Mihiri Wijetunge
29/11/2023
Le 24 août 2020, une attaque à la bombe a frappé la ville de Jolo aux Philippines, entraînant le décès de 14 personnes. Les deux auteur·ices de l’attentat étaient des femmes, parmi lesquelles figurait l’épouse indonésienne du premier kamikaze philippin du groupe Abu Sayyaf. Cet événement marque le deuxième attentat suicide perpétré par une femme aux Philippines, constituant le quatrième cas en Asie du Sud-Est. Il pourrait bien annoncer l’émergence d’une nouvelle tendance, avec la participation croissante de femmes kamikazes dans la région, apportant ainsi une dynamique inédite du paysage militant[1]Female suicide bombers : Urgent deterrence needed. (s. d.). @RSIS_NTU. https://www.rsis.edu.sg/rsis-publication/icpvtr/female-suicide-bombers-urgent-deterrence-needed/. Cette occurrence met en lumière l’implication des femmes musulmanes dans les opérations des organisations terroristes en Asie du Sud-Est et par conséquent suscite des interrogations quant aux modalités opératoires et à l’idéologie de ces groupes à l’égard des femmes.
Au sein de l’Asie du Sud-Est, qui compte environ 255 millions de musulman·es pour 685 millions d’habitant·es, les principaux pays touchés par le terrorisme islamiste sont l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande[2]Female suicide bombers : Urgent deterrence needed. (s. d.). @RSIS_NTU. https://www.rsis.edu.sg/rsis-publication/icpvtr/female-suicide-bombers-urgent-deterrence-needed/. Ces États sont témoins d’une montée de l’autoritarisme, de nouvelles formes d’islamisation de la société et de la militarisation des coopérations internationales en matière de sécurité. Dans ce contexte de transformation, caractérisé par une urbanisation rapide et des flux accélérés, ainsi que la mondialisation des modes de vie et des valeurs, les groupes djihadistes ajustent leurs méthodes d’organisation et d’action, ainsi que leurs discours, pour influencer des audiences elles aussi en mutation. Ces mutations conduisent ainsi à faire évoluer le rôle des femmes et à prendre en compte leur utilité dans les opérations terroristes.
Cet engagement féminin dans la lutte recèle un fort potentiel pour ces organisations islamistes. Les femmes occupent une position centrale au sein de leur famille, façonnant les normes et les traditions. De surcroît, dans le contexte d’une vigilance croissante et d’une association du terrorisme à la population masculine, les femmes émergent en tant que ressources stratégiques, apportant compétences, qualifications, et un attachement idéologique significatif. Leur implication présente simultanément de nouvelles problématiques pour les stratégies antiterroristes, tant au niveau local qu’international. Ainsi, dans quelle mesure le djihadisme féminin en Asie du Sud-Est fait-il évoluer l’assignation des rôles genrés au sein de ces mouvements islamistes radicaux ?
Évolution du djihadisme en Asie du Sud-Est jusqu’à l’émergence du djihadisme féminin
Une perspective essentielle pour appréhender le phénomène du djihad féminin réside dans la nécessité de saisir les fondements qui ont favorisé l’émergence du terrorisme au sein du contexte géopolitique de l’Asie du Sud-Est. En Indonésie, en Malaisie,aux Philippines et en Thaïlande, on assiste à un renforcement de l’autoritarisme, à une montée en puissance de l’islamisation au sein de la population, ainsi qu’à une coopération internationale en matière de sécurité de plus en plus tournée vers le secteur militaire. Dans cette région, la constellation terroriste s’articule autour des diverses organisations fondamentalistes, au premier lieu desquelles figure Jemaah Islamiyah (JI) indonésienne, créée en 1993 par des individu·es issu·es du mouvement indépendantiste islamique Darul Islam. Il faut compter également les groupes historiques philippins, engagés dans la lutte pour l’autodétermination. Le Front national de libération Moro (MNLF), formé en 1969, mérite une mention spéciale, pour son ardent engagement en vue de faire scission au sud des Philippines et établir un État islamique démocratique et souverain[3]The Editors of Encyclopaedia Britannica. (2001, 7 décembre). Moro National Liberation Front (MNLF). Encyclopedia Britannica. https://www.britannica.com/topic/Moro-National-Liberation-Front. À l’instar de Jemaah Islamiyah, ces réseaux se sont formés dans un contexte marqué par les luttes anticoloniales, les insurrections consécutives aux mouvements d’indépendance au milieu du XXe siècle, et ultérieurement par des formations militaires intergroupes au Pakistan, lors de l’émergence du conflit afghan transnational dans les années 1980[4]Facal, G. (2020). Géopolitique du terrorisme islamiste en Asie du Sud-Est. Entre réseaux anciens et cellules déterritorialisées. Hérodote, 176, … Continue reading.
