Promulgation de la loi anti-LGBTI+ en Ouganda : un regard sur les conséquences nationales et sur les enjeux géopolitiques

Temps de lecture : 12 minutes

19/06/2023

Donia Agchar

Le 26 mai dernier, un texte de loi définitif qualifiant l’homosexualité dite « aggravée » de crime capital, menant donc à la peine de mort pour les condamné·es, a été promulgué par le Président ougandais Yoweri Museveni[1]Parliament of Uganda. (2023). President assents Anti-Homosexuality Act. https://www.parliament.go.ug/news/6737/president-assents-anti-homosexuality-act.

La question des droits des personnes LGBTI+ et l’instauration d’une telle législation en Ouganda s’inscrit dans la continuité de politiques LGBTIphobes dans le pays : en mars dernier, alors que le parlement ougandais se penchait sur le nouveau projet de loi visant à criminaliser les relations et les personnes LGBTI+, de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale émergeaient. L’article de Clara Delhaye « La mise en danger croissante des personnes LGBTI+ en Ouganda » retrace cette continuité et permet de mieux comprendre le contexte et les positionnements politiques et idéologiques ayant mené à la promulgation d’une telle loi[2]Delhaye, C. (13 mai 2023). La mise en danger croissante des personnes LGBTI+ en Ouganda. Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=12508. Sa promulgation marque véritablement l’arrêt et l’effondrement des droits des personnes LGBTI+ dans le pays. De ce fait, cette législation, adoptée avec fermeté par les autorités ougandaises, soulève de vives préoccupations quant à ses conséquences tant à l’échelle nationale que régionale.

Quelles sont les conséquences de la promulgation de la loi anti-LGBTI+ pour l’Ouganda et quel en est l’impact géopolitique pour le pays et la région ? 

En réunissant ces différents éléments, cet article vise à offrir une compréhension approfondie des conséquences de la loi anti-LGBTI+ en Ouganda, tout en examinant les enjeux géopolitiques qui en découlent. En éclairant ces aspects clés, l’objectif est de contribuer à une réflexion plus large sur les droits des personnes LGBTI+ et sur les défis liés à la promotion de l’égalité et de la justice sociale.

Comprendre la « loi anti-homosexualité 2023 » en Ouganda : principales dispositions et implications de cette nouvelle législation

La promulgation de la loi du 26 mai 2023 n’est autre que le résultat d’années de politiques anti-LGBTI+ en Ouganda. Alors que les précédents textes condamnent toutes formes d’homosexualité, héritage des anciennes lois coloniales britanniques, cette nouvelle législation introduit des crimes spécifiques liés à l’homosexualité, y compris des termes vagues et largement formulés, tels que la « promotion de l’homosexualité » et l’« homosexualité aggravée », tout deux passibles de peine de mort.

Cependant, en examinant les principales dispositions de cette loi, il devient clair que les implications vont bien au-delà de la simple criminalisation de l’homosexualité.

L’une des dispositions les plus préoccupantes est l’introduction de la notion de « tentative de comportement homosexuel », passible de 10 ans de prison : la formulation vague de ce terme peut alors évoquer une  incompréhension quant à son interprétation et sa mise en application. Comment peut-on prouver une « tentative de comportement homosexuel » ? Quelle est la définition précise de ce concept ? Ces ambiguïtés ouvrent la porte à une répression encore plus lourde, laissant place à une interprétation arbitraire et discriminatoire de la loi.

Un autre point d’intérêt majeur réside dans la notion de « promotion de l’homosexualité » introduite par cette loi. Cette disposition soulève des problématiques cruciales quant aux associations LGBTI+ et aux personnes défendant les droits LGBTI+ sur la scène politique et dans l’espace public. En criminalisant la dite « promotion de l’homosexualité » , la loi porte un coup d’arrêt au militantisme, à la sensibilisation sur les questions LGBTI+ et à la visibilité de cette communauté, car elle proscrit les actions de soutien aux personnes LGBTI+ que devaient prodiguer ces ONG[3]The Guardian. (2023, March 14). LGBTQ crackdowns in Uganda as environment becomes hostile. https://www.theguardian.com/global-development/2023/mar/14/lgbtq-crackdowns-uganda-environment-hostile. Ainsi, les droits fondamentaux tels que la liberté d’expression et d’association sont directement remis en question, entraînant une limitation drastique des efforts visant à promouvoir l’égalité et les droits des personnes LGBTI+ dans le pays.

