Apolline Legras
29/01/2024
Après la chute du mur de Berlin, la Mongolie est entrée dans une phase de transition postsocialiste, caractérisée par le passage vers l’économie de marché et la démocratie. Cette dernière a permis au pays de connaître une relative stabilité économique. Toutefois, en dépit de l’important taux de croissance dû à l’exploitation de ressources minières, les inégalités sociales se sont creusées[1]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
En outre, l’effondrement structurel de l’idéologie socialiste a poussé la Mongolie à redéfinir son identité nationale et les rapports de genre existant au sein de la société mongole. Les femmes mongoles ont réinvesti le pouvoir qu’elles avaient acquis durant la période socialiste, par le biais de l’accès à l’éducation et à la sphère publique et politique. Elles ont ainsi pris part dans les négociations relatives aux stratégies d’alliances matrimoniales. En cela, elles ont contourné les valeurs androcentriques de la société mongole.
La transformation idéologique et sociale, qu’a connue la Mongolie à partir des années 1990, a été l’occasion pour les femmes d’essayer de s’affranchir des schémas familiaux traditionnels. La capacité des femmes à redéfinir leur place dans un contexte de mutations politiques, économiques et sociales a entraîné un changement substantiel dans la perception qu’elles ont eu de la place qui leur avait été attribuée par diverses normes formelles et informelles. Si l’émancipation des femmes mongoles comporte une dimension individuelle, propre aux expériences personnelles de chacune d’entre elles, elle renvoie aussi à une transformation globale des dynamiques sociales.
Toutefois, la navigation des femmes mongoles dans ce nouvel espace social s’est heurtée aux attentes contradictoires liées au mélange paradoxal de continuité et de changement, qui caractérise la société mongole postsocialiste. Si la société mongole a tenté de se réinventer au sein de cette nouvelle réalité, elle a aussi milité pour la préservation de valeurs traditionnelles, s’opposant à l’émancipation des femmes.
Afin de résoudre cette opposition, les femmes mongoles ont eu recours à une recomposition idéologique, renvoyant à des stratégies d’adaptation et de déviance, dont l’objectif est de lutter contre les pressions matérielles et symboliques qu’elles subissent. En cela, elles peuvent être qualifiées de « déviantes ». Elles ont notamment eu recours à l’émigration, d’après l’Organisation de coopération et de développement économique, en 2010, il y avait environ 1,12 million de personnes nées en Mongolie vivant à l’étranger. Parmi elles, environ 51% étaient des femmes, soit environ 577 000 femmes mongoles[2]International Migration Outlook (2010) Organisation for Economic Co-operation and Development. https://doi.org/10.1787/migr_outlook-2010-en. En outre, selon une étude de l’Université nationale de Mongolie, en 2022, il y avait environ 700 000 femmes mongoles vivant à l’étranger[3](n.a.)(2022) Survey on Mongolian Women Living Abroad, National University of Mongolia. https://www.num.edu.mn/en/.
Dans quelle mesure « la fuite des femmes » en Mongolie est-elle un outil silencieux de lutte pour l’émancipation sociale ?
