Le traitement des violences sexuelles en temps de guerre par la Cour Pénale Internationale

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Le traitement des violences sexuelles en temps de guerre par la Cour Pénale Internationale

22.11.2020

Jeanne PRIN

En 1994, à l’occasion de la 50e session de la Commission des Droits de l’Homme, la Rapporteuse Spéciale sur les violences faites contre les femmes, leurs causes et conséquences, dressait ce constat : « Rape remains the least condemned war crime[1]Nous traduisons : « Le viol reste le crime de guerre le moins condamné. ». HRW, « The War Within the War : sexual violence against women and girls in Eastern Congo », Juin 2002. Disponible sur : … Continue reading». Depuis, les violences sexuelles en temps de guerre sont entrées dans la liste des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et pas moins de sept résolutions ont été adoptées par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Malgré cette assise juridique internationale, le terme « impunité » demeure le qualificatif le plus approprié lorsqu’il s’agit du thème des violences sexuelles en temps de guerre. Sur le banc des accusés, le travail de la Cour Pénale Internationale (CPI), qui est régulièrement la cible de vives critiques sur son fonctionnement et la lenteur de son action. Dans cet article, à travers une analyse du travail de la Cour depuis la prise de ses fonctions en 2002, nous ferons l’inventaire de ses compétences et des facteurs qui limitent son travail contre l’impunité des violences sexuelles en période de conflit.

Compétences et mécanismes de la Cour Pénale Internationale

Le Statut de Rome de 1998, texte fondateur de la Cour Pénale Internationale entrée en fonction le 1er juillet 2002, inscrit les violences sexuelles en temps de guerre dans la liste des crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans ses articles 7 et 8. Les violences sexuelles telles que définies dans le Statut de Rome incluent « viol, esclavage sexuel, prostitution, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violences sexuelles de gravité comparable[2]Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art.7 (g). ». Dans Les Éléments des crimes de la Cour Pénale Internationale, il est précisé que ces violences sont « commises par la force[3]Prévu à l’article 9 du Statut de Rome, Les Éléments des crimes de la CPI, explicitent le contenu des articles 6, 7 et 8 du même Statut afin d’aider la Cour à les interpréter et à les … Continue reading». Le terme « force » implique ici aussi bien l’usage « de la menace[4]CPI, Eléments des crimes, 3-10 septembre 2002, art.7 1) g)-1.» que « de la coercition[5]CPI, Eléments des crimes, 3-10 septembre 2002, art.7 1) g)-1. ». Les violences sexuelles englobent donc aussi bien l’humiliation sexuelle subie par les prisonniers de Guantánamo que les viols de masse perpétrés durant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Elles peuvent également constituer un crime de génocide lorsque les viols ciblent un groupe ethnique particulier[6]Ibid, art.6 b) 1..

Selon le principe de complémentarité[7]Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, Préambule et art.1. , il revient à la CPI de condamner les criminel.le.s de guerre dans le cas où la justice nationale fait défaut. Sa compétence repose sur la reconnaissance de la responsabilité pénale individuelle des plus haut.e.s responsables (autorité politique ou militaire). La Cour peut être saisie par le Bureau du/de la Procureur.e (« le Bureau » ou BdP), par les États parties ou par résolution du Conseil de Sécurité[8]Ibid, art.13.. Suivant l’article 15 du Statut de Rome[9]Ibid, art.15 (3). , lorsque le/la Procureur.e estime qu’une enquête doit être ouverte, cet.te dernier.e doit en premier lieu obtenir l’autorisation des juges de la Chambre préliminaire. À ce jour, la CPI a eu recours à cette méthode de saisine pour le Kenya, la Côte d’Ivoire et la Géorgie. Les États parties peuvent également déférer au/à la Procureur.e de la Cour une situation qu’ils considèrent comme étant en violation avec le Statut de Rome. Ainsi, la République centrafricaine (RCA) a saisi la Cour à deux reprises : une première fois en décembre 2004, ce qui a mené au procès de Jean-Pierre Bemba, jugé pour son rôle en tant que chef militaire des troupes du Mouvement de libération du Congo (MLC) dans les crimes commis en RCA entre 2002 et 2003. Le gouvernement centrafricain saisit la Cour une seconde fois le 30 mai 2014, afin de mener une enquête sur la recrudescence des violences sur son territoire à partir de 2012. La République Démocratique du Congo (RDC) a, elle aussi, renvoyé une situation à la Cour en avril 2004. Cette saisine a engagé le procès de Bosco Ntaganda, pour son rôle direct et indirect dans les crimes commis par les Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (FPLC), crimes comprenant notamment des violences sexuelles. Déclaré coupable en juillet 2019[10]CPI, Le Procureur c/Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06., le procès est actuellement en appel.