La « loi anti-homosexualité 2023 » en Ouganda marque donc un tournant alarmant dans la répression des droits des personnes LGBTI+. Non seulement elle criminalise davantage les actes homosexuels, mais elle étend également son emprise aux activités de soutien, de plaidoyer et de militantisme en faveur des droits LGBTI+. En comprenant les principales dispositions de cette loi et en identifiant ses implications, il est alors possible de saisir l’ampleur de la menace qu’elle représente pour la communauté LGBTI+ en Ouganda et pour les défenseur·es des droits humains dans le pays.

Aperçu des réponses et condamnations internationales 

La promulgation de la loi anti-LGBTI+ en Ouganda a suscité de vives réactions au sein de la communauté internationale. La raison principale est la violation flagrante des droits humains à l’encontre des personnes LGBTI+. 

Il est important de noter que le gouvernement de l’Ouganda, en promulguant cette loi, rompt plusieurs engagements en matière d’accords internationaux et de droits humains, pourtant bien garantis par la Constitution du pays, s’exposant ainsi aux répercussions diplomatiques. Parmi ces engagements internationaux, la résolution adoptée en 2014 par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples – condamnant les attaques perpétrées contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre[4]Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. (2019). Résolution sur la protection contre la violence et d’autres violations des droits de l’homme basées sur … Continue reading– mais également la résolution d’avril 2023 du Parlement européen appelant le président Museveni à ne pas approuver le projet de loi anti-homosexualité[5]Parlement européen. 2023. Proposition de résolution sur la situation des droits de l’homme en Ouganda. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/B-9-2023-0222_FR.html. Malgré ces appels clairs, le président a néanmoins donné son approbation à la loi, renforçant ainsi les critiques internationales envers le gouvernement ougandais.

Les gouvernements et dirigeants internationaux ont donc exprimé leur profonde inquiétude et condamnation face à cette loi discriminatoire. Le président américain Joe Biden a qualifié cette législation de « tragique atteinte aux droits humains[6]White House. (2023, May 29). Statement from President Joe Biden on the Enactment of Uganda’s Anti-Homosexuality Act. … Continue reading », allant jusqu’à convoquer le Conseil de sécurité nationale pour évaluer les répercussions sur l’engagement des États-Unis en Ouganda. De son côté, la France a exprimé ses « vives inquiétudes » et a rappelé au gouvernement ougandais que cette loi constitue une violation flagrante des droits humains et des obligations internationales du pays[7]Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. (30 mai 2023). Droits LGBT+ : Loi anti-homosexualité en Ouganda – La France exprime ses plus vives inquiétudes (30.05.23). … Continue reading.

Les organisations internationales de défense des droits humains ont également pris position face à cette loi discriminatoire. L’ONU, par le biais de son Secrétaire Général António Guterres, s’est déclarée « profondément préoccupée[8]Nations Unies. (30 mai 2023). Déclaration du Secrétaire général sur l’adoption de la loi anti-homosexualité en Ouganda [Communiqué de presse] https://press.un.org/fr/2023/sgsm21816.doc.htm » par l’adoption de cette loi et a appelé l’Ouganda à respecter le principe de non-discrimination et le droit à la vie privée, indépendamment de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Amnesty International a qualifié le vote de cette loi de tristement symbolique dans l’histoire des droits des personnes LGBTI+, dénonçant son impact néfaste sur la communauté en Ouganda[9]Amnesty International. (2023, May). President’s Museveni’s approval of anti-LGBTI bill is an assault on human rights. … Continue reading.

La condamnation de la nouvelle loi anti-LGBTI+ en Ouganda semble témoigner d’un consensus international fort répondant aux engagements des Nations unies. Les droits humains LGBTI+ s’inscrivent sous la forme d’obligations juridiques fondamentales des États dans la charte « Nés libres et égaux » du Haut-Commissariat des Nations unies[10]Né libres et égaux : Standards pour la protection des droits des personnes LGBTI. (2012). Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights (OHCHR).  … Continue reading. Alors que l’Ouganda est membre de l’ONU depuis son indépendance en 1962[11]United Nations in Uganda. The UN in Uganda. https://uganda.un.org/en/about/about-the-un, les réactions des gouvernements, des dirigeants internationaux et des organisations de défense des droits humains envoient un message clair selon lequel la discrimination et la violation des droits des personnes LGBTI+ ne sont pas compatibles avec les engagements internationaux que les pays membres de l’organisation se doivent de tenir.