La place des femmes dans la société mongole comme résultat de superposition de modèles idéologiques
Le monde postsocialiste renvoie à un mélange complexe de culture nomade, d’idéologie socialiste et de libéralisme. Chacun de ces paradigmes véhicule des stéréotypes genrés et des attentes spécifiques concernant les femmes. De fait, les femmes mongoles ont dû inventer des stratégies de contournement propres à chacun de ces modèles sexués et sexuels. Ces stratégies sont le reflet d’une importante capacité d’adaptation et de réappropriation d’un système de normes et de valeurs en constante évolution et pluriel[4]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
La représentation des femmes dans l’Histoire et la culture mongoles est issue d’une synthèse entre la culture nomade et l’organisation sociale féodale. La culture nomade est marquée par l’exclusion des femmes de la vie publique, elles sont confinées à la sphère privée et réduites à leur rôle de mère. Cela renvoie à une forme de réification[5]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
La division du travail, au sein de la société mongole traditionnelle, s’appuie sur un modèle de « complémentarité des sexes ». La tradition pastorale nomade est caractérisée par une infantilisation des femmes, qui sont réduites au statut de « cadette » par rapport aux hommes[6]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. Les hommes sont chargés des relations sociales et des activités extérieures à la sphère domestique. Ils exercent ainsi une domination sur la circulation des femmes, la socialisation des hommes mongols insiste, en outre, sur la nécessité de constamment renouveler le contrôle que les hommes exercent sur les femmes[7]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
Dans le cas de l’élevage mobile, répandu dans les zones rurales du pays, les hommes sont responsables du pâturage du bétail, tandis que les femmes sont responsables de la traite du bétail, de la transformation du lait en produits laitiers et du soin des enfants. L’élevage est considéré, au sein de la société mongole, comme un véritable mode de vie, dépassant le cadre d’une simple activité commerciale. Il est organisé autour de normes informelles et des croyances spécifiques, englobant les questions relatives au rapport de genre[8]Ahearn, A. (2018) Winters without women: social change, split households and gendered labour in rural Mongolia, Gender Place and Culture A Journal of Feminist Geography 25(1):1-17. DOI: … Continue reading.
De fait, les actions et les pratiques attribuées à chaque genre sont à l’origine de l’émergence d’une division spatiale au sein du foyer mongol[9]Ahearn, A. (2018) Winters without women: social change, split households and gendered labour in rural Mongolia, Gender Place and Culture A Journal of Feminist Geography 25(1):1-17. DOI: … Continue reading.
L’avènement du libéralisme a permis à la société mongole de questionner la sexualisation des corps. D’après l’anthropologue français Didier Fassin, les femmes mongoles ont été confrontées à « un double processus de subjectivation et d’assujettissement » [10]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. Ce dernier est composé de deux éléments, d’une part une opposition entre la construction de soi, liée à une prise de distance vis-à-vis des obligations familiales et à la prépondérance des libertés individuelles, et d’autre part, la soumission à l’État, associée à l’exigence traditionnelle de la fécondité, liée à un nationalisme protectionniste et viril[11]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
Toutefois la sexualité est détachée du mariage, le fait pour une femme mongole d’avoir un enfant hors mariage lui permet d’accéder au statut d’adulte au sein de sa communauté. En conséquence, les femmes mongoles subissent une importante pression symbolique liée à la maternité, qui apparaît être une condition nécessaire pour les femmes souhaitant participer aux prises de décisions communautaires[12]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
Au surplus, si les femmes mongoles ont été au cœur de l’élaboration de nombreux projets de lois durant la transition démocratique, leurs apports ont été invisibilisés au sein du paysage intellectuel et politique mongol[13]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. La transition démocratique a débuté avec les manifestations populaires de 1990 qui ont conduit à la fin du régime communiste en Mongolie et à l’établissement d’un système politique multipartite. En outre, les femmes mongoles étaient présentes dans les réunions clandestines qui ont impulsé la transition, prônant la démocratisation et l’ouverture du système politique mongol aux femmes. Néanmoins, la demande d’instauration de quotas dans les partis politiques n’a pas été écoutée. Ainsi, en 2020 seules 17,1% des membres du Parlement étaient des femmes, ce pourcentage est inférieur à la moyenne mondiale qui s’élève à 24,9%[14]UNDP (20/04/2021). Mongolia to receive boost in increasing gender equality in decision-making levels. … Continue reading.
