L’instrumentalisation des femmes ouïghoures dans la stratégie de domination ethnique des Hans par le gouvernement chinois

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L’instrumentalisation des femmes Ouïghoures dans la stratégie de domination ethnique des Hans par le gouvernement chinois

05.08.2020
Mathilde Vo
Minorité musulmane localisée dans la région autonome du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, les Ouïghour.e.s font l’objet d’un système de discriminations et d’oppressions violentes systématiques par le gouvernement chinois qui se dit « lutter contre le terrorisme et la radicalisation^[1]C.Causit, « L’article à lire sur la répression des Ouïghours en Chine », juillet 2020, France info, disponible sur : … Continue reading » selon Marc Julienne, chercheur au Centre Asie de l’Institut Français des relations internationales (IFRI). S’il faut remonter à la Révolution culturelle^[2]La période de la Révolution Culturelle s’étend de 1966 à 1976 et vise à rétablir l’autorité du Parti communiste chinois. Lorsque la Révolution éclate, la politique de liberté religieuse … Continue reading pour voir les premières discriminations que vivent la minorité ethnique, les attentats que la Chine a connu fin 2013 par une organisation extrémiste ouïghoure appelée ETIM, sont les éléments déclencheurs de l’accentuation de la politique coercitive menée à l’encontre de l’ensemble des Ouïghour.e.s.
Le gouvernement chinois instrumentalise cette peur pour justifier l’acculturation des Ouïghour.e.s en leur imposant la culture Han, ethnie majoritaire en Chine, par la mise en place de camps dits de « transformation par l’éducation ». Si le gouvernement de Xin Jinping assume entièrement ces camps où sont détenues de force plus d’un million de personnes selon les dernières estimations^[3]S.Nebehay, « 1.5 million Muslims could be detained in China’s Xinjiang : academic », Mars 2019, Reuters, disponible sur : … Continue reading, derrière cette stratégie se cache une réelle volonté de contrôler tous les aspects de la vie de cette population. Comme le déclare Joanne Smith Finley de l’université de Newcastle, le gouvernement chinois fait vivre à la minorité un « génocide lent et douloureux^[4]B.Sikouk, « La Chine réduit de force la natalité des Ouïghours », juin 2020, Slate. Disponible sur : … Continue reading ». Des témoignages ont d’ailleurs confirmé de nombreux crimes commis à l’encontre des Ouïghour.e.s au sein des camps de « rééducation » où la culture Han leur est imposée. Au sein de ces centres, la minorité musulmane commence par réciter des chants patriotiques de manière répétitive pendant une trentaine de minutes comme atteste le témoignage de Omir Bekali^[5]Franceinfo avec AFP, « Chine : un rescapé des centres de « rééducation » pour musulmans raconte », 22 mars 2019, Franceinfo. Disponible sur : … Continue reading, un rescapé des camps de rééducation. Il poursuit en disant « On chantait […] face au mur » et il confirme que même s’il est sorti des camps, la musique résonne toujours dans sa tête. Ainsi, cette pratique correspond à de l’assimilation culturelle forcée. Selon le sociologue Christophe Bertossi, l’assimilation peut être définie comme étant « en général dans les sociétés où ce qui est différent est considéré comme inquiétant. Il s’agit d’imposer à celui que l’on désigne comme l’étranger la conception du monde de la société d’accueil. Ce processus suppose l’effacement total du bagage identitaire des nouveaux venus^[6]A.Chemin, « Intégration ou assimilation, une histoire de nuances », Le Monde, 11 novembre 2016. Disponible sur … Continue reading ». D’un point de vue psychologique, cette pratique s’apparente à de la manipulation mentale qui peut être définie par une méthode ayant pour but « d’obtenir d’autrui qu’il modifie ses idées, son comportement^[7]UNADFI, La manipulation mentale en psychologie sociale, UNADFI, 22 août 2014. Disponible sur … Continue reading ». Par cette répétition machinale, le but du gouvernement chinois est de diluer de manière presque indirecte la culture Ouïghoure au profit de la culture Han. Le jeune rescapé déclare également qu’ils sont forcés de manger du porc, pourtant interdit par l’Islam, de parler chinois et n’ont pas le droit de prier ou de parler une autre langue^[8]UNADFI, La manipulation mentale en psychologie sociale, UNADFI, 22 août 2014. Disponible sur … Continue reading. Cependant, ces camps ne se limitent pas à cette assimilation puisque les Ouïghour.e.s y sont victimes de traitements inhumains comme des viols collectifs, de la torture, de la stérilisation forcée ou encore de la privation de nourriture^[9]D.Stavrou, Témoignage d’une enseignante dans un camp chinois au pays ouïghour, 10 novembre 2019, Mediapart. Disponible sur … Continue reading…
