Pologne : La « peste arc en ciel » et les LGBT-free zones, pourquoi un tel climat de haine ?

Temps de lecture : 11 minutes

Pologne : La « peste arc en ciel » et les LGBT-free zones,
pourquoi un tel climat de haine ?

18.09.2021
Audrey Pruvost

Introduction 

Les zones « d’idéologie LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles et Transgenres) », dites LGBT-free zones (Strefy wolne od LGBT) recouvrent des villes et régions de Pologne qui ont été déclarées comme n’acceptant pas les personnes LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres, Queers, Intersexes, Asexué.e.s). Le but de cette démarche est notamment d’empêcher les marches de l’égalité dans ces territoires.

Cette position radicale et ouvertement déclarée se fond dans un climat politique homophobe, assumé par le gouvernement au pouvoir depuis 2015 : le parti fait valoir une idéologie basée sur un discours nationaliste. Dans ce cadre, il défend des valeurs conservatrices, au premier lieu desquelles se trouvent la religion et le mythe national, qu’il considère comme menacés par la communauté LGBTQIA+.

Les frères Kaczynski, fondateurs du parti Droit et Justice (PiS) en 2001, parlaient d’une nécessaire « révolution morale » et du « bon changement[1]« Révolution morale » et « bon changement » sont des expressions fréquemment utilisées dans leurs discours politique. », afin de s’éloigner le plus possible d’un modèle culturel occidental, caractérisé par l’émergence de mœurs davantage inclusives. Avec leur arrivée au pouvoir en 2015, la stigmatisation des minorités LGBTQIA+ augmente au profit de ce programme ultra-conservateur nationaliste, soutenu par l’Eglise polonaise.

Le débat posé par les LGBT-free zones permet de comprendre le climat sensible d’oppositions politiques dans le pays, chaque acteur clamant détenir la véritable définition de ce qu’est « être polonais.e » aujourd’hui, et reflète également les rapports de force et les instrumentalisations de pouvoir sur un territoire. Cet article a pour but de questionner le contexte politique et culturel qui a permis le développement des LGBT-free zones et le climat homophobe dans le pays.

1.Les « LGBT-free zones », ou les zones de la haine

a. Un climat homophobe

Sur le plan juridique, les agressions anti-LGBTQIA+ ne sont pas reconnues comme étant des « crimes de haine ». Seul le juge décide de la qualification de l’agression et de la peine encourue. Il n’existe d’ailleurs toujours pas de reconnaissance du mariage civil pour des personnes du même sexe[2]« UE / Pologne : les droits des LGBT+ et à l’avortement relégués aux oubliettes ? », FÉDÉRATION INTERNATIONALE POUR LES DROITS HUMAINS, novembre 2018 [lien].

Le parti PiS au pouvoir depuis 2015 exerce sa mainmise sur le pouvoir judiciaire en nommant les juges selon leurs affinités politiques et idéologiques[3]Claire Guyot, « Inquiétude sur l’indépendance de la justice en Pologne », La Croix, 17 juillet 2017, [lien], souvent en défaveur de la communauté LGBTQIA+. Les associations de défense de droits humains, ainsi que celles protégeant les droits de la communauté LGBTQIA+, souffrent régulièrement d’attaques verbales.

Les discriminations à l’encontre des LGTQIA+ se sont intensifiées lorsque Rafaƚ Trzakowski, du parti politique d’opposition de droite, Plateforme Civique, a signé en janvier 2019 une « charte LGBT ». Cette charte a pour but de créer un « refuge » pour les personnes rejetées par leur famille et une éducation à la sexualité qui tienne compte de la question de l’orientation sexuelle. Rafaƚ Trzakowski promettait, pour les élections municipales de 2018, que Varsovie soit une « ville ouverte et tolérante »[4]Jakub Iwaniuk, « Les ultraconservateurs polonais vilipendent la « charte LGBT » de Varsovie »,  Le Monde, Mars 2019 [lien].