Tout en se situant en marge de la population musulmane, en Asie du Sud-Est, les groupes terroristes islamistes ne demeurent pas entièrement séparés de la communauté des croyant·es. En réalité, ils révèlent parfois des similitudes notables, que ce soit au niveau des idéaux, des valeurs, ou des modalités d’engagement. La formation d’un État islamique est un objectif central qui revêt plusieurs formes politiques sous différentes échelles géographiques. Il existe différents projets tels que : « [la] constitution d’un État au niveau régional [un] État transrégional malais calqué sur des réalités historiques supposées [une] province (wilayah) Sud-est asiatique sous la tutelle de l’EI[5]Facal, G. (2020). Géopolitique du terrorisme islamiste en Asie du Sud-Est. Entre réseaux anciens et cellules déterritorialisées. Hérodote, 176, … Continue reading ». Outre les points de contact au sein des croyances religieuses, des interactions se manifestent également à un niveau politique dans une région où les sphères du religieux et du politique entretiennent un lien profond, notamment à travers la notion de royauté divine[6]. Le contexte historique particulier dans lequel sont nés ces groupes radicaux, issu de l’héritage des combats anticoloniaux, ainsi que leur identité non figée permet une certaine « fluidité idéologique[6]Facal, G. (2020). Géopolitique du terrorisme islamiste en Asie du Sud-Est. Entre réseaux anciens et cellules déterritorialisées. Hérodote, 176, … Continue reading » qui peut expliquer l’avènement du djihadisme féminin.
C’est dans un ce contexte qu’il faut envisager l’évolution de la radicalisation féminine en Asie du Sud-Est. Dans les années 1990 dans cette région, l’intégration des femmes au sein du principal groupe islamiste radical Jemaah Islamiyah ‘JI) demeurait limitée. En général, le groupe n’octroyait pas de rôles majeurs sur le plan opérationnel aux femmes. Leur participation se cantonnait essentiellement au mariage et à la maternité. Les femmes n’étaient pas autorisées à prêter allégeance, un privilège réservé aux hommes, et elles étaient exclues des informations confidentielles, de peur qu’elles ne les divulguent par inadvertance. D’autre part, les femmes n’étaient pas autorisées à participer activement au djihad[7]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading.
De fait, l’implication opérationnelle des femmes dans les années 1990 et 2000 était plus que marginale comme en témoignent les exemples suivants. Aucune femme indonésienne n’a été envoyée en Afghanistan[8]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading. Les quelques femmes de la JI qui ont accompagné leurs maris à Mindanao, aux Philippines, fuyant la police après l’attentat de Bali en 2002, n’ont pas participé à des opérations terroristes et n’ont pas été incluses dans les programmes de formation militaire[9]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading. Lors des conflits sectaires les plus graves à Ambon et Poso entre 1999 et 2001, la JI interdisait aux femmes de s’impliquer. Les combattants de la JI, principalement originaires de Java, laissaient généralement leur famille derrière eux. Les rares femmes qui suivaient leurs maris restaient généralement dans un lieu sûr. Leur principal rôle était de prendre soin des enfants, de préparer les repas et d’instruire les femmes locales sur la religion[10]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading.