Cependant, au-delà de la simple condamnation, les gouvernements et la communauté internationale sont appelés à prendre des mesures concrètes pour agir en conséquence face à ces discriminations. Les sanctions internationales en réponse à l’adoption de lois anti-LGBTI+ envoient un message fort selon lequel la communauté internationale ne tolérera pas les violations des droits humains et mettent en évidence l’importance de respecter les principes de non-discrimination, d’égalité et de liberté d’orientation sexuelle et d’identité de genre, tels que cités par le Secrétaire général de l’ONU.

Les États-Unis, qui fournissent une aide importante en matière de santé et de développement à l’Ouganda (plus de 950 millions de dollars par an), ont envisagé des sanctions économiques en réponse à l’adoption de cette loi[12] U.S. Relations With Uganda – United States Department of State. (18 mars 2022). United States Department of State. https://www.state.gov/u-s-relations-with-uganda/. Le président Joe Biden a appelé le Conseil de sécurité nationale américain (NSC) à appliquer diverses sanctions, notamment concernant les délivrances de visa et le plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR), ainsi que d’autres formes d’assistance et d’investissement. L’éligibilité de l’Ouganda à la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) pourrait également être remise en question si la loi n’est pas abrogée. Ces sanctions pourraient avoir un impact significatif sur l’économie du pays, mais également sur les populations locales.

L’aide au développement et les financements internationaux jouent un rôle crucial dans l’économie de l’Ouganda. Entre 1990 et 2006, les aides étrangères représentaient en moyenne 11 % du PIB national[13]UNU-WIDER. (2021). The impact of foreign aid on the fiscal behaviour of the Ugandan government. https://www.wider.unu.edu/publication/impact-foreign-aid-fiscal-behaviour-ugandan-government. L’Agence française de développement (AFD) soutient également des investissements dans des secteurs clés tels que l’eau potable, les énergies renouvelables et la protection du patrimoine naturel de l’Ouganda[14]Agence Française de Développement (AFD). (12 Septembre 2019). Ouganda https://www.afd.fr/fr/page-region-pays/ouganda.

Les conséquences diplomatiques et économiques de cette loi discriminatoire auront un fort impact pour l’Ouganda. Les sanctions économiques et la réduction de l’aide au développement envoient un message clair aux autorités ougandaises, indiquant que la communauté internationale ne tolérera pas les violations des droits humains et que des mesures seront prises pour défendre les droits des personnes LGBTI+.

Criminalisation des relations homosexuelles : des conséquences directes sur les systèmes de  santé publique ougandais

Il est légitime de se demander quelles seront les répercussions d’une telle loi sur l’ensemble du système de santé du pays, en particulier concernant l’accès aux soins pour les personnes LGBTI+. Des questions se posent alors quant à la stigmatisation et les discriminations pouvant mener à l’impossibilité des personnes concernées de recevoir les outils et les soins nécessaires à la prévention et aux traitements contre le VIH, malgré les progrès notables réalisés ces dernières années dans la prévention du virus[15]Données de la Banque Mondiale. (2021) Incidence du VIH (% de la population de 15 à 49 ans) – Ouganda. https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SH.HIV.INCD.ZS?locations=UG. 

Le VIH représente un problème crucial au sein des systèmes de santé en Ouganda. L’épidémie, qui a culminé dans les années 1980 et 1990, a entraîné des taux élevés de prévalence du VIH et des conséquences sanitaires et sociales considérables, notamment via la transmission mère-enfant du virus dès la naissance. En 2016, ce taux était de 466 transmissions pour 100,000[16]UNICEF Uganda (n.d.). HIV and AIDS. https://www.unicef.org/uganda/what-we-do/hiv-aids personnes contre un objectif de 50 pour 100,000.  Le système de santé ougandais a donc dû réagir en développant des infrastructures, en renforçant les services de santé et en déployant des efforts de prévention pour lutter contre la propagation du VIH et fournir des soins et un soutien aux personnes touchées par l’épidémie.