Dans le cas d’une saisie par le Conseil de Sécurité, il est convenu que les cinq membres du Conseil votent à l’unanimité une résolution qui sera ensuite déférée à la CPI. Le Conseil de Sécurité a également le pouvoir de conférer au Bureau la compétence d‘enquêter sur le territoire d’un État non partie à la Cour. Rappelons qu’aujourd’hui, 123 pays ont ratifié le Statut. Parfois, un État qui n’a pas ratifié le Statut peut, par le moyen de l’article 12-3, déclarer accepter la compétence de la Cour sur son territoire[11]Statut de Rome, 17 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, 12-3.. Ce fut le choix de l’Ukraine le 17 avril 2014, ce qui permit à la CPI d’enquêter sur les crimes de sexuels perpétrés par les forces pro-russes et pro-ukrainiennes sur son territoire.

Malgré ces multiples mécanismes, le silence des victimes reste le premier et principal frein à la justice dans le cas des violences sexuelles. Un silence symptomatique de la nature du crime de viol. La crainte de représailles, la protection de la vie privée, la peur de la stigmatisation sont autant de raisons pour taire l’agression. Afin de pallier à ces potentiels obstacles à la justice, le Statut de Rome contient un mandat concernant la participation et la protection des victimes et des témoins. L’article 68 du Statut de la Cour précise que les victimes ont droit à une assistance légale durant le procès afin de « protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des victimes[12]Ibid, art.68-1. ». La Cour précise que ces mesures sont particulièrement applicables lorsqu’il s’agit de violences à caractère sexuel[13]Ibid, art.68-2.. Sont également prévues des mesures particulières pour les crimes sexuels notamment en matière d’interrogatoire et d’administration de preuves[14]CPI, Règlement de procédures et de preuves, Règles 63, 70-72 et 112 (4).. Enfin, le Bureau du/de la Procureur.e possède une unité dédiée aux violences sexistes et aux violences contre les enfants, composée de spécialistes de la question. La CPI est donc dotée de nombreux aménagements législatifs et techniques adaptés et favorables à une prise en charge éclairée des violences sexuelles en temps de conflit. Alors comment expliquer qu’aujourd’hui les inculpations pour crimes sexuels de la CPI se comptent sur les doigts d’une main ?

Bilan et limites des actions de la Cour Pénale Internationale

La première condamnation par la CPI comprenant des charges de viol a eu lieu en 2016, avec le procès de Jean-Pierre Bemba. Pour la Procureure de la Cour, Fatou Bensouda, ce jour « qui marquera la justice pénale internationale[15]CPI, « Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale », 21 mars 2016. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp-stat-bemba-21-03-2016&ln=fr » est la
consécration de son désir annoncé de placer la lutte contre les crimes sexuels au premier rang des priorités de son mandat[16]WWOW, « Il y a 7 ans – Déclaration de F. Bensouda sur la répression des violences sexuelles liées au conflit », 14 février 2019. Disponible sur : … Continue reading. Une victoire qui fut pourtant de courte durée : en 2018, l’ancien vice-président de la RDC est finalement acquitté pour défaut d’enquête[17]CPI, Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, Fiche d’information sur l’affaire, Mise à jour : mars 2019. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/CaseInformationSheets/BembaFra.pdf. Depuis le début de ses activités en 2002, en attendant la fin du procès de Ntaganda[18]Procureur c/Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06. et considérant l’acquittement de Jean-Pierre Bemba, aucune condamnation définitive incluant des charges pour violences sexuelles n’a été prononcée par la Cour, un bilan révélateur des limites de celle-ci.