Cette interdiction explicite envers les femmes de s’engager dans des opérations militaires découle de la référence de la JI à un traité élaboré par l’un des principaux idéologues d’Al-Qaïda, le savant égyptien Sayyed Imam al-Sharif, également connu en Indonésie sous le nom d’Abdul Qadir bin Abdul Aziz. Ce texte intitulé « Al-Umdah fi al-i’dad al-u’ddah », qui se traduit en anglais par « The Essential Guide for Preparation ». Ce traité interdit aux femmes de participer aux combats, sauf dans le cas où l’ennemi pénètre dans leur domicile ou les agresse physiquement[11]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading.
Malgré tout, les femmes ont joué un rôle essentiel dans la formation d’alliances visant à défendre et à étendre l’organisation, notamment en assumant des responsabilités économiques cruciales, en accord avec la situation en Asie du Sud-Est. Pour soutenir leurs familles, de nombreuses femmes ont entrepris des activités génératrices de revenus, devenant ainsi un soutien économique indispensable. Cette contribution était d’autant plus précieuse que les hommes étaient souvent en déplacement et connaissaient des périodes d’instabilité financière. Elles se sont principalement investies dans des petits commerces, l’enseignement ou la pratique de la thérapie à base de plantes. Les femmes qui travaillent en dehors de leur domicile, choisissent en général de ne pas porter le voile intégral dans une optique stratégique, afin de faciliter leur interaction avec leur clientèle[12]Institute for Policy Analysis of Conflict. (2017, 31 janvier). Mothers to Bombers: The Evolution of Indonesian Women Extremists. – IPAC Report … Continue reading.
État des lieux du djihadisme féminin en Asie du Sud-Est
Il est indéniable que les femmes ont réussi à se frayer un chemin vers la reconnaissance de leur engagement, et cela se reflète dans l’état actuel des pays principalement affectés par le terrorisme en Asie du Sud-Est. Même s’il n’est pas admis idéologiquement, dans les faits la participation croissante des femmes notamment sur le plan opérationnel témoigne d’une évolution des rapports de genre. Un bref état des lieux par pays peut être établi. Le cas de l’Indonésie est important à analyser, car il abrite la plus grande communauté musulmane mondiale représentant près de 87,18% de la population indonésienne[13]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. La reconnaissance des femmes dans ces groupes est le produit d’une évolution idéologique du fait de la popularité croissante de l’État islamique (EI). Contrairement à Al-Qaeda (auquel est rattachée la JI), l’EI propose une approche plus pragmatique au djihad qui permet la participation des femmes aux combats armés. De fait, il existe par exemple la Brigade Al-Khansaa, branche féminine de l’État islamique établie à Raqqa en Syrie, illustrant la diversité des rôles occupés par ses membres féminins. Formée au début de 2014, la Brigade Al-Khansaa fonctionne en tant que police des mœurs, qui est une forme de relégation du pouvoir. Elle sert ainsi de modèle pour les combattantes féminines de l’EI à travers le monde[14]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. Le groupe terroriste Mujahidin indonésien de l’Est (MIT), qui a prêté allégeance à l’État islamique, s’est imprégné de la considération féminine de l’EI qui dispense une formation au maniement des armes pour les femmes, y compris l’épouse du commandant du MIT[15]Anindya, C. R., & Anindya, C. R. (2023, 2 mai). Terrorism no longer a man’s world in Indonesia | East Asia Forum. East Asia … Continue reading.