Les stratégies de contrôle démographique du gouvernement chinois sur la population ouïghoure : pressions pécuniaires, stérilisation forcée et mariages interéthniques forcés

La stratégie gouvernementale chinoise d’éradication des Ouïghour.e.s cible en premier lieu les femmes. Le récent rapport de Adrian Zenz^[10]A.Zenz, Sterilizations, Forced Abortions and Madatory Birth Control. The CCP’s Campain to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, The Jamestown Foundation, Juin 2020. Disponible sur : … Continue reading, anthropologue allemand spécialiste de la question Ouïghoure, atteste le contrôle des naissances de l’État chinois sur la minorité ethnique par des stérilisations et avortements forcés soumis aux femmes. La région du Xinjiang mène en ce sens une campagne stricte de contrôle des naissances depuis plusieurs années. Avant 2015, les Ouïghour.e.s ayant plus d’enfants que le maximum requis étaient sanctionné.e.s d’une amende^[11]A.Zenz, Sterilizations, Forced Abortions and Madatory Birth Control. The CCP’s Campain to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, The Jamestown Foundation, Juin 2020. Disponible sur : … Continue reading. Cependant même après la levée de l’obligation de n’avoir qu’un enfant pour la population han à partir de 2017, encourageant ainsi le développement démographique des Hans en levant les distinctions ethniques. En effet, la majorité Han était soumise à la politique de l’enfant unique alors que les Ouïghour.e.s pouvaient avoir jusqu’à deux enfants en milieu urbain et trois en milieu rural. Mais les récentes recherches ont démontré que les femmes Ouïghour.e.s ne peuvent avoir plus de deux enfants sans prendre en compte le lieu d’habitation. Par ailleurs, cette nouvelle réglementation renforce les sanctions imposées à la minorité musulmane car les femmes ne respectant pas les quotas sont sanctionnées par une mesure dite de « contrôle de naissances avec une efficacité sur le long terme^[12]A.Zenz, Sterilizations, Forced Abortions and Madatory Birth Control. The CCP’s Campain to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, The Jamestown Foundation, Juin 2020. Disponible sur : … Continue reading » qui correspond aux procédures de stérilisations comme le stérilet, la ligature des trompes de Fallope^[13]La ligature des trompes de Fallope est une intervention chirurgicale définitive qui permet d’empêcher les ovules et les spermatozoïdes d’accéder aux trompes. ou encore à une mesure éducative soit un internement dans les camps de rééducation^[14]A.Zenz, Sterilizations, Forced Abortions and Madatory Birth Control. The CCP’s Campain to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, The Jamestown Foundation, Juin 2020. Disponible sur : … Continue reading. De plus, ces mesures de stérilisations sont infligées de force aux femmes Ouïghoures sous peine d’un internement dans les camps de rééducation.
En juin 2020, un rapport de l’agence The Associated Press^[15]The Associated Press, »Chine cuts Uighur births with IUDs, abortion, sterilization », 29 juin 2020, The Associated Press. Disponible sur : https://apnews.com/269b3de1af34e17c1941a514f78d764c confirme ces pratiques grâce au témoignage de Gulnar Omirzakh, femme Ouïghoure d’origine Kazakhe, qui déclare « qu’après avoir eu son troisième enfant, le gouvernement du Xinjiang lui a ordonné la pose d’un stérilet^[16]The Associated Press, »Chine cuts Uighur births with IUDs, abortion, sterilization », 29 juin 2020, The Associated Press. Disponible sur : https://apnews.com/269b3de1af34e17c1941a514f78d764c ». Elle poursuit en affirmant que « Deux ans après, quatre militaires ont toqué à sa porte en lui imposant qu’elle avait trois jours pour payer une amende de 2 685$ pour avoir eu plus de deux enfants^[17]The Associated Press, »Chine cuts Uighur births with IUDs, abortion, sterilization », 29 juin 2020, The Associated Press. Disponible sur : https://apnews.com/269b3de1af34e17c1941a514f78d764c ». Elle finit par déclarer « Ils veulent tous nous détruire^[18]The Associated Press, »Chine cuts Uighur births with IUDs, abortion, sterilization », 29 juin 2020, The Associated Press. Disponible sur : https://apnews.com/269b3de1af34e17c1941a514f78d764c ». Cette campagne de contrôle des naissances semble porter ses fruits puisque leur nombre a baissé de manière drastique au Xinjiang notamment depuis 2016 dans les villes de Hotan et Kashgar, majoritairement Ouïghoures. The Associated Press atteste que de 2015 à 2018, le nombre de naissances aurait chuté de 60% dans ces deux villes.