S’est suivi un climat de tensions et d’accusations politiques, teintées de haine et de stigmatisations. A titre d’exemple, l’activiste Elżbieta Podleśna est arrêtée en mai 2019 pour avoir affiché des posters de la Madone noire de Częstochowa[5]Les Vierges noires sont des effigies féminines qui appartiennent à l’iconographie du Moyen Âge européen. Elles figurent généralement la Vierge Marie., avec le halo arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBTQIA+, pour dénoncer le climat homophobe dans le pays[6]Laure Daussy, « Pologne : des militantes LGBT devant la justice pour blasphème »,  Charlie Hebdo, janvier 2021 [lien]. La militante est depuis placée sous surveillance policière. Elle risque deux ans d’emprisonnement pour « offense à des croyances religieuses[7]Pétition Amnesty International : « STOP AUX POURSUITES CONTRE ELZBIETA PODLESNA » [lien]. »

b. Ordo Iuris à la tête du combat mené contre la communauté LGBTQIA+

C’est donc dans cette atmosphère homophobe que se sont développées les LGBT-free zones. Elles ont été recensées sur le site web Atlas de la haine[8]https://atlasnienawisci.pl/ par l’activiste polonais Bart Staszewski, qui soutient la communauté LGBTQIA+. Au total ce sont 88 zones – comtés, districts, ou municipalités[9]Le chiffre varie selon les sources entre 75 et 100 zones. –  qui ont été constituées dans le Sud-Est de la Pologne à l’initiative de leurs élus locaux, désireux de freiner l’expansion de ce qu’ils nomment « l’idéologie LGBT[10]Anna Zielenska, « La croisade des ultra-conservateurs polonais contre « l’idéologie LGBT » », The Conversation, octobre 2020[lien] ».

Créé en 2013, le think tank Ordo Iuris finance et effectue des activités de recherche et de lobbying sur « la culture juridique et l’héritage spirituel »[11]http://en.ordoiuris.pl/who-we-are polonais, assurant la promotion de valeurs « traditionnelles »[12]Ibid.. Il soutient le mouvement pro-vie[13]Articles du think tank en faveur du movement pro-vie : https://ordoiuris.pl/pro-life-0[14]Le mouvement pro-vie désigne un mouvement regroupant associations et personnes, souvent proches des mouvements religieux, défendant le « droit à la vie », à travers l’opposition au « droit … Continue reading, la famille nucléaire[15]La famille nucléaire est un groupe domestique réunissant au même foyer uniquement le père, la mère et les enfants non mariés., et la communauté catholique.

Ordo Iuris est influent sur la scène politique polonaise. Il aurait notamment joué un rôle déterminant dans la prise de position du ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro au sujet du retrait de la Pologne du traité d’Istanbul[16]Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique : ce document constitue le premier outil juridique, … Continue reading. Lors de sa ratification, Zbigniew Ziobro avait déclaré que ce document était « une invention, une création féministe qui vise à justifier l’idéologie gay »[17]Marc Santora, « Poland Considers Leaving Treaty on Domestic Violence, Spurring Outcry », The New York times, 27 juillet 2020 [lien].

Son think tank est à l’origine de la « Charte des droits de la famille », qu’ont signé les collectivités locales polonaises dites « LGBT-free zones ».[18]https://www.kartarodzin.pl/  : il est possible de télécharger en anglais en pdf la charte dans l’onglet : “SAMORZĄDOWA KARTA PRAW RODZIN”, en réponse à la charte proposée par le maire de Varsovie, qui souhaitait protégeait la communauté LGBTQIA+ . La « Charte des droits de la famille » ne mentionne pas explicitement la communauté LGBTQIA+ ou l’homosexualité, mais promeut une vision traditionnelle et chrétienne de la famille : « le mariage comme [l’union] entre une femme et un homme », « droit des parents d’élever leurs enfants selon leurs convictions et le droit d’un enfant à être protégé contre la corruption de la morale[19]Ibid ».En réponse à la signature des collectivités de cette charte, l’activiste Bart Staszewski, ainsi que d’autres militants défenseurs de la communauté LGBTQIA+, auraient accroché des pancartes et stickers indiquant en plusieurs langues « zones sans LGBT » à l’entrée des villes concernées.