Le défaut d’enquête représente un problème majeur pour l’application du droit lorsqu’il est question de violences sexuelles. Dans son article 54, le Statut de Rome précise que le/la Procureur.e peut ouvrir une enquête sur le territoire d’un État (recueil et examen de preuves, interrogatoires sur le territoire d’un État) après autorisation de la Chambre Préliminaire, mais ces enquêtes font face à de nombreux obstacles[19]Statut de Rome, 17 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, art.54 2.b). La nature du crime en est un, comme l’a reconnu la Cour en juin 2014 : « les enquêtes sur des crimes sexuels et à caractère sexiste présentent des problèmes qui leur sont propres[20]CPI, Document de politique générale relatif aux crimes sexuels et à caractère sexiste, Juin 2014. Disponible sur : … Continue reading ». Le premier obstacle est médical, car le délai de recueil de preuves scientifiques, comme la présence de sperme, entre en contradiction avec les délais d’enquêtes de la CPI dans le cas des violences sexuelles. Un défaut médical aggravé par la faiblesse et les difficultés rencontrées par les infrastructures de santé dans les pays en conflit. La deuxième difficulté concerne la reconnaissance de l’agresseur.se. Une fois la barrière du silence dépassée, bien que le gynécologue et prix Nobel, Denis Mukwege, reconnaisse l’existence de « viols signatures[21]Paroles rapportées de la conférence à l’Université d’Angers en janvier 2018. » en RDC, les victimes identifient rarement leurs agresseur.se.s. Ces multiples obstacles à l’enquête sont accentués par un manque de moyens de la Cour, qui ne dispose pas de sa propre police internationale et souffre régulièrement de capacités financières insuffisantes[22]Brabant (Justine), Minano (Leila), Pineau (Anne-Laure) (dir.), Impunité Zéro : violences sexuelles en temps de guerre, Paris, Autrement, 2017, p.200-201.. Ces ressources limitées poussent les procureur.e.s à « faire des choix »[23]Ibid, p.205-206. et parfois à précipiter des enquêtes, comme ce fut le cas lors du procès de Thomas Lubanga Dyilo, le premier de la Cour en 2009.

En effet, dans cette affaire, menée sous le mandat du premier Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, les charges pour violences sexuelles n’ont pas été retenues, faute de preuves. Seules les charges pour enrôlement d’enfants le seront. Une priorité surprenante, relevée par certaines ONG[24]Voir la lettre conjointe adressée au Procureur de la CPI, « RDC : les charges de la CPI suscitent des préoccupations », 31 juillet 2006. Disponible sur : … Continue reading et par la Représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés[25]Brabant (Justine), Minano (Leila), Pineau (Anne-Laure) (dir.), Impunité Zéro : violences sexuelles en temps de guerre, Paris, Autrement, 2017, p.206. Cette dernière fait remarquer lors d’une … Continue reading. L’ancien Procureur a depuis reconnu avoir pris cette décision afin d’engager rapidement une première affaire plutôt que de « poursuivre les enquêtes pour accumuler les chefs d’accusation[26]Ibid. p.206 ».

Par ailleurs, sur les trois méthodes de saisine de la CPI, la résolution du Conseil de Sécurité est la plus critiquée, notamment par certaines ONG qui voient dans cette méthode le moyen d’une politisation de la justice internationale[27]HWR, « Conseil de sécurité de l’ONU : il faut examiner l’incohérence des renvois devant la CPI », 16 octobre 2012. Disponible sur : … Continue reading. Le rôle du Conseil de Sécurité a également été critiqué par l’actuelle Procureure de la Cour, Fatou Bensouda, qui, en 2016, dénonçait « l’inaction du Conseil » concernant la poursuite des suspects des crimes commis au Darfour ce qui, selon elle, « constitue une circonstance aggravante »[28]Déclaration de Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies à propos de la situation au Darfour en application de la résolution 1593, 2005. … Continue reading dans le travail de la Cour. L’inaction de la CPI quant aux crimes commis en Syrie depuis 2011 est particulièrement représentative des limites et obstacles auxquels peut se confronter la Cour.  En effet, la Syrie n’a ni signé, ni ratifié, le Statut de Rome. Le seul moyen pour la CPI de contourner cette contrainte et d’engager des enquêtes en Syrie serait une saisine de la Cour par le Conseil de Sécurité. Cependant, les vetos de la Russie et de la Chine entravent la possibilité pour la CPI de rendre justice aux hommes, femmes et enfants violé.e.s par le régime de Damas. Néanmoins, en 2020, le recours de l’Allemagne au principe de la compétence universelle[29]La compétence universelle permet à un État de poursuivre les auteur.e.s de crimes graves (crimes de guerre, crimes contre l’humanité) quelle que soit la nationalité des auteur.e.s et des … Continue reading lui a permis d’ouvrir le procès de deux anciens membres des services de renseignement de Bachar al-Assad, Anwar Aslan et Eyad Al-Gharib, le 23 avril 2020[30]Wieder (Thomas), « En Allemagne, le procès historique des tortures dans les prisons du régime syrien », Le Monde, 23 avril 2020. Disponible sur : … Continue reading, rompant ainsi avec l’impunité qui entourait jusqu’alors ces crimes. Cet évènement a en outre mis un nouveau coup de projecteur sur l’impuissance de la CPI pour juger les exactions du régime syrien et prouve la nécessité d’exploiter un principe fondamental au bon fonctionnement du droit pénal international : la coopération.