Le Uyghur Human Rights Project qui est une organisation créée par l’association des Ouïghour.e.s américain.e.s a publié en février 2020 un rapport basé sur la fuite des documents officiels du Xinjiang sortis dans le New York Time en novembre 2019. Ce rapport^[19] UHRP, « Uyghur Human Rights Project,”Ideological transformation” : records of mass detention from Qaraqash », Hotan, février 2020, UHRP porte sur les camps de rééducation de l’administration de Qaraqash dans la région du Xinjiang et recense le nombre de détenu.e.s ainsi que l’organisation du camp. Les statistiques démontrent que les détenu.e.s sont majoritairement des hommes, soit 91% d’hommes contre 9% de femmes seulement. Sur la même idée, le chercheur Adrien Zenz déclare que les femmes sont plus susceptibles d’être envoyées dans des entreprises de travaux forcés. Ces chiffres et ces recherches nous permettent d’affirmer que l’internement dans les camps est sexospécifique car les femmes Ouïghoures sont perçues différemment que les hommes. Pour les femmes qui sont enfermées dans les camps de rééducation, la torture et les traitements inhumains font partie de leur quotidien. Sayragul Sauytbay, enseignante en asile politique en Suède témoigne^[20]D.Stavrou, « Témoignage d’une enseignante dans un camp chinois au pays ouïghour », 10 novembre 2019, Mediapart. Disponible sur … Continue reading de la violence que vivent les Ouïghour.e.s dans les camps du Xinjiang. Elle parle d’une chambre noire que les détenu.e.s ont surnommé ainsi puisqu’il est interdit d’en parler explicitement. Les hommes et les femmes sont victimes de torture pour ne pas avoir appris le chinois correctement ou pour ne pas avoir voulu chanter les chansons patriotiques par exemple. Les femmes y subissent des viols collectifs et cela même devant tous les déténu.e.s qui sont à leur tour punis si il.elle.s ont fermé les yeux ou tourner la tête durant l’acte. Elle déclare que ces personnes « ont été emmenées et nous ne les avons plus jamais revues^[21]D.Stavrou, « Témoignage d’une enseignante dans un camp chinois au pays ouïghour », 10 novembre 2019, Mediapart. Disponible sur … Continue reading ». En outre, des procédures médicales sont pratiquées sur les détenu.e.s obligé.e.s d’ingérer des pilules suite à quoi les femmes n’ont plus eu leurs règles et « les hommes sont devenus stériles^[22]D.Stavrou, « Témoignage d’une enseignante dans un camp chinois au pays ouïghour », 10 novembre 2019, Mediapart. Disponible sur … Continue reading ». Une autre femme ouïghoure, Ruqiye Perhat, en exil en Turquie raconte qu’elle s’est fait violer plusieurs fois par des gardiens et « était tombée enceinte à deux reprises, les deux grossesses ayant été avortées de force^[23]D.Stavrou, « Témoignage d’une enseignante dans un camp chinois au pays ouïghour », 10 novembre 2019, Mediapart. Disponible sur … Continue reading ». Ces témoignages confirment donc les exactions commises par le gouvernement chinois au peuple Ouïghour dans les camps.