Dans un communiqué conjoint, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’ONUSIDA et le PEPFAR soulignent cette importance des systèmes de santé solides établis pour soutenir la prévention et la riposte au VIH, bénéficiant alors à l’ensemble de la population ougandaise[17]Fonds mondial, ONUSIDA et PEPFAR. (29 Mai 2023). Déclaration conjointe des dirigeants du Fonds mondial, de l’ONUSIDA et du PEPFAR sur la loi contre l’homosexualité votée par l’Ouganda en … Continue reading. Les progrès notables de l’Ouganda face à la prévention et à la gestion du VIH sont également salués et qualifiés comme étant « exemplaires ». Ces systèmes, qui se sont avérés cruciaux pendant la pandémie de COVID-19, jouent un rôle essentiel dans le maintien d’un système de santé solide en Ouganda. 

De plus, cette nouvelle législation anti-LGBTI+ a des conséquences directes sur les programmes de prévention et d’éducation sexuelle. La criminalisation des relations homosexuelles fait de ce sujet un tabou, car il relève directement d’un fait institutionnellement criminalisé. Par conséquent, cela empêche les discussions et l’éducation sexuelle, notamment en ce qui concerne la prévention des MST/IST, y compris le VIH – constituant un risque sanitaire pour le pays. Cette situation expose donc particulièrement les populations LGBTI+ les plus vulnérables, notamment les jeunes, à l’exclusion des systèmes de santé et à la stigmatisation[18]Mukombozi R. (7 février 2023). Don’t treat homosexuals in our facilities, says Maj Gen Takirwa. Monitor. … Continue reading. 

En outre, les personnes victimes de cette discrimination et de cet environnement hostile sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé tels que la dépression, l’anxiété et d’autres troubles. Il est donc crucial de reconsidérer cette législation discriminatoire afin de promouvoir une société inclusive et de garantir l’accès équitable à des soins de santé de qualité pour tous.

Entre influence et incidence : les répercussions régionales de l’adoption de cette loi

L’adoption de lois anti-LGBTI+ en Ouganda ne se limite pas aux frontières du pays, mais a également des répercussions régionales, avec un potentiel d’influence sur les pays voisins qui risquent d’adopter des législations similaires.

L’influence régionale de l’Ouganda est un facteur déterminant dans cette dynamique. Le pays exerce une véritable influence au sein de l’Afrique de l’Est, notamment au sein de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, East African Community), à la fois sur le plan économique et politique. La philosophie panafricaniste, qui englobe et soutient la résistance légitime à l’oppression, s’est manifestée par le soutien financier et politique apporté par l’Ouganda aux mouvements de libération nationale africains dans des pays tels que le Soudan, le Rwanda et la République démocratique du Congo[19]Murray, E., Mesfin, B., & Wolters, S. (Septembre 2016). WEAK UGANDAN DEMOCRACY, STRONG REGIONAL INFLUENCE. Peaceworks. … Continue reading. Cette influence accrue au sein de la région pourrait affaiblir les efforts régionaux des militant·es LGBTI+ visant à promouvoir l’inclusion, la diversité et l’égalité, mettant ainsi en péril les initiatives régionales en matière de droits humains et des droits des personnes LGBTI+. Ainsi, ces avancées pourraient être remises en question voire totalement exclues du débat public, entraînant un recul des droits LGBTI+ et exacerbant les défis en matière de droits humains dans la région.

Cette adoption peut créer un effet de « contagion législative », normalisant ainsi une idéologie LGBTIphobe dans la région[20]Bhalla, N. (14 mars 2023). FEATURE-LGBTQ+ Kenyans and Ugandans hide from wave of homophobic abuse. Reuters. https://www.reuters.com/article/uganda-lgbt-hatecrime-idUSL4N3584J1. Cela a déjà été le cas lors de l’adoption de la loi anti-LGBTI+ en Ouganda en 2014, connue sous le nom de « Kill Gay Act », ayant alors suscité la mise en place de législations similaires dans les pays voisins tels que le Nigéria et la Gambie quelques temps après[21]Reporter, G. S. (2017, November 30). Nigeria’s president signs law imposing up to 14 years’ jail for gay relationships. The Guardian. … Continue reading [22]Gambia’s National Assembly Passes Anti-Gay Bill. (2022, December 13). Human Rights First. https://humanrightsfirst.org/library/gambias-national-assembly-passes-anti-gay-bill/. Certains groupes conservateurs, à la fois politiques et religieux, ont exercé des pressions sur leurs gouvernements respectifs afin d’envisager des législations similaires, citant l’Ouganda comme un exemple à suivre. Cette propagation des lois discriminatoires dans une région où les normes et la protection des droits humains sont déjà fragiles peut donner l’impression que ces lois sont acceptables ou encouragées[23]Njuki, R. (2023, June 7). Why Uganda’s Anti-LGBTQ Law Is Bad for Africa. Opinion. Newsweek. https://www.newsweek.com/why-ugandas-anti-lgbtq-law-bad-africa-opinion-1804599.