Le départ à l’étranger des femmes mongoles, outil de lutte contre les pressions matérielles et symboliques nationales
La société mongole a connu une restructuration socio-économique qui a permis l’accession des femmes au statut de « cheffe de famille ». La période socialiste a été marquée par une politique démographique ayant pour objectif de transformer la Mongolie en un État industriel moderne. La politique démographique renvoie à une augmentation de la taille de la population et à sa concentration autour d’infrastructures économiques et sociales données. Elle est composée d’un volet de politiques pronatalistes, ainsi que d’un volet de politiques d’urbanisation. Elle trouve sa raison d’être dans les enjeux sécuritaires auxquels la Mongolie a dû faire face en conséquence de sa situation géographique. En effet, le pays a de longues frontières susceptibles d’être traversées par ses voisins et sa population est dispersée sur le territoire[15]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
Si la politique démographique avait pu empêcher l’entrée et la participation des femmes dans la sphère publique, cela n’a pas été le cas, car elle a été accompagnée des premiers investissements majeurs dans les politiques d’éducation des filles. Le but était d’améliorer les capacités de la main-d’œuvre mongole. En outre, la création de services de garde d’enfants a aussi encouragé l’entrée des femmes dans l’emploi formel[16]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
Toutefois, de fortes tensions entre le statut et les droits des femmes à l’emploi et les injonctions familiales sont apparues, à l’instar de la mise en place d’incitations et de « récompenses » pour les femmes avec de nombreux enfants, comme la retraite anticipée à 45 ans[17]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. La participation professionnelle des femmes n’a, de fait, pas diminué leur charge de travail domestique[18]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading, en Asie et dans le Pacifique, les femmes y consacrent 4,1 fois plus de temps que les hommes[19]Magee, D. (2022). Impact of Gender Inequality on Long-Term Economic Growth in Mongolia, ADB East Asia Working Paper Serie, 56. DOI: http://dx.doi.org/10.22617/WPS220574-2.
L’importance de l’éducation, durant la période socialiste, est liée à la volonté de construire un État moderne. Entre 1921 et 1950, l’objectif du gouvernement était d’éliminer l’analphabétisme au travers de l’édification d’un réseau d’infrastructures publiques. Les frais de scolarité ainsi que ceux de pension ont alors été supprimés. En outre, des internats ont été construits dans les régions rurales du pays, afin de réduire les inégalités sociospatiales et permettre un accès égal à l’éducation à l’ensemble des enfants mongol·es[20]Luvsansharav, Ö. (2006) Rapid assessment of sex work in UB city, Ulaanbaatar, NAF, Global Found, 19. https://doi.org/10.3917/lhs.189.0107.
Durant cette période, des acquis juridiques connexes à l’éducation ont aussi été obtenus, à l’image de la Constitution de 1924 qui accorde des droits égaux à tous les citoyen·es mongol·es, sans distinction d’origine, de religion ou de sexe, ou encore de la loi de 1925 interdisant les mariages arrangés. Ces instruments juridiques renvoient à une remise en cause de la subordination des femmes à leurs parents[21]Luvsansharav, Ö. (2006) Rapid assessment of sex work in UB city, Ulaanbaatar, NAF, Global Found, 19. https://doi.org/10.3917/lhs.189.0107.
De plus, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1976, qui a été ratifié par la Mongolie, prévoit l’équité entre les sexes, ainsi qu’un taux de scolarisation élevé en primaire et dans le secondaire. Il s’agit d’une rupture avec les normes et les coutumes traditionnelles mongoles, qui faisaient obstacle à l’entrée des femmes dans la sphère publique depuis l’époque féodale[22]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
La période de transition (1990-1995) se caractérise par une augmentation de la déscolarisation, cette dernière a majoritairement touché les garçons. Les hommes ont alors perdu leur statut de « soutien de famille », qui est revenu aux femmes. En 2001, 10% des « chef·fe de famille » étaient des femmes et entre 1995 et 1998 les logements occupés par des femmes ont augmenté de 27%[23]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf. Les modifications des rôles sociaux dans les ménages mongols s’expliquent notamment par la privatisation du bétail de 1991, qui a permis à de nombreuses femmes bergères de devenir les principales sources de revenus de leur famille. Ainsi, dans la région du Bulgan, en 2003, 700 hommes étaient chefs de famille et 1 400 femmes avaient le même statut. Cette tendance s’est prolongée, en 2021 le nombre de femmes cheffes de famille dans cette région a atteint 3 955, tandis que le nombre d’hommes chefs de famille ne s’élevait plus qu’à 506[24]Office national de statistique de Mongolie (2024) Chef de famille par genre et par région. https://www.nso.mn/en/statistic/statcate/573051/table-view/DT_NSO_3300_044V1.
