2021), “How the Istanbul Convention Became a Symbol of Europe’s Cultural Wars.” POLITICO. … Continue reading. ». Cette formulation a donné lieu à des campagnes de désinformation sur l’utilisation du terme « genre » et à des accusations fallacieuses de la part de certains gouvernements selon lesquelles la convention porterait atteinte à la notion de « famille traditionnelle ».

En Bulgarie, un débat a eu lieu en 2018 sur l’amendement de la Convention d’Istanbul[31]Norocel, O. C., David Paternotte, D., (2023) The Dis/Articulation of Anti-Gender Politics in Eastern Europe: Introduction, Problems of Post-Communism, 70:2, 123-129. 10.1080/10758216.2023.2176075. Les nationalistes bulgares ont été particulièrement irrités par la mention[32]Krizsán, A., Roggeband, C., (2021), Politicizing Gender and Democracy in the Context of the Istanbul Convention. Palgrave Macmillan du terme « genre » dans le document législatif en tant que construction sociale par opposition au « sexe » biologique. Le rapport explicatif de la Convention précise que le terme « genre » n’est pas destiné à remplacer les termes « femmes » et « hommes[33]Norocel, O. C., David Paternotte, D., (2023) The Dis/Articulation of Anti-Gender Politics in Eastern Europe: Introduction, Problems of Post-Communism, 70:2, 123-129. 10.1080/10758216.2023.2176075 ». En Hongrie, des déclarations contre l’égalité entre les différents genres ont été faites par le chef adjoint du parti au pouvoir FIDESZ ; ce dernier prétexte que la Convention d’Istanbul introduit la définition obligatoire du genre dans le système juridique hongrois. Lui et plusieurs de ses partenaires politiques ont également remis en question le fait que la violence domestique soit considérée comme une forme de violence à l’égard des femmes[34]Krizsán, A., Roggeband, C., (2019), Gendering Democratic Backsliding in Central and Eastern Europe: A Comparative Agenda, Central European University, CEU CPS Books, p. 145.

La montée des partis conservateurs comme enjeu d’unification des droits des femmes

L’émergence et la recrudescence de partis de droite, voire d’extrême droite dans certains pays, sont un des facteurs principaux d’une paralysie de l’évolution des droits des femmes dans bon nombre de pays de l’ancien bloc-soviétique. De fait, une brèche se creuse de plus en plus entre les valeurs féministes occidentales et celles des pays post-socialistes. Les dernières politiques établies par les régimes, tels que celui croate ou roumain, laissent penser à une systématisation des valeurs traditionalistes. Les auteur·rices revendiquant ces valeurs sont opposé·es à l’émergence, ou même l’affirmation de l’égalité des sexes et des genres. Plus globalement, cela illustre une opposition à une affirmation des droits des femmes au sein de la société, et par un rejet de leur reconnaissance en tant que citoyenne[35]Krizsán, A., Roggeband, C., (2019), Gendering Democratic Backsliding in Central and Eastern Europe: A Comparative Agenda, Central European University, CEU CPS Books, p. 145

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice. 

Pour citer cet article : Ricci Elena. (2023). Les politiques anti-genres dans les pays européens postsocialistes 1/2. Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=16156