L’influence régionale de l’Ouganda est un facteur déterminant dans cette dynamique. Le pays exerce une véritable influence au sein de l’Afrique de l’Est, notamment au sein de la communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, East African Community), à la fois sur le plan économique et politique. La philosophie panafricaniste, qui englobe et soutient la résistance légitime à l’oppression, s’est manifestée par le soutien financier et politique apporté par l’Ouganda lors des mouvements de libération nationale africains dans des pays tels que le Soudan, le Rwanda et la République démocratique du Congo[24]Murray, E., Mesfin, B., & Wolters, S. (Septembre 2016). WEAK UGANDAN DEMOCRACY, STRONG REGIONAL INFLUENCE. Peaceworks. … Continue reading. Cette influence accrue au sein de la région pourrait affaiblir les efforts régionaux visant à promouvoir l’inclusion, la diversité et l’égalité, mettant ainsi en péril les initiatives régionales en matière de droits humains et des droits des personnes LGBTI+. Ainsi, ces avancées pourraient être remises en question voire totalement exclues du débat public, entraînant un recul des droits LGBTI+ et exacerbant les défis en matière de droits humains dans la région.

De plus, les lois LGBTIphobes et la répression expressément menée à leur égard incite les concerné·es à émigrer vers des pays voisins afin d’éviter la menace en Ouganda cherchant alors l’asile et la protection[25]Allison, B. P. (2023, May 4). Uganda anti-gay laws: Beaten and forced to flee for being LGBT. BBC News. https://www.bbc.com/news/newsbeat-65455631. La question de la protection des droits et de la sécurité des demandeur·ses d’asile LGBTI+ se pose donc. 

Les organisations humanitaires doivent faire face à un flux migratoire non seulement en provenance de l’Ouganda, mais également d’autres pays de la région des Grands Lacs, tels que le Burundi, où les actes homosexuels sont illégaux, ainsi que la République démocratique du Congo et le Rwanda, où les personnes LGBTI+ ne sont soumises à aucune protection constitutionnelle face à leur discrimination[26]Sinclair, D., & Sinatti, G. (2021, September 28). Re-thinking protection for LGBTI refugees in Kampala, Uganda: A Relational, trust-based approach. OUP Academic. … Continue reading. Les personnes LGBTI+ de ces pays font donc face, tout comme en Ouganda, à de graves discriminations[27]Maps of anti-LGBT Laws Country by Country. (n.d.). Humans Right Watch. https://features.hrw.org/features/features/lgbt_laws/ [28]Ferragamo, M. (2023, June 13). Africa’s Struggle Toward Inclusive LGBTQ+ Laws. Council on Foreign Relations. https://www.cfr.org/article/africas-struggle-toward-inclusive-lgbtq-laws. Cette situation complexe amène les personnes à chercher refuge ailleurs et entrave les possibilités d’asile au sein même de la région. 

Se pose alors la question du refuge en Occident. Le thème de l’immigration et des capacités d’accueil prend de plus en plus de place dans le débat public en Europe, et en vient à inclure les problématiques concernant le droit d’asile et le refuge pour les personnes LGBTI+, victimes de persécutions. En Grande-Bretagne par exemple, la loi sur l’immigration illégale (Illegal Migration Bill) est actuellement débattue au Parlement britannique. Dans ce contexte, la députée Nadia Whittome a souligné la nécessité d’accueillir les réfugiés ougandais qui fuient la nouvelle législation LGBTIphobe[29]MP Whittome N. (2023). Nadia Whittome MP : “The Illegal Migration Bill is an attack on the right to seek asylum in the UK”. GAY TIMES. … Continue reading. L’asile pour les personnes LGBTI+ victimes de persécutions devient donc un enjeu important dans le débat public occidental sur les migrations, et souligne encore une fois le besoin crucial de collaborer entre les gouvernements et organisations internationales afin de garantir la sécurité des personnes concernées.