En Indonésie, les femmes ont aussi un rôle crucial dans la diffusion de la violence via les réseaux sociaux, logistiques et le financement d’opérations. De fait, elles sont impliquées dans la gestion de sites web extrémistes et la traduction de matériaux de l’État islamique. Par exemple, en 2015 Siti Khadijah, avec son mari, était activement impliquée dans la gestion de Khilafah Daulah Islamiyah (KDI), une unité médiatique spécialisée dans la traduction de matériaux d’ISIS en bahasa[16]Anindya, C. R., & Anindya, C. R. (2023, 2 mai). Terrorism no longer a man’s world in Indonesia | East Asia Forum. East Asia … Continue reading. Sur le plan plus logistique et financier, les idéologues et les dirigeants djihadistes ont compté sur les femmes pour collecter des fonds pour le djihad. Les femmes djihadistes collaborent souvent avec leurs maris pour fournir un soutien logistique et financier aux groupes djihadistes. Rosmawati a collaboré avec son mari Hasan en 2015 pour gérer les fonds et fournir la logistique pour le Mujahidin Indonesia Timur (Mujahidin de l’est de l’Indonésie). MIT est un groupe terroriste basé à Poso, en Sulawesi central, qui a prêté allégeance à l’EI[17]Anindya, C. R., & Anindya, C. R. (2023, 2 mai). Terrorism no longer a man’s world in Indonesia | East Asia Forum. East Asia … Continue reading.
La Malaisie contrairement à l’Indonésie est moins touchée par le terrorisme. Bien que l’islam soit la religion officielle de la Malaisie, avec plus de 60% de la population la pratiquant, le poids des autres confessions n’est pas négligeable, notamment les Chrétiens, les Bouddhistes, les Chinois, les Hindous, etc.[18]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. Alors que la plupart des pays d’Asie du Sud-Est luttaient pour la stabilité et l’indépendance, la Malaisie a concentré ses efforts sur sa croissance économique et son développement. C’est pourquoi le pays est resté à l’écart des insurrections intérieures menées par des extrémistes religieux. Les groupes extrémistes locaux tels que le Darul Islam Malaysia ou le Kumpulan Mujahideen Malaysia sont actuellement obsolètes, tandis que le groupe Al-Ma’unah a été dissous par les agences antiterroristes[19]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. Cependant, la menace du terrorisme demeure un défi sérieux, car les autorités luttent contre la radicalisation des jeunes malaisien·nes, en particulier des femmes et des enfants.
La menace vient davantage des acteurs étrangers comme Al-Qaïda, l’EI ou la Jemaah Islamiyah. Un nombre important de femmes sont attirées par ces groupes étrangers et entrent largement en contact avec les rebelles et les extrémistes en utilisant les réseaux sociaux. Leur participation dans les activités terroristes semble se renforcer. Par exemple, en 2014, une femme au foyer et une veuve ont été arrêtées pour avoir recruté des ressortissants malaisiens pour rejoindre les rangs de l’EI[20]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. Traditionnellement associé à la sphère masculine, le processus de recrutement a néanmoins évolué pour inclure la participation active des femmes, illustrant ainsi un changement de leurs rôles au sein de ces activités. Ou encore, en 2018, la police malaisienne a signalé un incident concernant la planification d’une attaque près de Kuala Lumpur le jour des élections. Ce serait la première fois qu’une femme orchestrerait seule un complot terroriste en Malaisie lié à l’EI. En Malaisie, environ 400 individu·es, dont 43 femmes, ont été appréhendées ces dernières années sous suspicion de leur implication avec l’EI[21]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading.