La coopération au cœur du travail de la CPI dans sa lutte contre l’impunité

En tant qu’organe de dernier recours, la CPI, soutenue par les organisations internationales, devrait dans les prochaines années se concentrer sur une stratégie de soutien aux justices nationales. Cette coopération s’exerce en premier lieu dans l’exercice du principe de complémentarité de la Cour. En favorisant les systèmes judiciaires nationaux, la CPI encourage les États membres à aligner leur législation nationale sur le Statut de Rome. Ainsi, en 2006, la nouvelle Cons
titution de la RDC a inclus les violences sexuelles dans le registre des crimes contre l’humanité. La coopération prend également la forme d’un soutien aux tribunaux locaux par le biais des Cours Pénales Spéciales (CPS). Chargées d’instruire et de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, en coopération avec la CPI, ces juridictions mixtes (composées de magistrat.e.s nationaux.les et internationaux.les) ont fait leurs preuves en mai 2020 en RCA, où la CPS (créée le 3 juin 2015) a pu procéder à ses premières arrestations[31]Grilhot (Gael), « En Centrafrique, la Cour pénale spéciale passe à la vitesse supérieure », Le Monde, 26 mai 2020. Disponible sur : … Continue reading.

Parallèlement, un effort doit être fait sur la question primordiale, mais toujours trop peu abordée, des réparations faites aux victimes de violences sexuelles en temps de guerre. L’article 75 du Statut de Rome stipule que « la Cour établit des principes applicables aux formes de réparation »[32]Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art.75.. Dans des « circonstances exceptionnelles[33]Ibid. », elle détermine l’ampleur du dommage subi par les victimes et détermine la nature (restitution, indemnisation, réhabilitation) et le montant des réparations. Un fonds au profit des victimes a également été créé par le Statut[34]Ibid, art.79.. Les réparations revêtent « une valeur éthique et une valeur stratégique[35]Guillaumé (Jules), « Le droit à la réparation devant la CPI : promesses et incertitudes », Politique étrangère, 2015/4 (Hiver), p.51-62. Disponible sur : … Continue reading » aux yeux de la justice pénale internationale, car elles visent à reconstruire à la fois l’individuel et le collectif dans des sociétés déséquilibrées par le contexte de guerre et ses conséquences économiques.

La question des réparations a été abordée suite à la condamnation de Jean-Pierre Bemba et est aujourd’hui en cours de traitement suite à l’inculpation de Bosco Ntaganda. En septembre 2020, le fonds au profit des victimes de la CPI a lancé son projet pilote dans le cadre de son mandat d’assistance en RCA. Financé par les Pays-Bas à hauteur de 250 000 euros, ce projet a pour objectif « de venir en aide aux victimes et leurs familles qui vivent dans des conditions précaires à Bangui et ont subi un préjudice à long terme en raison des violences sexuelles commises lors du conflit[36]CPI, « Le Fonds au profit des victimes lance un projet pilote en République centrafricaine dans le cadre de son mandat d’assistance », 8 octobre 2020. Disponible sur : … Continue reading ». « Réparer l’irréparable[37]Jeangène Vilmer (Jean-Baptiste), Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la CPI, Presse Universitaires de France, 2009, pp.216. » n’est possible qu’avec le soutien des États parties (donations volontaires) et des partenaires de la société civile[38]Le projet pilote en RCA a été confié à l’ONG Cooperazione Internazionale (COOPI)..