Bâtir un avenir inclusif : le besoin de collaborer pour garantir la protection des personnes LGBTI+ en Ouganda 

Dans le cas de l’Ouganda, pays fortement dépendant des aides étrangères, il est primordial de reconnaître le rôle crucial des gouvernements et de la diplomatie dans le processus de condamnation de ces lois discriminatoires. Alors que la loi a été promulguée le 26 mai 2023, d’éventuelles mesures de la part de la communauté internationale pourraient être attendues, telles que des sanctions économiques plus accrues si la loi n’est pas abrogée.

Un exemple concret illustrant le pouvoir des sanctions économiques internationales sur les gouvernements est celui du Brunei qui, en 2019, a adopté des lois anti-LGBTI+. Face à cette situation, la communauté internationale a réagi en appelant au boycott des entreprises liées au gouvernement brunéien, notamment dans le secteur hôtelier[30]Philip, B. (13 mai 2019). Face aux menaces de boycott, le sultan de Brunei poussé à un compromis sur la charia. Le Monde. … Continue reading. Cette mobilisation a eu un impact majeur en exerçant une pression significative sur le gouvernement pour revoir ces lois discriminatoires, qui ont finalement été abrogées. Cela démontre que les sanctions économiques ont un réel pouvoir de pression sur les gouvernements.

Il est légitime de se questionner sur l’éventuelle réaction du gouvernement de Museveni, connu pour son hostilité envers la communauté LGBTI+, ainsi que sur les conséquences à long terme qu’une telle mise en œuvre de sanctions pourrait engendrer en Ouganda et dans la région. 

Pour citer cet article : Donia Agchar (2023). Promulgation de la loi anti-LGBTI+ en Ouganda : un regard sur les conséquences nationales et sur les enjeux géopolitiques. Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=13223

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.