Le quotidien d’extrême-droite Gazeta Polska a développé l’idée d’autocollants imprimés d’un arc-en-ciel barré (cf. photo ci-dessous), avec l’inscription « zone libre de LGBT[20]Jerzy Baliski, « Pologne. Un magazine, proche du gouvernement, diffuse des autocollants anti-gays », Ouest France, 24 juillet 2019 [lien] ».

En réponse à cela, les journaux d’opposition avaient riposté en publiant des autocollants « zone libre de haine », soutenus par des intellectuels et autres personnalités publiques d’opposition ayant exprimé leur indignation[21]Anna Zielinska, « La croisade des ultra-conservateurs polonais contre « l’idéologie LGBT » », The Conversation, 15 octobre 2020, [lien].

Le think tank a soutenu que ces communes dites « LGBT-free zones » n’étaient que des fake news[22]« Fake news about “LGBT-free zones” results in a proliferation of lies about Poland. Ordo Iuris steps in », , Ordo Iuris publications, Juillet 2020 [lien], colportées par des activistes LGBTQIA+[23]« Another harmful initiative of Bartosz Staszewski. Ordo Iuris in defence of pro-family local authorities », Ordo Iuris publications, Octobre 2020. Les élus locaux concernés par les « LGBT-free zones » n’auraient fait que signer la « Charte des droits de la famille » sans mentionner la communauté LGBTQIA+. Les communes signataires de cette charte auraient donc été nommées « LGBT-free zones » par les activistes, pour dénoncer leur adhésion à ces principes discriminatoires.

c. Les réactions politiques au niveau européen

L’initiative de la « Charte des droits de la famille » a d’abord été saluée au niveau local, puisque le gouverneur de Lublin a décerné des prix aux élus locaux qui avaient endossé des positions contre « l’idéologie LGBT »[24]Sebastian Bialach, Wojewoda przyznał medale za walkę z LGBT. « Homoseksualizm główną przyczyną pedofilii w kościele », Onet Lublin , 16 mai 2019, [lien].

En décembre 2019, le Parlement européen a quant à lui voté une résolution[25]Résolution du Parlement européen du 18 décembre 2019 sur la discrimination publique et le discours de haine à l’égard des personnes LGBTI, notamment les «zones sans LGBTI» … Continue reading condamnant les communes dites « LGBT-free zones », demandant aux autorités polonaises d’intervenir au sujet de ces actes accusés d’attiser le climat de haine, les discriminations ainsi que les attaques à l’encontre de la communauté LGBTQIA+.

En juillet 2020, la Commissaire européenne à l’Égalité Helena Dalli a annoncé que six municipalités polonaises ayant adopté des résolutions sur les « zones sans LGBT[26]Czarek Sokolowski, « EU funding withheld from six Polish towns over « LGBT-free zones », Euronews, Juillet 2020, [lien]» ne recevraient pas les fonds européens prévus dans le cadre du jumelage de villes. En réaction à ces restrictions, le ministère polonais de la Justice a promis à ces collectivités que le budget de l’État compenserait ces pertes.

Les relations entre les autorités polonaises et l’Union européenne se sont donc peu à peu teintées d’animosité. Il existe un fort antagonisme avec l’Europe occidentale et le parti au pouvoir ressent le besoin de protéger la culture polonaise, à l’image d’une certaine « polonité[27]Jan Sowa, Hourras et désarrois, Scènes d’une guerre culturelle en Pologne, dir. Agnieszka Zuk, chapitre : « Fourchettes, végétariens et cyclistes », 2019 ». Le parti PiS s’est construit en établissant des boucs-émissaires, entraînant dans un même mouvement une polarisation de la société polonaise. Cette stratégie à but électoral permet au PiS de gagner les votes de la droite conservatrice et nationaliste, en s’érigeant comme défenseur de « l’identité polonaise ».