De plus, au cours de cette période le nombre de divorces a considérablement augmenté, bien qu’ils aient été sous-estimés par les statistiques officielles, car les mariages en Mongolie ne sont pas systématiquement enregistrés[25]Office national de statistique de Mongolie (2024) Chef de famille par genre et par région. https://www.nso.mn/en/statistic/statcate/573051/table-view/DT_NSO_3300_044V1. À partir de 2003, le gouvernement a commencé à collecter des données concernant les femmes cheffes de famille, d’après le Service national d’informations statistiques près de 73% des chef·fes de famille seul·es étaient des femmes entre 2003 et 2014[26]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
Toutefois, au cours de la période de transition postsocialiste, le gouvernement a diminué le budget alloué à l’éducation, ce dernier représentait 10% du PIB en 1989, mais ne s’élevait qu’à 5% du PIB en 1998[27]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf. En conséquence, la part du coût de l’éducation qui revenait aux familles a significativement augmenté. Dès lors, les familles ont procédé à l’évaluation du coût d’opportunité de la scolarisation de leurs enfants, cela renvoie au rendement social, psychologique et économique perçu dans l’éducation. D’après le Programme de développement des Nations unies (PNUD), en 1998 10% des dépenses des ménages mongols étaient consacrés à l’éducation[28]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
Les femmes sont devenues majoritaires dans les fonctions intellectuelles, en 1996, 70% des avocat·es étaient des femmes. En outre, la diffusion des moyens de contraception, ainsi que la légalisation de l’avortement en 1989, leur ont permis de continuer à être sexuellement actives sans compromettre leur carrière professionnelle. Toutefois, les fonctions les plus socialement valorisées sont restées l’apanage des hommes[29]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. Cette tendance s’est poursuivie puisqu’en 2021 l’indice d’égalité de genre ne s’élevait qu’à 0,36[30]Office national de statistique de Mongolie (2024) Indice d’inégalité de genre. https://www.nso.mn/en/statistic/statcate/573085/table-view/DT_NSO_2700_004V1.
En outre, les femmes mongoles ont constitué le groupe le plus résistant face à l’inflation, qui a atteint 500% durant les crises de transition économique des années 1990. Elles sont aussi devenues une force de travail essentielle pour l’économie mongole par le biais de leur accession aux emplois formels[31]Tsedevdamba, O. (2016). The Secret Driving Force Behind Mongolia’s Successful Democracy, Women, peace & inclusive security, 6(1), 140-153. https://www.jstor.org/stable/10.2307/26470437.
Néanmoins, à partir de la fin des années 2010, le gouvernement mongol a permis un important développement en matière d’éducation, notamment préscolaire. Ainsi, en 2020, 74% des enfants âgé·es de 3 à 5 ans ont pu bénéficier de lieux d’instruction et de la présence d’enseignant·es qualifié·es. Le but du gouvernement est désormais de toucher les 26% d’enfants restant au travers de politiques nationales d’éducation[32]Institut international de planification de l’éducation (10/10/2020) Le défi de la Mongolie : 100% d’accès à l’enseignement pré-scolaire. … Continue reading.
Le taux de scolarisation des filles est plus élevé que celui des garçons en Mongolie en raison de l’idée dominante selon laquelle les garçons pourraient exercer de nombreux métiers sans qu’un haut degré d’étude soit nécessaire, à l’image de l’insertion dans le milieu agricole, tandis que pour les filles l’éducation serait la seule sécurité économique dont elles disposent[33]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf. Toutefois, d’après Elaine Conkievich, qui été représentante du PNUD de 2019 à 2023, bien que les femmes mongoles aient un niveau d’éducation plus élevé que celui des hommes, leurs revenus sont inférieurs à ceux que les hommes touchent [34]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
Par ailleurs, le contrôle du respect des engagements de l’État, en matière de droits des femmes, est assuré par de nombreuses ONG nationales et internationales, à l’image du Centre national de lutte contre la violence qui a participé à l’élaboration de la loi sur les violences domestiques de 2004. Un Centre national de surveillance du respect de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes a aussi été créé en 1998. Le Centre rédige ainsi des rapports sur l’action du gouvernement et fait pression sur celui-ci pour qu’il puisse atteindre les objectifs fixés par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes, ratifiée par la Mongolie en 1981[35]UNIFEM (2001) Women in Mongolia: Mapping Progress Under Transition. https://www.refworld.org/pdfid/46cadabb0.pdf.