En tant qu’organe permanent, la CPI permet de juger des crimes commis depuis la date d’entrée en vigueur du traité de Rome le 1er juillet 2002. Cette continuité de la compétence de la Cour participe à en faire un outil de dissuasion et de prévention des crimes. Les deux principes fondateurs de la Cour, permanence et complémentarité, font d’elle un outil de lutte contre l’impunité des crimes sexuels en temps de guerre. Le procès de Jean-Pierre Bemba a été considéré par certains comme la preuve « que l’impunité ne sera plus tolérée[39]ONU, « Affaire Bemba : Ban Ki Moon juge que la décision de la CPI envoie un signal fort », 22 mars 2016. Disponible sur : … Continue reading ». En le reconnaissant comme responsable, en tant que commandant de la Milice de Libération du Congo (MLC), les actes de violences sexuelles « ne sont pas considérés comme des actes isolés, mais comme des facteurs d’identification d’une attaque généralisée[40]Yzermans Manon, « De l’importance symbolique aux limites juridiques du prix Nobel de la paix 2018 », La revue des Droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 16 décembre … Continue reading ».

La Cour, dans sa première condamnation pour violences sexuelles, en reconnaissant ces crimes comme résultant d’un ordre militaire, a sanctionné le recourt au viol comme arme de guerre. Le 7 novembre 2019, le procès et la condamnation de Bosco Ntaganda ont permis de révéler les viols commis par les Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (FPLC) en RDC, et ainsi de mettre en lumière un sujet encore tabou[41]Pour plus d’informations sur la thématique des violences sexuelles commises à l’encontre des hommes : Le Pape (Marc), « Viol d’hommes, masculinités et conflits armés », Cahiers … Continue reading, le viol d’un nombre indéfini d’hommes par les soldats dans la région du Kobu[42]CPI, Le Procureur c/ Bosco Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06, V, C, 4, c), (2)..

Mais coincées entre une bureaucratie traînante, une CPI confrontée à la souveraineté des États et l’absence d’uniformité entre droit international et national, les violences sexuelles en temps de guerre souffrent toujours des faiblesses structurelles de la justice internationale. Face à cet environnement ankylosé et la recrudescence de l’emploi du viol en Syrie ou en RDC, l’enjeu principal de la Cour Pénale Internationale est d’établir une coopération plus aboutie entre elle, la société civile et les justices nationales. L’élection cette année d’un.e nouveau.lle Procureur.e, ainsi que la réalisation par un groupe de neufs experts indépendants d’une évaluation des performances de la Cour, ouvre la voie à une série de futures réformes de la CPI. Réformes qui, peut-être, combleront les failles et sauront exploiter au maximum les ressources et les compétences de la Cour en matière de violences sexuelles en temps de guerre.

Pour citer cet article : Jeanne PRIN, 2020, Institut du Genre en Géopolitique, “Le traitement des violences sexuelles en temps de guerre par la Cour Pénale Internationale”, https://igg-geo.org/?p=2592.