Quant aux Philippines la configuration religieuse est différente, 80% pratiquent le Christianisme et environ 5,6% l’Islam[22]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. Malgré la présence d’un groupe minoritaire de Musulman·es dans le pays, l’agression étatique contre la communauté musulmane est une constante aux Philippines, ses racines sont à chercher dans l’évolution historique des relations entre les deux communautés et leur rivalité ancestrale. Après le départ des forces américaines des Philippines en 1946, la répression des minorités musulmanes a conduit à l’émergence de groupes militants et radicaux dans le pays, qui sont entrés en confrontation directe avec l’État. Le Front de libération islamique Moro (MILF), le Groupe Abu Sayyaf (ASG) et le Mouvement Raja Suleiman (RSM) sont les trois principaux groupes militants qui ont été actifs dans le pays pour radicaliser la population musulmane locale[23]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading. L’acte terroriste le plus récent qui a provoqué un tollé mondial est le siège de la ville de Marawi en 2017 perpétré par le groupe Maute et l’ASG. Initialement affilié au MILF, le groupe Maute, a radicalisé ses positions en rejoignant l’EI pour obtenir un soutien. Lors de la répression du siège de la ville de Marawi, il a été signalé que de nombreuses femmes philippines étaient impliquées dans le recrutement et les soins aux combattants blessés de l’EI ; la figure la plus connue est celle de Farhana Maute, la mère des frères Maute, activement recherchée par la police. Elle a joué un rôle majeur dans le financement et le soutien du siège de Marawi, mais également l’infrastructure logistique et les soins aux blessés. Lors de son arrestation par la police, Farhana Maute se trouvait en compagnie de plusieurs femmes non identifiées à Masiu[24]Braude, J. (2020c, octobre 13). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading.
Touchée de manière inégale par le terrorisme en raison de diverses situations religieuses et socioculturelles, la région de l’Asie du Sud-Est présente une implication des femmes variable. L’Indonésie se distingue par le développement le plus marqué du djihadisme féminin. Cependant, une tendance évidente vers une féminisation croissante du djihadisme émerge en raison de l’inclusion croissante des femmes dans les opérations.
L’engagement djihadiste des femmes en Asie du Sud-Est : une quête d’empowerment
La montée en puissance et la croissante diversification des fonctions occupées par les femmes au sein des réseaux terroristes islamistes donnent lieu à une accentuation significative de l’importance de leur rôle dans le djihadisme. Les femmes djihadistes commencent à abolir les conventions traditionnelles en matière de genre. Historiquement, elles étaient principalement chargées du recrutement exclusif de leurs homologues féminines, se voyant contraintes de voyager uniquement en compagnie de leurs époux ou de proches parents masculins (les mahram), et évitant soigneusement tout contact avec des individus de sexe masculin qui n’étaient pas de leur parenté (les non-mahram)[25] Arianti, V., & Yasin, N. A. (2016). Women’s Proactive Roles in Jihadism in Southeast Asia. Counter Terrorist Trends and Analyses, 8(5), 9–15. http://www.jstor.org/stable/26351417.
Cependant, l’avènement des discussions en ligne sur les médias sociaux a largement érodé les barrières traditionnelles de ségrégation entre les sexes. Par conséquent, les femmes ne se sont pas vu interdire leurs fonctions en ligne, consistant à recruter, à former, à collecter des fonds et à promouvoir leur soutien à l’État islamique (EI). Internet apparaît comme un espace de liberté dépourvu de toute structure hiérarchique où les femmes peuvent faire leur djihad comme elles le souhaitent. Plus particulièrement dans la région du Sud-est asiatique, en Indonésie et en Malaisie, les femmes occupent désormais une place prépondérante en tant que militantes du djihad, profitant des avancées des nouvelles technologies médiatiques pour effectuer le recrutement et la radicalisation via des campagnes de propagande. Cette évolution marque un changement notable par rapport à la situation qui prévalait il y a plus d’une décennie[26] Arianti, V., & Yasin, N. A. (2016). Women’s Proactive Roles in Jihadism in Southeast Asia. Counter Terrorist Trends and Analyses, 8(5), 9–15. http://www.jstor.org/stable/26351417.