L’augmentation des femmes diplômées, à partir des années 1990, a entraîné une « fuite des cerveaux », notamment en Corée du Sud[36]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. Le gouvernement mongol n’a pas mis en place de politiques visant à lutter contre ce phénomène, car les femmes s’établissant à l’étranger envoient une partie de leur salaire à leurs proches résidants en Mongolie. En outre, il n’existe pas de cadre institutionnel de coordination multilatérale des politiques migratoires dans la région, qui impliquerait les principaux pays concernés par ces flux transfrontaliers : la Mongolie, la Chine et la Corée du Sud[37]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading. Le départ des femmes a été facilité par l’intervention d’ONG et de Fonds internationaux durant la période de transition. En 2009, la Mongolie était le cinquième pays le plus aidé au monde par rapport au PIB/tête[38]Moréno, B. (2009) La légitimité des ONG étrangères en Mongolie : entre relations et actions, « Analyse de crise et action humanitaire », DEA sous la dir. de M. Bulteau, Grenoble, Université … Continue reading. Les femmes mongoles ont aussi joué un rôle significatif dans la prolifération d’ONG, en 2002, près de 30 ONG relatives aux droits humains avaient des femmes au poste de directrices exécutives et de porte-paroles. Toutefois, le manque de reconnaissance de leur travail, ainsi que le faible salaire qu’elles percevaient ont poussé de nombreuses femmes à s’établir à l’étranger[39]Lacaze, G. (2013) « Crise de la virilité » vs « fuite des femmes : gouvernementalités genrées et conflictualité des corps en Mongolie, L’Homme & la Société, 3 (89-190), 107-122. DOI … Continue reading.
L’une des principales raisons expliquant l’immigration des femmes est l’échec des politiques nationales, à l’instar du Programme national pour la promotion des femmes de 1996, qui a proposé des actions concrètes pour lutter contre les violences faites aux femmes, mais qui n’a pas su les mettre en œuvre. Le manque d’installation pour les femmes qui veulent échapper à des violences intrafamiliales et l’absence de disposition du Code pénal renvoyant à ces violences sont aussi des facteurs éclairant les raisons du départ des femmes. Les violences intrafamiliales ont connu une forte augmentation dans le contexte de transition, qui a été marqué par une importante hausse de la consommation d’alcool des hommes mongols[40]UNDP (20/04/2021). Mongolia to receive boost in increasing gender equality in decision-making levels. … Continue reading. Depuis, cette hausse des violences n’a pas diminué, en 2020, 7% des femmes mongoles âgées de 20 à 24 ans et 17% des femmes mongoles âgées de 25 à 29 ans ont été victimes de violences de la part de leur conjoint[41]Office national de statistique de Mongolie (2024) Violences entre partenaires par groupe d’âge . https://www.nso.mn/en/statistic/statcate/573065/table-view/DT_NSO_3800_003V1.
L’accueil des femmes mongoles : l’instrumentalisation de la recherche d’autonomie
La question de la sexualité des femmes mongoles occupe une place centrale dans l’idéologie patriarcale[42]Tumursukh, U. (2001) Fighting Over the Reinterpretation of the Mongolian Woman in Mongolia’s Post-Socialist Identity Construction Discourse, East Asia, 19(3), 122. DOI: 10.1007/s12140-001-0012-2. L’autonomie des femmes en matière de reproduction est étroitement liée à leur autonomie économique et migratoire. Dans ce contexte, l’émigration et la recherche d’opportunités à l’étranger deviennent des moyens par lesquels les femmes mongoles essaient d’acquérir une indépendance et d’échapper aux contraintes patriarcales présentes dans leur société d’origine. De plus, 95% des mongol·es marié·es à des étrangers sont des femmes, cela met en lumière la tendance des femmes à chercher des relations au-delà des frontières nationales pour accroître leur autonomie. En outre, l’existence de nombreuses agences de rencontre spécialisées souligne une forme de conflictualité identitaire genrée entre le désir d’indépendance des femmes et les attentes sociales traditionnelles de la société du pays d’accueil[43]Solongo, A. (2007) Growth of Internal and International Migration in Mongolia, 8th International Conference of Asia Pacific Migration Research Network, p. 6, DOI : 10.3917/lhs.189.0107..