References

References
1, 31, 33 Norocel, O. C., David Paternotte, D., (2023) The Dis/Articulation of Anti-Gender Politics in Eastern Europe: Introduction, Problems of Post-Communism, 70:2, 123-129. 10.1080/10758216.2023.2176075
2 Kováts, E., (2021) Anti-gender Politics in East-Central Europe: Right-wing Defiance to West-Eurocentrism. Gender – Zeitschrift für Geschlecht, Kultur und Gesellschaft. 13(1-2021), 76–90. https://doi.org/10.3224/gender.v13i1.06
3 Kennedy, M., Tilly, C., (1987). Socialism, Feminism and the Stillbirth of Socialist Feminism in Europe, 1890-1920. Science & Society, 51:1, 6–42. http://www.jstor.org/stable/40402759
4 Ghodsee, K. R., (2018), Why Women Have Better Sex Under Socialism and Other Arguments for Economic Independence, Bold Type Books, 85
5 Rueschemeyer, Marilyn & Gal, Susan & Kligman, Gail. (2002). The Politics of Gender after Socialism: A Comparative-Historical Essay. Slavic Review. 10.2307/2697497
6 Rossmiller, E., (2012), Review Essay: Gender Politics in Post-Socialist Central Eastern Europe. Review of European and Russian Affairs. Review of European and Russian Affairs. 7. 10.22215/rera.v7i1.215
7 Harsch, D., (2013) ‘Communism and Women’, in The Oxford Handbook of the History of Communism, p. 489, https://doi.org/10.1093/oxfordhb/9780199602056.013.028
8 Gardiner, J. (1997) Gender, Care and Economics. London: MacMillan Press. p. 76
9 Rashkova, E. and Zankina, E., (2020), “Women in Politics in Eastern Europe: 30 Years After the Fall of the Berlin Wall”. n Women, Policy, and Political Leadership: Regional Perspectives, eds. Christian Echle and Megha Sarmah. Singapore: Konrad-Adenauer-Stiftung, 159–68
10 Forest, M., (2011), “From State-Socialism to EU accession: Contrasting the Gendering of (Executive) Political Power in Central Europe”, 2nd ECPR Conference, Budapest
11 Rashkova, Ekaterina R. and Zankina, Emilia (2012). ‘When Less means More: Influential women of the Right – the case of Bulgaria’, Working Paper Series on the Legal Regulation of Political Parties, No. 19. http://www.partylaw.leidenuniv.nl/uploads/wp1912.pdf
12 Jacquemart, A., (2017), Une histoire genrée des mouvements suffragistes, Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, 133, 3-14. https://doi.org/10.3917/ving.133.0003
13 Ghodsee, K. R., (2004) “Feminism‐by‐Design: Emerging Capitalisms, Cultural Feminism, and Women’s Nongovernmental Organizations in Postsocialist Eastern Europe.” p. 10. Signs: Journal of Women in Culture and Society, 29(3), 727–753. https://doi.org/10.1086/380631
14 Tungohan, E., (2010), “Is Global Sisterhood Elusive? A Critical Assessment of the Transnational Women’s Rights Movement.” Atlantis: Canadian Journal of Women’s Studies 34 (2): 104-114. Vol. 34 No. 2 (2010): Across the Generations in Women’s Studies
15 Ghodsee, K. R., Mead, J., (2018), What has socialism ever done for women?, Harvard University
16 Ghodsee, K. R., (2004), Feminism-by-design: Emerging Capitalisms, cultural feminism, and women’s nongovernmental organizations in post socialist Eastern Europe. Signs: Journal of Women in Culture and Society, 29 (3), 727–753
17, 18 Ghodsee, K. R., (2015), The Left Side of History: World War II and the Unfulfilled Promise of Communism in Eastern Europe, Duke University Press
19 Nails, D., Arnold, J., (2001) “Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria”, A Women in Development Technical Assistance Project. https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf
20 Nail, D., Arnold, J., (2001), Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria, p. 28 https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf
21 Nails, D., Arnold, J., (2001) “Gender Assessment and Plan of Action for USAID/Bulgaria”, A Women in Development Technical Assistance Project, pp. 28 https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/Pdabu040.pdf
22 Ghodsee, K. R., (2004), Feminism-by-design: Emerging capitalisms, cultural feminism, and women’s nongovernmental organizations in post socialist Eastern Europe. Signs: Journal of Women in Culture and Society, 29 (3), 727–753
23 Osa, M., (1995), [Review of Cinderella Goes to Market: Citizenship, Gender and Women’s Movements in East Central Europe., by B. Einhorn]. Contemporary Sociology, 24(1), 19–20. https://doi.org/10.2307/2075065
24 Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie ont rejoint l’Union européenne en 2004, la Bulgarie et la Roumanie en 2007.
25 Dermendjieva, N, Kutseva, G., (2016), “Fighting the Backlash against Feminism in Bulgaria”, OpenGlobalRights www.openglobalrights.org/Fighting-the-backlash-against-feminism-in-Bulgaria
26 Istanbul Convention (2018), Council of Europe. https://rm.coe.int/istanbul-convention-factsheet/168078ec5c#:~:text=What%20is%20the%20term%20%E2%80%9Cgender,appropriate%20for%20women%20and%20men%E2%80%9D
27, 29 Istanbul Convention (2018), Council of Europe, https://rm.coe.int/istanbul-convention-factsheet/168078ec5c#:~:text=What%20is%20the%20term%20%E2%80%9Cgender,appropriate%20for%20women%20and%20men%E2%80%9D
28 “Il Parlamento Europeo Approva Ratifica Della Convenzione Di Istanbul.” (10 May 2023). Euronews. https://it.euronews.com/video/2023/05/10/il-parlamento-europeo-approva-la-ratifica-della-convenzione-di-istanbul
30 De La Baume, M., (12 Apr. 2021), “How the Istanbul Convention Became a Symbol of Europe’s Cultural Wars.” POLITICO. https://www.politico.eu/article/istanbul-convention-europe-violence-against-women/
32 Krizsán, A., Roggeband, C., (2021), Politicizing Gender and Democracy in the Context of the Istanbul Convention. Palgrave Macmillan
34, 35 Krizsán, A., Roggeband, C., (2019), Gendering Democratic Backsliding in Central and Eastern Europe: A Comparative Agenda, Central European University, CEU CPS Books, p. 145