References

References
1 Nous traduisons : « Le viol reste le crime de guerre le moins condamné. ». HRW, « The War Within the War : sexual violence against women and girls in Eastern Congo », Juin 2002. Disponible sur : https://www.hrw.org/reports/2002/drc/
2 Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art.7 (g).
3 Prévu à l’article 9 du Statut de Rome, Les Éléments des crimes de la CPI, explicitent le contenu des articles 6, 7 et 8 du même Statut afin d’aider la Cour à les interpréter et à les appliquer.
4, 5 CPI, Eléments des crimes, 3-10 septembre 2002, art.7 1) g)-1.
6 Ibid, art.6 b) 1.
7 Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, Préambule et art.1.
8 Ibid, art.13.
9 Ibid, art.15 (3).
10 CPI, Le Procureur c/Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06.
11 Statut de Rome, 17 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, 12-3.
12 Ibid, art.68-1.
13 Ibid, art.68-2.
14 CPI, Règlement de procédures et de preuves, Règles 63, 70-72 et 112 (4).
15 CPI, « Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale », 21 mars 2016. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp-stat-bemba-21-03-2016&ln=fr
16 WWOW, « Il y a 7 ans – Déclaration de F. Bensouda sur la répression des violences sexuelles liées au conflit », 14 février 2019. Disponible sur : https://www.notaweaponofwar.org/il-y-a-7-ans-declaration-de-f-bensouda-sur-la-repression-des-violences-sexuelles-liees-aux-conflits/
17 CPI, Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, Fiche d’information sur l’affaire, Mise à jour : mars 2019. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/CaseInformationSheets/BembaFra.pdf
18 Procureur c/Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06.
19 Statut de Rome, 17 juillet 1998, entrée en vigueur le 1er juillet 2002, art.54 2.b
20 CPI, Document de politique générale relatif aux crimes sexuels et à caractère sexiste, Juin 2014. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/iccdocs/otp/otp-policy-paper-on-sexual-and-gender-based-crimes–june-2014-fra.pdf
21 Paroles rapportées de la conférence à l’Université d’Angers en janvier 2018.
22 Brabant (Justine), Minano (Leila), Pineau (Anne-Laure) (dir.), Impunité Zéro : violences sexuelles en temps de guerre, Paris, Autrement, 2017, p.200-201.
23 Ibid, p.205-206.
24 Voir la lettre conjointe adressée au Procureur de la CPI, « RDC : les charges de la CPI suscitent des préoccupations », 31 juillet 2006. Disponible sur : https://www.fidh.org/IMG/pdf/sgbv_721f_fr_30_nov_2018_web.pdf
25 Brabant (Justine), Minano (Leila), Pineau (Anne-Laure) (dir.), Impunité Zéro : violences sexuelles en temps de guerre, Paris, Autrement, 2017, p.206. Cette dernière fait remarquer lors d’une audience que les violences sexuelles « font partie de l’utilisation des enfants soldats en particulier des petites filles ».
26 Ibid. p.206
27 HWR, « Conseil de sécurité de l’ONU : il faut examiner l’incohérence des renvois devant la CPI », 16 octobre 2012. Disponible sur : https://www.hrw.org/fr/news/2012/10/16/conseil-de-securite-de-lonu-il-faut-examiner-lincoherence-des-renvois-devant-la-cpi
28 Déclaration de Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies à propos de la situation au Darfour en application de la résolution 1593, 2005. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=161213-otp-stat-unsc-darfur&ln=fr
29 La compétence universelle permet à un État de poursuivre les auteur.e.s de crimes graves (crimes de guerre, crimes contre l’humanité) quelle que soit la nationalité des auteur.e.s et des victimes, et le lieu où ils ont été commis.
30 Wieder (Thomas), « En Allemagne, le procès historique des tortures dans les prisons du régime syrien », Le Monde, 23 avril 2020. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/23/en-allemagne-le-proces-historique-des-tortures-dans-les-prisons-du-regime-syrien_6037481_3210.html
31 Grilhot (Gael), « En Centrafrique, la Cour pénale spéciale passe à la vitesse supérieure », Le Monde, 26 mai 2020. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/26/en-centrafrique-la-cour-penale-speciale-passe-a-la-vitesse-superieure_6040801_3212.html
32 Statut de Rome, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art.75.
33 Ibid.
34 Ibid, art.79.
35 Guillaumé (Jules), « Le droit à la réparation devant la CPI : promesses et incertitudes », Politique étrangère, 2015/4 (Hiver), p.51-62. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2015-4-page-51.htm
36 CPI, « Le Fonds au profit des victimes lance un projet pilote en République centrafricaine dans le cadre de son mandat d’assistance », 8 octobre 2020. Disponible sur : https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=201008-tfv-press-release-central-african-republic&ln=fr
37 Jeangène Vilmer (Jean-Baptiste), Réparer l’irréparable. Les réparations aux victimes devant la CPI, Presse Universitaires de France, 2009, pp.216.
38 Le projet pilote en RCA a été confié à l’ONG Cooperazione Internazionale (COOPI).
39 ONU, « Affaire Bemba : Ban Ki Moon juge que la décision de la CPI envoie un signal fort », 22 mars 2016. Disponible sur : https://news.un.org/fr/story/2016/03/331642-affaire-bemba-ban-ki-moon-juge-que-la-decision-de-la-cpi-envoie-un-signal-fort
40 Yzermans Manon, « De l’importance symbolique aux limites juridiques du prix Nobel de la paix 2018 », La revue des Droits de l’homme, Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 16 décembre 2018, p.5.
41 Pour plus d’informations sur la thématique des violences sexuelles commises à l’encontre des hommes : Le Pape (Marc), « Viol d’hommes, masculinités et conflits armés », Cahiers d’Etudes Africaines, Vol.53, Cahier 209/2010, Masculin pluriel, 2013, p.201-215. Disponible sur : https://journals.openedition.org/etudesafricaines/17290
42 CPI, Le Procureur c/ Bosco Ntaganda, 8 juillet 2019, ICC-01/04-02/06, V, C, 4, c), (2).