En dehors ou dans les camps, les stérilisations forcées sur les femmes Ouïghoures démontrent qu’elles sont considérées comme une véritable arme démographique. En tant que femmes, elles sont perçues comme celles qui donnent la vie et donc celles qui permettent d’accroître la population Ouïghoure. Tandis que les hommes, majoritaires dans les camps, sont considérés comme de potentiels terroristes. C’est donc à cause de cette perception que les femmes incarne la première cible du gouvernement chinois pour faire disparaître progressivement la minorité ethnique. Pour cela, en plus des pratiques évoquées précédemment, le gouvernement du Xinjiang encourage les mariages interethniques de femmes Ouïghoures avec des hommes Han. Cette incitation se fait par une récompense monétaire ou encore la promesse de « la libération des parents enfermés^[24]Asia Times, « Beijing accused of forcing Uyghur han intermarriages », 29 mai 2018, Asia Times. Disponible sur : … Continue reading » dans les camps. Ces mariages se font sous la contrainte car si un homme Han demande en mariage une femme Ouïghoure, elle ne peut en aucun cas refuser sous peine d’en subir les conséquences, à savoir un internement dans les camps par exemple.
Par ces unions interethniques fortement encouragées, la société chinoise fait presque la promotion des femmes Ouïghoures. D’après les recherches de Dru C. Gladney^[25]D.C. Gladney, « Representing Nationality in Chine : Refiguring Majority/Minority Identities », Février 1994, The Journal of Asian Studies 53, n° 1, 92-123. , anthropologue, une érotisation des femmes des minorités ethniques est présente dans la culture Han. Il déclare que dans les lieux publics comme les aéroports ou les hôtels, des images de femmes Han nues sont très rares tandis que des femmes appartenant à des minorités ethniques sont souvent représentées dénudées^[26]D.C. Gladney, « Representing Nationality in Chine : Refiguring Majority/Minority Identities », Février 1994, The Journal of Asian Studies 53, n° 1, p.12. Cette érotisation prend également la forme d’un guide ayant pour titre « Comment gagner le cœur d’une fille ouïghoure ?^[27]D.Byler, “Uyghur love in a time of interethnic marriage”, 7 août 2019, SupChina. Disponible sur : … Continue reading » par un homme Han qui travaille pour le Corps de la Production et de la construction du Peuple, organisation gouvernementale économique et semi-militaire spécifique à la région du Xinjiang. Il commence par décrire ses impressions sur les femmes ouïghoures ainsi que leur beauté puis il les décrit comme de parfaites futures épouses et des femmes au foyer idéales.
Par ailleurs, les hommes du Corps sont invités à passer une semaine dans ces foyers pour travailler et même participer à la vie de la famille^[28]O.Romelot, « Des femmes ouïghoures forcées de dormir avec hommes envoyés par le régime chinois », novembre 2019, Slate. Disponible sur … Continue reading. En effet, 1,1 million de fonctionnaires chinois (majoritairement Han) ont été envoyé pour vivre au sein de familles Ouïghoures au Xinjiang^[29]D.Byler, “Uyghur love in a time of interethnic marriage”, 7 août 2019, SupChina. Disponible sur : … Continue reading. Un des cadres atteste que les hommes sont même invités à partager le lit des femmes ouïghoures mais affirme « qu’aucune ne s’en serait plainte^[30]O.Romelot, « Des femmes ouïghoures forcées de dormir avec hommes envoyés par le régime chinois », novembre 2019, Slate. Disponible sur … Continue reading ». Le président du Congrès mondial Ouïghour, Dolkun Isa, déclare que ce programme a « transformé les maisons des Ouïghours en prisons dont il est impossible de sortir^[31]O.Romelot, « Des femmes ouïghoures forcées de dormir avec hommes envoyés par le régime chinois », novembre 2019, Slate. Disponible sur … Continue reading ». Ainsi, le gouvernement chinois met tout en place pour inciter les hommes Han à prendre pour épouse une femme ouïghoure afin que sur le long terme, la population Ouïghoure disparaisse totalement du territoire chinois.