1.Pourquoi un climat homophobe si facilement véhiculé en Pologne ?

a. Un pays très divisé : la Pologne A et la Pologne B

Les élections présidentielles de 2020

La société polonaise est très divisée politiquement depuis le début des années 2000, et la création[28]Les deux partis ont été créés en 2001. des deux partis politiques PiS et PO cultive cette tendance.

Un programme anti-LGBTQIA+ a été réactivé plus intensément à l’occasion des élections européennes de 2019[29]Jakub Iwaniuk, «  La communauté LGBT prise pour cible par les ultraconservateurs au pouvoir en Pologne », 9 mai 2019 , Le Monde, 9 mai 2019, [lien] et présidentielles de 2020[30]Samuel Ravier-Regnat, « En Pologne, le PiS attise la haine anti-LGBT », Libération, Juin 2020 [lien]. Cela s’est notamment traduit par la défense du modèle nucléaire de la « famille traditionnelle » et la critique ouverte contre les LGBTQIA+, formulées par le parti PiS. Face à ce parti, PO a choisi Rafał Trzakowski pour candidat, qui s’est révélé être un défenseur de la communauté LGBTQIA+. Cette communauté s’est alors retrouvée au centre du débat politique des élections présidentielles. Krzystof Sobolewski, président du comité exécutif du PiS, a déclaré à l’occasion d’une interview accordée à Polskie Radio : « Nous aurons le choix [lors de ces élections] entre la Pologne blanche et rouge représentée par le président actuel et une Pologne arc-en-ciel [de Trzaskowski][31]Daniel Tilles, « Elections are “a choice between white-and-red Poland and rainbow Poland”, says ruling party official », , Notes from Poland , 20 mai 2020 [lien] ».

Les LGBT-free zones se situent presque exclusivement dans le Sud-Est, territoires largement dominés par le parti PiS depuis les élections de 2015 (voir carte n°1).

Carte n°1 : Résultat des élections législatives de 2019 : un fort soutien au parti PiS à l’Est du pays, et dans les zones rurales
Source : wbdata.pl ; Wojciech Brol
Carte n°2 : « Pologne. Carte des LGBT-free zones.
31% de la population polonaise vit dans des zones qui se sont déclarées libres de « l’idéologie » LGBT. »
Source : Bart Staszewski, photographe et activiste polonais[32]Lgbtfreezones.pl

La polarisation de la société polonaise, exacerbée par les médias

La polarisation de la société polonaise que l’on a pu voir à travers les cartes précédentes, s’explique par le prisme suivant : il y aurait la Pologne A, citadine, jeune et européenne, face à la Pologne B, rurale, vieillissante, conservatrice et catholique.

Depuis les élections de 2005, la scène politique polonaise s’est divisée en deux camps, entrainant une polarisation des médias et de la société. Avec la victoire en 2015 du parti PiS, de nombreuses réformes ont été entamées concernant les médias afin de renforcer le contrôle étatique (à travers les nominations et les financements), et in fine, favoriser les médias pro-gouvernementaux au détriment des groupes privés étrangers. Ainsi, le gouvernement les instrumentalise afin de transmettre ses messages conservateurs à la population et mettre en avant des valeurs patriotiques, notamment par les canaux du groupe de télévision publique Telewizja Polska (TVP)[33]Janek Starzynski, « Pologne : la très controversée loi sur les médias publics est entrée en vigueur », 7 janvier 2016, Le Monde, [lien].