References

References
1 Parliament of Uganda. (2023). President assents Anti-Homosexuality Act. https://www.parliament.go.ug/news/6737/president-assents-anti-homosexuality-act
2 Delhaye, C. (13 mai 2023). La mise en danger croissante des personnes LGBTI+ en Ouganda. Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=12508
3 The Guardian. (2023, March 14). LGBTQ crackdowns in Uganda as environment becomes hostile. https://www.theguardian.com/global-development/2023/mar/14/lgbtq-crackdowns-uganda-environment-hostile
4 Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. (2019). Résolution sur la protection contre la violence et d’autres violations des droits de l’homme basées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. https://achpr.au.int/fr/adopted-resolutions/275-resolution-sur-la-protection-contre-la-violence-et-dautres-violations-des
5 Parlement européen. 2023. Proposition de résolution sur la situation des droits de l’homme en Ouganda. https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/B-9-2023-0222_FR.html
6 White House. (2023, May 29). Statement from President Joe Biden on the Enactment of Uganda’s Anti-Homosexuality Act. https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/05/29/statement-from-president-joe-biden-on-the-enactment-of-ugandas-anti-homosexuality-act/
7 Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. (30 mai 2023). Droits LGBT+ : Loi anti-homosexualité en Ouganda – La France exprime ses plus vives inquiétudes (30.05.23). https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ouganda/evenements/article/droits-lgbt-loi-anti-homosexualite-en-ouganda-la-france-exprime-ses-plus-vives
8 Nations Unies. (30 mai 2023). Déclaration du Secrétaire général sur l’adoption de la loi anti-homosexualité en Ouganda [Communiqué de presse] https://press.un.org/fr/2023/sgsm21816.doc.htm
9 Amnesty International. (2023, May). President’s Museveni’s approval of anti-LGBTI bill is an assault on human rights. https://www.amnesty.org/en/latest/news/2023/05/presidents-musevenis-approval-of-anti-lgbti-bill-is-a-assault-on-human-rights/
10 Né libres et égaux : Standards pour la protection des droits des personnes LGBTI. (2012). Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights (OHCHR).  https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Publications/BornFreeAndEqualLowRes_FR.pdf
11 United Nations in Uganda. The UN in Uganda. https://uganda.un.org/en/about/about-the-un
12  U.S. Relations With Uganda – United States Department of State. (18 mars 2022). United States Department of State. https://www.state.gov/u-s-relations-with-uganda/
13 UNU-WIDER. (2021). The impact of foreign aid on the fiscal behaviour of the Ugandan government. https://www.wider.unu.edu/publication/impact-foreign-aid-fiscal-behaviour-ugandan-government
14 Agence Française de Développement (AFD). (12 Septembre 2019). Ouganda https://www.afd.fr/fr/page-region-pays/ouganda
15 Données de la Banque Mondiale. (2021) Incidence du VIH (% de la population de 15 à 49 ans) – Ouganda. https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SH.HIV.INCD.ZS?locations=UG
16 UNICEF Uganda (n.d.). HIV and AIDS. https://www.unicef.org/uganda/what-we-do/hiv-aids
17 Fonds mondial, ONUSIDA et PEPFAR. (29 Mai 2023). Déclaration conjointe des dirigeants du Fonds mondial, de l’ONUSIDA et du PEPFAR sur la loi contre l’homosexualité votée par l’Ouganda en 2023 [Communiqué de presse] https://www.theglobalfund.org/fr/news/2023/2023-05-29-joint-statement-by-the-leaders-global-fund-unaids-pepfar-uganda-anti-homosexuality-act-2023/
18 Mukombozi R. (7 février 2023). Don’t treat homosexuals in our facilities, says Maj Gen Takirwa. Monitor. https://www.monitor.co.ug/uganda/news/national/don-t-treat-homosexuals-in-our-facilities-says-maj-gen-takirwa-4114502
19, 24 Murray, E., Mesfin, B., & Wolters, S. (Septembre 2016). WEAK UGANDAN DEMOCRACY, STRONG REGIONAL INFLUENCE. Peaceworks. https://www.usip.org/sites/default/files/PW120-Weak-Ugandan-Democracy-Strong-Regional-Influence.pdf
20 Bhalla, N. (14 mars 2023). FEATURE-LGBTQ+ Kenyans and Ugandans hide from wave of homophobic abuse. Reuters. https://www.reuters.com/article/uganda-lgbt-hatecrime-idUSL4N3584J1
21 Reporter, G. S. (2017, November 30). Nigeria’s president signs law imposing up to 14 years’ jail for gay relationships. The Guardian. https://www.theguardian.com/world/2014/jan/13/nigerian-president-signs-anti-gay-law
22 Gambia’s National Assembly Passes Anti-Gay Bill. (2022, December 13). Human Rights First. https://humanrightsfirst.org/library/gambias-national-assembly-passes-anti-gay-bill/
23 Njuki, R. (2023, June 7). Why Uganda’s Anti-LGBTQ Law Is Bad for Africa. Opinion. Newsweek. https://www.newsweek.com/why-ugandas-anti-lgbtq-law-bad-africa-opinion-1804599
25 Allison, B. P. (2023, May 4). Uganda anti-gay laws: Beaten and forced to flee for being LGBT. BBC News. https://www.bbc.com/news/newsbeat-65455631
26 Sinclair, D., & Sinatti, G. (2021, September 28). Re-thinking protection for LGBTI refugees in Kampala, Uganda: A Relational, trust-based approach. OUP Academic. https://academic.oup.com/rsq/article/41/1/26/6377251
27 Maps of anti-LGBT Laws Country by Country. (n.d.). Humans Right Watch. https://features.hrw.org/features/features/lgbt_laws/
28 Ferragamo, M. (2023, June 13). Africa’s Struggle Toward Inclusive LGBTQ+ Laws. Council on Foreign Relations. https://www.cfr.org/article/africas-struggle-toward-inclusive-lgbtq-laws
29 MP Whittome N. (2023). Nadia Whittome MP : “The Illegal Migration Bill is an attack on the right to seek asylum in the UK”. GAY TIMES. https://www.gaytimes.co.uk/originals/nadia-whittome-mp-the-illegal-migration-bill-is-an-attack-on-the-right-to-seek-asylum-in-the-uk/
30 Philip, B. (13 mai 2019). Face aux menaces de boycott, le sultan de Brunei poussé à un compromis sur la charia. Le Monde. https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/13/le-sultan-de-brunei-pousse-a-un-compromis-sur-la-charia_5461213_3210.html