Le silence de la communauté internationale face aux traitements inhumains et dégradants dont souffrent les Ouïghour.e.s
Face aux preuves des traitements inhumains et dégradants que les Ouïghour.e.s subissent ainsi que l’instrumentalisation du corps des femmes, très peu de pays ont pris la parole sur ce sujet. Les Ouïghour.e.s étant sunnites, beaucoup de pays musulmans chiites ne se sont pas prononcés. La Turquie s’était intéressée à leur cause mais selon Emmanuel Lincot^[32]Emmanuel Lincot, « Persécutions des Ouïghours en Chine : « Les Ouïghours sont aux avant-postes d’une politique globale de surveillance » », décembre 2019, Interview de Emmanuel Lincot. … Continue reading, spécialiste de l’histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, le gouvernement d’Erdogan s’est ravisé au vue du rapprochement de la Chine avec la Russie notamment en raison du projet sino-russe des Nouvelles Routes de la Soie. Seul les États-Unis semblent adopter des mesures draconiennes contre la Chine en y trouvant des opportunités stratégiques. En septembre 2019, le Sénat américain a voté le « Uighur Act of 2019^[33]The Guardian, “US House approves Uighar Act calling for sanctions on Chine’s senior officials”, The Guardian, 2019. Disponible sur : … Continue reading » demandant au président américain de condamner les abus contre les Ouïghours et appelle à la fermeture des camps de détentions massives dans la région du Xinjiang. En juin 2020, la version révisée « Uyghur Human rights Policy Act of 2020 » a été érigée en loi et prévoit notamment des investigations en profondeur sur la répression des Ouïghour.e.s dans la région du Xinjiang.
À l’Assemblée nationale française le 21 juillet 2020, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian condamne fermement le système répressif à l’encontre des Ouïghour.e.s. Il déclare également « Dans l’immédiat nous demandons à ce que la Chine permette l’accès à des observateurs indépendants internationaux dans cette zone et qu’elle permette à la Haut-Commissaire aux droits de l’homme (de l’ONU) de visiter le Xinjiang en toute liberté^[34]M.Tellier, Comprendre la répression des Ouïghours par la Chine en quatre points clés, France culture, 26 juillet 2020. Disponible sur : … Continue reading ». Malgré cette déclaration, aucune sanction n’a été prise par la France contre la Chine pour le moment.
Du côté du géant asiatique, le pays adopte une position de déni et se sait intouchable en raison de son poids grandissant sur l’échiquier mondial. En effet, avec le deuxième PIB au niveau mondial depuis 2011, elle est aussi la première puissance commerciale devant les États-Unis ce qui n’avait jamais été remis en question depuis la Seconde guerre mondiale.
D’un point de vue juridique, le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) définit le génocide comme étant « tout acte qui a l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux :
a) Meurtre de membres du groupe
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
c) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
d) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe^[35]Statut de Rome, 2002, disponible sur : https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf ».
Ainsi à travers la campagne de contrôle de naissances menée au Xinjiang sur la minorité ethnique, le gouvernement chinois mène un génocide par la mise en place de « mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe » selon la définition du Statut de Rome. Or, la Chine n’ayant ni signé ni ratifié le Statut de Rome, la Cour Pénale Internationale (CPI) n’est pas compétente pour juger ses crimes. Le seul moyen de pouvoir condamner la Chine et mettre fin à ce génocide serait la saisine de la CPI par le Conseil de Sécurité des Nations unies (CSNU). En effet, le Conseil de Sécurité peut saisir la CPI pour juger les crimes d’un État non-membre du Statut de Rome^[36]Article 13, Statut de Rome, 2002. Mais encore une fois, il est peu probable que cet organe de l’ONU applique cette exception puisque la Chine est un des membres permanents du CSNU et dispose du droit de veto.
Face à ces difficultés pour avoir recours à la justice internationale, de nombreux intellectuels dénoncent l’inaction de la communauté internationale et tentent de convaincre les gouvernements d’agir. En effet, devant le Parlement européen, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann en janvier 2020^[37]R. Glucksmann, Ouïghours : l’effacement d’un peuple, janvier 2020, disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=L98ZQ3Cn8UY a appelé à la prise de conscience des pays de l’Union européenne face aux violences infligées aux Ouïghours. De même que Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut des Ouïghours d’Europe et enseignante à l’INALCO, qui a récemment lancé un appel à la solidarité des féministes face aux traitements inhumains que vivent les femmes ouïghoures. Elle déclare « J’attends toujours le soleil de solidarité des féministes de tous les pays envers^[38]D.Reyhan, « J’attends toujours la solidarité des féministes envers les femmes ouïgoures », 23 juillet 2020, Le Monde. Disponible sur : … Continue reading ». Alors, avec ces différentes prises de paroles, il reste à voir si la France et plus largement la communauté internationale va prendre des mesures plus strictes pour mettre fin à ce génocide.
Pour citer cette publication : Mathilde VO, « L’instrumentalisation des femmes Ouïghoures dans la stratégie de domination ethnique des Hans par le gouvernement chinois », 05.08.2020, Institut du Genre en Géopolitique.