De manière similaire, la radicalisation religieuse des femmes musulmanes se présente comme une forme d’autonomisation et une réponse aux défis d’un contexte socio-économique complexe. De fait, la définition proposée par Géoconfluences de l’empowerment traduit tout à fait ce phénomène « l’autonomisation des individu·es et des collectifs dans les décisions qui les concernent, en particulier pour sortir des situations de précarité ou de pauvreté[27]École normale supérieure de Lyon. (s. d.-a). Empouvoirement (empowerment) — géoconfluences. 2002 Géoconfluences ENS de … Continue reading ». Un environnement sociopolitique et économique complexe fournit aux organisations terroristes l’opportunité d’attirer de nouvelles personnes en se positionnant comme des substituts aux États, fragilisés sur le plan politique. Cette fragilité se manifeste par « [l’]absence d’autorité centrale en mesure d’assurer à titre exclusif l’exercice de la violence légitime ; [la] difficulté à satisfaire les besoins fondamentaux des populations) et économiques (généralisation de la corruption ; développement de la criminalité organisée ; [et l’]insécurité des modes de circulation et des droits de propriété[28]Facal, G. (2020). Géopolitique du terrorisme islamiste en Asie du Sud-Est. Entre réseaux anciens et cellules déterritorialisées. Hérodote, 176, … Continue reading ». Ce phénomène coïncide avec les aspirations de nombreux groupes islamistes pacifiques et organisations musulmanes militantes, qui cherchent à pallier les carences des États en termes de prestation de services sociaux et de développement d’infrastructures sanitaires, éducatives, et religieuses[29]Facal, G. (2020). Géopolitique du terrorisme islamiste en Asie du Sud-Est. Entre réseaux anciens et cellules déterritorialisées. Hérodote, 176, … Continue reading.
Pour ces femmes, l’adoption d’une interprétation extrémiste de la foi apparaît aussi souvent comme le moyen le plus plausible de résister à leur « destin » et d’améliorer leur propre vie et celle de leur famille[30]Resnyansky, L., Smith, C., Taylor, C., Sulistiyanto, P., Merryman, G., & Mujahiduddin. (2022). Reasons behind reasons: A communitarian reading of women’s radicalization and family bombings in … Continue reading. Cette observation établit une connexion entre le genre et la classe sociale, car les femmes travailleuses, en particulier celles qui migrent entre les pays d’Asie du Sud-Est dans le contexte de stratégies économiques, forment une catégorie particulière susceptible d’être influencée par la radicalisation islamiste. De fait, l’Asie du Sud-Est connaît un développement économique important, mais porteur de grandes disparités. La main-d’œuvre se féminise, notamment celle migrante, afin de remplir les besoins liés aux « travaux féminins » dans les pays d’accueil. Cela est particulièrement vrai dans le travail domestique et la prise en charge des personnes âgées, handicapées et des enfants. L’externalisation de ces tâches soulève les problématiques de la sous-rémunération et à la valeur du travail des femmes dans les foyers[31] Nair, T. (2017). Radicalisation of the female worker. NTU Singapore. https://hdl.handle.net/10356/85335. Par exemple, selon le New York Times, Madame Ayu est décrite comme étant une musulmane modérée lorsqu’elle était en Indonésie et est devenue plus fervente dans sa foi en travaillant à Hong Kong. Elle a été exposée à des enseignements radicalisés via les réseaux sociaux, souvent un exutoire pour ses frustrations et sa solitude[32] Nair, T. (2017). Radicalisation of the female worker. NTU Singapore. https://hdl.handle.net/10356/85335.
Déjà employées pour effectuer de tâches considérées féminines, ces femmes se voient valorisées dans le système dogmatique islamiste. Elles sont aussi influencées par des perspectives de romance et les idéaux romantiques d’être mariées à un « soldat de Dieu » ou d’être une « martyre de la cause[33] Nair, T. (2017). Radicalisation of the female worker. NTU Singapore. https://hdl.handle.net/10356/85335 ». La radicalisation offre un récit fantasmé qui propose un destin alternatif face à leur situation socio-économique précaire.