L’ancien vice-premier ministre polonais, Piotr Gliński (PiS), a notamment déclaré : « Dans la presse locale, nous voudrions changer les rapports de propriété. Comme dans le secteur bancaire, on pourra racheter les médias à leurs propriétaires étrangers, si c’est possible, créer nos propres institutions de ce genre ou développer celles qui existent.[34]Sergei Supinsky, « Pologne : réforme des médias publics et « repolonisation » de la presse locale », 15 novembre 2015, L’Express, [lien]». Les principes de liberté de la presse et de pluralisme se voient donc actuellement très menacés[35]Janek Starzynski,« En Pologne, la télévision publique accusée de propagande », 20 mai 2019, RFI [lien] : Reporters sans Frontières déclarait en 2018 que les médias publics polonais « avaient été transformés en porte-parole de la propagande gouvernementale »[36]Dossier « Pologne », Site web de Reporters sans Frontières [lien].

b. Un climat homophobe facilité par la prégnance de l’Église catholique polonaise

Le parti au pouvoir associe le catholicisme à son système de valeurs et à son programme politique, comme le démontre le discours de ses membres, et notamment de Jaroslaw Kaczynski : « La chrétienté est une part de notre héritage national. L’Église était et reste la prédicatrice et détentrice du seul système de valeurs connu en Pologne[37]Discours de J. Kaczynski à Lublin, le 7 septembre 2019 [lien] ». PiS  se pose en unique rempart protégeant l’Église: « Qui lève la main sur l’Église lève la main sur la Pologne »[38]Ibid..

Ce discours témoigne d’une instrumentalisation de l’Église polonaise à but électoraliste. D’une part, une politisation de l’Église s’opère puisque l’identité polonaise est intrinsèquement liée au catholicisme. Selon le discours du PiS, être polonais revient à s’identifier comme catholique. Et être catholique, c’est supporter le PiS. Le parti s’approprie ainsi le vote des fidèles sous couvert de protéger les valeurs découlant de la foi chrétienne.

D’autre part, l’Église polonaise constitue une arme de choix dans le cadre de la guerre culturelle que mène le PiS. Celui-ci se réfère à des valeurs catholiques pour légitimer certaines politiques sociales (augmentation des pensions, allocation pour enfants, cours de religion à l’école).

Par la place que l’Église catholique polonaise a pu avoir par le passé, notamment pendant la période communiste à travers la personnalité du Pape Jean-Paul II, sa place dans la sphère publique est aujourd’hui incontestable. Il n’existe pas de séparation entre l’Église et l’État, comme l’indique le préambule de la Constitution polonaise : « notre culture est enracinée dans l’héritage chrétien de la Nation »[39]Constitution polonaise [lien]. D’ailleurs, les prêtres sont très présents sur la scène politique et soutiennent publiquement le parti PiS, le plus connu étant le père Tadeusz Rydzyk[40]« Pologne : l’empire médiatique du Père Rydzyk », 12 avril 2019, France Culture, [lien].

La haine éprouvée par l’Eglise catholique en Pologne envers la communauté LGBTQIA+ peut s’illustrer à travers les mots de l’archevêque de Cracovie, Marek Jedraszewski, qui compare le régime communiste à la communauté LGBTQIA+ : « Notre terre n’est plus accablée par la peste rouge, ce qui ne signifie pas qu’il n’en existe pas une nouvelle qui veut contrôler nos âmes, nos cœurs et nos esprits. Ce n’est pas une peste marxiste, bolchévique, mais elle est née du même esprit – elle n’est pas rouge, mais arc-en-ciel[41]Tom WHEELDON, « Pologne : la communauté LGBT, cible privilégiée de l’Église et du pouvoir », 13 octobre 2019, France 24, [lien] ».

Conclusion

La « révolution morale » dont parlaient les frères Kaczynski, fondateurs du parti PiS en 2001, a pu triompher via la haine des minorités, en passant par les réfugiés et la communauté LGBTQIA+, pour se rapprocher d’un modèle national christique, quitte à éloigner les indésirables et diviser la société.