La Corée du Sud est l’une des principales destinations migratoires des femmes mongoles. L’arrivée de ces femmes en Corée du Sud a été favorisée par le gouvernement coréen qui avait pour objectif de rééquilibrer le sex-ratio du pays. Il a ainsi soutenu l’adoption de lois en 2004 simplifiant l’accès aux permis de travail et à la couverture médicale pour les femmes mongoles. En outre, jusqu’en 2010 les conditions d’obtention de la nationalité coréenne étaient plus souples pour les femmes que pour les hommes. En conséquence des politiques migratoires coréennes, entre 1990 et 2005, les mariages entre un homme coréen et une femme mongole ont été multipliés par 10[44]Guilmoto, C. (2010) La parenté, le marché et l’État face à l’aversion pour les filles en Asie. Hérodote, 136, 166-184. https://doi.org/10.3917/her.136.0166.
Concernant le profil des femmes mongoles qui se sont mariées avec des Coréens, l’importante différence d’âge dans ces couples peut être soulignée. D’après les études coréennes, cette différence d’âge s’élève à 10 ans, tandis que les études mongoles réalisées sur ce même sujet mentionnent un écart de 20 ans entre les deux membres du couple, la femme étant systématiquement plus jeune que l’homme. Les données sur la différence d’âge dans les mariages entre femmes mongoles et hommes coréens doivent être interprétées avec prudence, car elles émanent d’enquêtes déclaratives. La Corée du Sud, en tant que pays d’accueil des femmes mongoles, pourrait être encline à minimiser l’écart d’âge au sein de ces couples pour présenter une image positive des unions internationales et souligner l’intégration réussie des femmes mongoles dans la société coréenne. L’objectif de la Corée du Sud est d’éviter l’association de ces unions avec des notions de dépendance économique. Une partie des femmes mongoles mariées à un Coréen occupent une profession intermédiaire, cohérente vis-à-vis de leurs compétences : 35% d’entre elles sont diplômées du supérieur et 58% de ces femmes sont diplômées du secondaire. Toutefois, l’hypothèse d’une dépendance économique des femmes mongoles à leur mari ne saurait être écartée en raison de la fraction de ces dernières qui n’a pas eu accès à l’enseignement supérieur et dont les revenus sont, de fait, moins élevés. À l’inverse, la Mongolie, en tant que pays de départ de femmes, pourrait avoir un intérêt à maximiser les déclarations sur l’écart d’âge. Ainsi, les données mettent en lumière l’importance de considérer les contextes nationaux dans l’analyse des statistiques matrimoniales transnationales[45]Guilmoto, C. (2010) La parenté, le marché et l’État face à l’aversion pour les filles en Asie. Hérodote, 136, 166-184. https://doi.org/10.3917/her.136.0166.
La Chine est la seconde destination migratoire privilégiée par les femmes mongoles. À la différence de la Corée du Sud, les femmes mongoles qui souhaitent s’établir en Chine empruntent majoritairement la voie du travail sexuel et non celle du mariage mixte. Cela renvoie à un échange économico-sexuel, qui est au cœur du processus migratoire genré. S’il existe en Chine un régime prohibitionniste vis-à-vis du travail sexuel, du même ordre que celui qui est en vigueur en Mongolie, l’accès à la contraception est plus simple en Chine et les revenus y sont plus élevés. Les travailleuses du sexe échappent, en outre, aux stigmates associés à la prostitution et à la sanction sociale qu’elles connaissent en Mongolie[46]Pheterson, G (2001) Le prisme de la prostitution, Paris, L’Harmattan, p.48, DOI : 10.3917/lhs.189.0107..