Il est aussi pertinent de contextualiser et de montrer la diversité de l’application de la notion d’empowerment. L’idée d’autonomisation et de prise de pouvoir dans ses décisions qui sont centrales dans la définition d’empowerment peuvent être interprétées de manière tout à fait différente selon les contextes socioculturels. La conception occidentale ne considérerait pas la radicalisation religieuse comme une forme d’empowerment, car les femmes seraient sous l’emprise d’une idéologie et qui plus est une idéologie qui admet la soumission des femmes à la religion et aux hommes. Mais rester sur cette position reviendrait aussi à ignorer l’agentivité de ces femmes et les bénéfices voire le pouvoir qu’elles tirent de leur radicalisation. Ainsi, les choix considérés comme empowering pour les femmes de cette région peuvent apparaître contradictoires avec nos biais occidentaux où la notion d’indépendance est centrale. Cela dit, il existe aussi des femmes djihadistes qui œuvrent à leur échelle pour une plus grande égalité femmes-hommes. Un focus sur les femmes malaisiennes et le contexte culturel malais permettrait de mieux comprendre cette idée.
Selon Piya Sukhani, assistante-enseignante au programme d’études sud asiatiques à l’Université de Singapour, la majorité des femmes malaisiennes musulmanes ne perçoivent pas le manque d’égalité des sexes comme une injustice ou un manque d’agentivité, car, pour elles, l’agentivité des femmes se trouve dans la sphère privée et signifie « une soumission délibérée à l’islam ; leur autonomisation réside dans la soumission totale à la piété et au service de la famille[34]“deliberate submission to Islam; their empowerment lies in fully surrendering to piety and serving the family” cité par Resnyansky, L., Smith, C., Taylor, C., Sulistiyanto, P., Merryman, G., … Continue reading ». Le pouvoir de la femme découle de sa capacité à transformer son mari et ses enfants en meilleurs musulmans, grâce à quoi elle acquiert le statut de gardienne de l’ordre moral dans la sphère publique. Ce statut de radicalisée peut offrir aux femmes la possibilité d’exercer davantage de pouvoir en recrutant d’autres femmes, ou leurs propres enfants, afin de devenir des martyrs – un acte considéré comme une bénédiction. Ainsi, Sukhani affirme que la réaffirmation des rôles normatifs sociaux à travers la radicalisation peut être interprétée comme une autonomisation des femmes[35]Resnyansky, L., Smith, C., Taylor, C., Sulistiyanto, P., Merryman, G., & Mujahiduddin. (2022c). Reasons behind reasons: A communitarian reading of women’s radicalization and family bombings in … Continue reading.
Briser la perception des femmes comme éternelles passives
Une perspective divergente, mise en avant par Christine Sixta, professeure associée en science politique, remet en question la croyance commune selon laquelle les femmes sont contraintes de participer au terrorisme par des hommes. Selon ses analyses, les femmes sont plus enclines à s’impliquer volontairement dans le terrorisme plutôt qu’à y être contraintes. Les femmes qui s’associent à ces groupes sont animées par une conviction profonde envers l’idée d’un califat, le percevant à la fois comme leur devoir impératif conformément à la charia et comme une réponse aux disparités sociales et économiques. Beaucoup rejoignent ces mouvements en raison d’une préoccupation sincère pour l’inégalité, la souffrance et l’injustice, exprimant leur déception face à l’incapacité perçue du gouvernement à éradiquer la pauvreté. Cela apparaît aussi comme un moyen par lequel ces femmes se considèrent comme faisant partie intégrante d’un mouvement mondial d’importance[36]Marcoes, L. (2020, 23 septembre). Why do Indonesian women join radical groups ? Indonesia at Melbourne. https://indonesiaatmelbourne.unimelb.edu.au/why-do-indonesian-women-join-radical-groups/.