Néanmoins, des avancées récentes sont à noter. En janvier 2021, une première ville polonaise a décidé de retirer sa résolution contre « l’idéologie LGBT[42]Daniel Tilles, « Polish town becomes first to withdraw resolution opposing “LGBT ideology” », Notes from Poland , 29 janvier 2021, [lien] ». Peut-être que les contestations politiques de l’opposition, ainsi que l’activisme artistique du militant Bart Staszewski ont eu l’effet escompté : montrer du doigt ceux qui promeuvent la haine et la non-tolérance[43]Juliette Bretan, « Activist signposts Polish towns as “LGBT-free zones” in protest against anti-LGBT resolutions », Notes from Poland, 25 janvier 2020, [lien].

D’autres personnalités politiques se sont par ailleurs révélées être un soutien à la communauté LGBTQIA+, comme Robert Biedron, ouvertement homosexuel, athée, de centre-gauche, végétarien, et anti-charbon. Il est fondateur du parti « Printemps »[44]Roman Su, « Robert Biedron, nouvel espoir du centre gauche en Pologne », Le Monde, 4 février 2019 [lien] et a été candidat aux élections présidentielles de 2020[45]Il n’a obtenu que 2,22% des scrutins..

Dernièrement, la société polonaise a su montrer la force que pouvait constituer l’opposition citoyenne face à ce gouvernement conservateur. Les mobilisations à l’encontre du projet de loi anti-avortement sont un exemple significatif. Celles-ci ont constitué une réelle révolution, montrant une nouvelle image du pays[46]Natasza Quelvennec , « Pologne : Vous avez dit « Avortement » ? Moi, je dis « Révolution » ! » , 19 novembre 2020, Institut du Genre en Géopolitique, [lien].

Pour citer cet article : Audrey Pruvost, “Pologne : La « peste arc en ciel » et les LGBT-free zones, pourquoi un tel climat de haine ? ”, 18.09.2021, Institut du Genre en Géopolitique.

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’auteur.ice.