La Chine n’est pas partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Corée du Sud n’a pas ratifié le Protocole de cette convention, relatif à la prévention et à la répression du trafic de personnes[47]Akaha, T. (2006) Cross-border migration in northeast Asia: Implications for Mongolia, The Mongolian Journal of International Affairs, 13, DOI:10.5564/mjia.v0i13.7. En conséquence, des organisations criminelles profitent des conditions précaires et de la vulnérabilité sociale des femmes mongoles, les attirant avec de fausses promesses de meilleures opportunités de vie à l’étranger. Les femmes se retrouvent alors prises au piège dans des réseaux de trafic d’êtres humains, confrontées à des conditions de travail et à des situations abusives. À titre d’exemple peut être mentionné le ressortissant coréen Pak Song-ki qui a été expulsé de Mongolie pour avoir essayé de vendre plus de 400 femmes mongoles au Japon et en Corée du Sud[48]Akaha, T. (2006) Cross-border migration in northeast Asia: Implications for Mongolia, The Mongolian Journal of International Affairs, 13, DOI:10.5564/mjia.v0i13.7. D’après le Centre pour le développement des droits de l’Homme, de plus en plus de nationaux mongols sont impliqués dans des réseaux de trafic de personnes[49]Akaha, T. (2006) Cross-border migration in northeast Asia: Implications for Mongolia, The Mongolian Journal of International Affairs, 13, DOI:10.5564/mjia.v0i13.7.
Le gouvernement mongol a tenté de restreindre le trafic des femmes mongoles en mettant en place des instruments juridiques spécifiques. En 2018, le gouvernement a élaboré un Plan d’Action National contre la Traite des Personnes, visant à renforcer les mesures de prévention, la protection des victimes et la poursuite des trafiquants. Cependant, il est important de souligner que le gouvernement mongol est limité dans sa capacité à agir sur les réseaux de trafic opérant en Chine et en Corée du Sud. Ces réseaux transcendent les frontières nationales, et les actions du gouvernement mongol ne peuvent influencer directement les législations et mesures prises par les gouvernements nationaux de ces pays[50]OIM (12/01/2018) L’OIM et ses partenaires coordonnent les efforts de lutte contre la traite en Mongolie. … Continue reading.
Au-delà du trafic de femmes mongoles, de nombreuses femmes entrent sur le sol sud-coréen par le biais d’un visa touristique et restent après sa date d’expiration. Cela les expose à de nombreux risques liés aux emplois non déclarés et à l’absence d’assurance maladie[51]Akaha, T. (2006) Cross-border migration in northeast Asia: Implications for Mongolia, The Mongolian Journal of International Affairs, 13, DOI:10.5564/mjia.v0i13.7.
L’urgence de mettre en place des politiques garantissant les droits des femmes en Mongolie
La « fuite des femmes » en Mongolie, marquée par le départ de femmes, qui sont pour partie des travailleuses qualifiées, vers d’autres pays trouve ses racines dans un large contexte de transformations sociales, économiques et politiques. Le désir d’améliorer le niveau de vie est une motivation clé derrière le départ de ces femmes vers l’étranger. Cette quête s’inscrit dans le cadre de l’évolution économique et des opportunités professionnelles perçues à l’étranger.
Cependant, il est important de noter que des inégalités persistent, car toutes les femmes mongoles ne bénéficient pas des mêmes avantages de cette émigration. Les femmes mongoles non qualifiées se tournent en partie vers le travail sexuel, afin de permettre et de pérenniser leur vie à l’étranger. Ce dernier les expose à divers défis et risques, à l’image du trafic d’êtres humains. La migration internationale des femmes mongoles renvoie, dès lors, à la nécessité d’une protection juridique et internationale renforcée pour prévenir les abus et garantir les droits fondamentaux des migrantes.
Cette dynamique de « fuite des femmes » a, en outre, des implications profondes sur le tissu social mongol. Elle peut contribuer à la création d’une diaspora intellectuelle, mais en même temps, elle soulève des questions importantes sur la manière dont la société mongole pourrait sécuriser les droits de ces citoyennes afin qu’elles restent vivre en Mongolie. La gestion efficace de ces flux migratoires nécessite une approche globale qui comprend des politiques publiques favorables à l’égalité des genres, des mécanismes de protection sociale et une coopération internationale pour prévenir les abus.
Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.
Pour citer cet article : Legras A. (29/01/2024), « La « fuite des femmes » hors de la Mongolie, un instrument d’émancipation sociale », Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=18060
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