En se penchant sur le cas des femmes kamikazes en Malaisie, cela permet de comprendre comment cette décision émane de leur propre libre arbitre. En réalité, ces femmes pourraient vivre des circonstances qu’elles réprouvent, et elles perçoivent le martyre comme une manière romantique de triompher de l’adversité, s’approprier un rôle envié et accéder au paradis[37] Sukhani, P. (2020). The Route to Radicalisation for Malay-Muslim Women : Tracing the nexus between universals and particulars in Malaysia. NTU Singapore. https://hdl.handle.net/10356/143966. Piya Sukhani, professeure associée à l’université de Singapour, reprend Christine Sixta et avance que la menace croissante que représentent les femmes terroristes peut être mieux appréhendée en les considérant comme des actrices rationnelles plutôt que comme des êtres qui répondent par l’émotion face à la violence[38]Braude, J. (2020, 13 octobre). Recruitment of women and children in Islamic radical and extremist groups of Southeast Asia. Al-Mesbar … Continue reading.
Cette opposition en valeurs et en normes socioculturelles avec l’ennemi occidental témoigne aussi de la politisation de ces femmes ainsi que d’une forme d’empowerment du fait d’une estime de soi accrue. La possibilité de protester contre les relations de genre modernes confère un sentiment de supériorité aux extrémistes, qui optent pour un mode de vie islamique radical. Pour les femmes radicalisées, le port du niqab en signe de résistance et d’arme dans leur lutte contre « les autres ». Les débats entourant l’autorisation du port de la burqa dans les États occidentaux renforcent ce sentiment en tant que « combattante de la résistance[39]cité par Regional Academy on the United Nations, Walden, A.-V., & Van Uffelen, A. (2018, janvier). Southeast Asia: The role of women in the prevention of Islamist radicalization and violent … Continue reading » pour celles qui s’engagent dans ces groupes extrémistes religieux. Les dimensions liées au genre se manifestent principalement dans l’utilisation stratégique du langage, de l’imagerie et de récits spécifiques au genre[40]Regional Academy on the United Nations, WALDEN, A.-V., & VAN UFFELEN, A. (2018, janvier). Southeast Asia: The role of women in the prevention of Islamist radicalization and violent … Continue reading.
Le djihadisme : un phénomène piloté par les hommes remis en cause par la place accrue des femmes
Un fait demeure inaltérable, l’islamisme tel qu’il est appliqué est intrinsèquement sexiste ce qui conduit à une division du travail sexuée. Ce constat souligne la persistance de rôles masculins et féminins figés, où la violence est souvent associée au pouvoir pour les hommes, tandis que la non-violence est liée à la passivité et à la faiblesse pour les femmes. La notion de masculinité est intimement liée à la militarisation et à l’usage de la force, contrastant avec les conceptions de la féminité, souvent définies par des rôles de soutien et de complémentarité. Cela se traduit par une participation principalement masculine en tant que combattants et protecteurs des femmes et des enfants, tandis que les femmes endossent des rôles qualifiés de « femmes au foyer héroïques[41]cité par Mahmood, S. (2019). Negating Stereotypes: Women, Gender, and Terrorism in Indonesia and … Continue reading », de « mères sacrificielles[42]cité par Mahmood, S. (2019). Negating Stereotypes: Women, Gender, and Terrorism in Indonesia and … Continue reading » et « [d’]épouses aimantes[43]cité par Mahmood, S. (2019). Negating Stereotypes: Women, Gender, and Terrorism in Indonesia and … Continue reading ». Des rôles féminins valorisés dans le système de valeur islamiste. Or, il est indéniable que le rôle des femmes est devenu de plus en plus indispensable dans le phénomène djihadiste actuel soulignant une certaine remise en question de fait des rapports de genre sans pour autant admettre une évolution idéologique vers l’égalité. Il s’agit d’un paradoxe assumé, car les hommes reconnaissent la nécessité des femmes avec leur intégration croissante aux opérations. Et les femmes n’exigent pas un changement de paradigme dans la conception de leurs rôles assignés sur la base de leur genre, mais demandent à être plus actives.
Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.
Pour citer cette production : Mihiri Wijetunge. (2023). L’essor du djihadisme féminin en Asie du Sud-Est. https://igg-geo.org/?p=16623
References
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