References

References
1 « Révolution morale » et « bon changement » sont des expressions fréquemment utilisées dans leurs discours politique.
2 « UE / Pologne : les droits des LGBT+ et à l’avortement relégués aux oubliettes ? », FÉDÉRATION INTERNATIONALE POUR LES DROITS HUMAINS, novembre 2018 [lien]
3 Claire Guyot, « Inquiétude sur l’indépendance de la justice en Pologne », La Croix, 17 juillet 2017, [lien]
4 Jakub Iwaniuk, « Les ultraconservateurs polonais vilipendent la « charte LGBT » de Varsovie »,  Le Monde, Mars 2019 [lien]
5 Les Vierges noires sont des effigies féminines qui appartiennent à l’iconographie du Moyen Âge européen. Elles figurent généralement la Vierge Marie.
6 Laure Daussy, « Pologne : des militantes LGBT devant la justice pour blasphème »,  Charlie Hebdo, janvier 2021 [lien]
7 Pétition Amnesty International : « STOP AUX POURSUITES CONTRE ELZBIETA PODLESNA » [lien]
8 https://atlasnienawisci.pl/
9 Le chiffre varie selon les sources entre 75 et 100 zones.
10 Anna Zielenska, « La croisade des ultra-conservateurs polonais contre « l’idéologie LGBT » », The Conversation, octobre 2020[lien]
11 http://en.ordoiuris.pl/who-we-are
12, 38 Ibid.
13 Articles du think tank en faveur du movement pro-vie : https://ordoiuris.pl/pro-life-0
14 Le mouvement pro-vie désigne un mouvement regroupant associations et personnes, souvent proches des mouvements religieux, défendant le « droit à la vie », à travers l’opposition au « droit de l’avortement », à la contragestion, à l’euthanasie, et parfois à certaines formes de contraceptions.
15 La famille nucléaire est un groupe domestique réunissant au même foyer uniquement le père, la mère et les enfants non mariés.
16 Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique : ce document constitue le premier outil juridique, qui a un réel pouvoir de contrainte au niveau européen pour la prévention de la violence, la protection des victimes et la fin de l’impunité des auteurs de violences envers les femmes
17 Marc Santora, « Poland Considers Leaving Treaty on Domestic Violence, Spurring Outcry », The New York times, 27 juillet 2020 [lien]
18 https://www.kartarodzin.pl/  : il est possible de télécharger en anglais en pdf la charte dans l’onglet : “SAMORZĄDOWA KARTA PRAW RODZIN”
19 Ibid
20 Jerzy Baliski, « Pologne. Un magazine, proche du gouvernement, diffuse des autocollants anti-gays », Ouest France, 24 juillet 2019 [lien]
21 Anna Zielinska, « La croisade des ultra-conservateurs polonais contre « l’idéologie LGBT » », The Conversation, 15 octobre 2020, [lien]
22 « Fake news about “LGBT-free zones” results in a proliferation of lies about Poland. Ordo Iuris steps in », , Ordo Iuris publications, Juillet 2020 [lien]
23 « Another harmful initiative of Bartosz Staszewski. Ordo Iuris in defence of pro-family local authorities », Ordo Iuris publications, Octobre 2020
24 Sebastian Bialach, Wojewoda przyznał medale za walkę z LGBT. « Homoseksualizm główną przyczyną pedofilii w kościele », Onet Lublin , 16 mai 2019, [lien]
25 Résolution du Parlement européen du 18 décembre 2019 sur la discrimination publique et le discours de haine à l’égard des personnes LGBTI, notamment les «zones sans LGBTI» (2019/2933(RSP),Mercredi 18 décembre 2019 – Strasbourg
26 Czarek Sokolowski, « EU funding withheld from six Polish towns over « LGBT-free zones », Euronews, Juillet 2020, [lien]
27 Jan Sowa, Hourras et désarrois, Scènes d’une guerre culturelle en Pologne, dir. Agnieszka Zuk, chapitre : « Fourchettes, végétariens et cyclistes », 2019
28 Les deux partis ont été créés en 2001.
29 Jakub Iwaniuk, «  La communauté LGBT prise pour cible par les ultraconservateurs au pouvoir en Pologne », 9 mai 2019 , Le Monde, 9 mai 2019, [lien]
30 Samuel Ravier-Regnat, « En Pologne, le PiS attise la haine anti-LGBT », Libération, Juin 2020 [lien]
31 Daniel Tilles, « Elections are “a choice between white-and-red Poland and rainbow Poland”, says ruling party official », , Notes from Poland , 20 mai 2020 [lien]
32 Lgbtfreezones.pl
33 Janek Starzynski, « Pologne : la très controversée loi sur les médias publics est entrée en vigueur », 7 janvier 2016, Le Monde, [lien]
34 Sergei Supinsky, « Pologne : réforme des médias publics et « repolonisation » de la presse locale », 15 novembre 2015, L’Express, [lien]
35 Janek Starzynski,« En Pologne, la télévision publique accusée de propagande », 20 mai 2019, RFI [lien]
36 Dossier « Pologne », Site web de Reporters sans Frontières [lien]
37 Discours de J. Kaczynski à Lublin, le 7 septembre 2019 [lien]
39 Constitution polonaise [lien]
40 « Pologne : l’empire médiatique du Père Rydzyk », 12 avril 2019, France Culture, [lien]
41 Tom WHEELDON, « Pologne : la communauté LGBT, cible privilégiée de l’Église et du pouvoir », 13 octobre 2019, France 24, [lien]
42 Daniel Tilles, « Polish town becomes first to withdraw resolution opposing “LGBT ideology” », Notes from Poland , 29 janvier 2021, [lien]
43 Juliette Bretan, « Activist signposts Polish towns as “LGBT-free zones” in protest against anti-LGBT resolutions », Notes from Poland, 25 janvier 2020, [lien]
44 Roman Su, « Robert Biedron, nouvel espoir du centre gauche en Pologne », Le Monde, 4 février 2019 [lien]
45 Il n’a obtenu que 2,22% des scrutins.
46 Natasza Quelvennec , « Pologne : Vous avez dit « Avortement » ? Moi, je dis « Révolution » ! » , 19 novembre 2020, Institut du Genre en Géopolitique, [lien]