La notion de viol en Corée du Sud

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06/04/23

Mathilde Penda

À l’ère du mouvement « Me too », la douzième puissance économique mondiale reste une société profondément patriarcale derrière une façade moderne et dynamique. En 2016, l’assassinat d’une jeune femme de 23 ans à Séoul par un homme qui avoue « détester les femmes » déclenche une vague d’indignation[1]Buzzfeed (2016), Le meutre d’une femme à Seoul emeut la Corée du Sud, Jules Darmanin: https://www.buzzfeed.com/fr/julesdarmanin/le-meurtre-dune-femme-a-seoul-emeut-la-coree-du-sud. Depuis l’élection du président conservateur Yoon Seok-you, des relents antiféministes réapparaissent dans la société sud-coréenne. Le nouveau projet de loi du Ministère du genre et de la famille quant à la mise à jour de la définition du viol, proposé fin janvier dernier a été rejeté par le Ministère de la justice. Face à ce refus on peut se demander comment les violences sexuelles sont traitées en Corée du Sud ?

Les violences sexuelles en Corée du Sud : une violence banalisée

Fin janvier 2023, le Ministère sud-coréen du genre et de la famille a annoncé son intention de réviser sa définition juridique du viol pour inclure les relations sexuelles non consenties. Mais quelques heures plus tard, le Ministère de la justice a rejeté le plan de révision[2]Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape. Cette décision survient alors même que la violence sexiste est un phénomène répandu en Corée du Sud.

En 2019, la Korea Women’s Hot-line, association féministe coréenne, a estimé qu’une femme était assassinée tous les 1,8 jours en Corée du Sud et les femmes représentaient 98 % des victimes en cas d’homicide, ce qui en fait l’un des taux les plus élevés au monde[3]Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape. Près de 80 % des sondé·e·s admettaient avoir déjà commis des actes de violences à l’encontre d’une partenaire. L’étude, basée sur les réponses de 2 000 hommes sud-coréens, a montré que 1 593 d’entre eux, soit 79,7 %, avaient abusé physiquement ou psychologiquement d’une petite amie pendant qu’ils sortaient ensemble[4]Nicola Smith. (27 août 2017). Almost 80% of South Korean men have abused girlfriend, study claims. The Telegraph. … Continue reading. Cependant les condamnations restent faibles car les victimes se signalent très peu. La honte, la stigmatisation ou encore le manque de justice poussent les victimes à ne pas ou très peu porter plainte[5]Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape.

Ce laxisme dans le système judiciaire sud-coréen envers les auteurs d’abus sexuels peut s’expliquer par le système patriarcal qui est profondément ancré dans la société sud-coréenne. Les valeurs confucianistes constituent la base de la culture coréenne contemporaine. Ji-Yeong Yun, professeure en sociologie à l’université de Changown en Corée du Sud, définit le confucianisme comme un système d’asservissement pour les femmes. Le confucianisme implique que les femmes se sacrifient et soient soumises à la vertu familiale, avec une hiérarchie entre les femmes et les hommes présente dans toutes les institutions sociales. Cela se produit même si les femmes sont plus éduquées que les hommes dans le domaine de l’enseignement supérieur. L’idée de la virginité féminine est également profondément enracinée dans l’esprit collectif, privant les femmes de leur droit de disposer librement de leur corps. La société coréenne encourage les femmes à être douces, belles et soumises plutôt que de promouvoir l’égalité des genres. Les Sud-coréennes sont réduites à des objets sexuels ou à des reproductrices pour perpétuer le nom de famille. En d’autres termes, la valeur des femmes est liée à leur corps soumis et exploitable par les hommes[6]Yun J. (2019). Féminisme en Corée, Esprit, 4, 23-24. https://doi.org/10.3917/espri.1904.0023. Les valeurs patriarcales confucéennes restent profondément ancrées dans la société sud-coréenne, avec une insistance sur la hiérarchie des sexes et l’harmonie.

L’expression « Nam-Jon-Yeo-Bi » qui signifie « l’homme est plus haut que la femme[7]Observatoire Pharos (2018), Les droits des femmes en Corée du Sud: désir d’émancipation, poids des traditions, Simon Godart: … Continue reading » expose le patriarcat qui marque la société sud-coréenne. Cette misogynie va de pair avec une montée de l’antiféminisme. Ce mouvement témoigne d’une tendance conservatrice chez les jeunes hommes sud-coréens, ce qui peut conduire à des actes de harcèlement en ligne à l’encontre des militantes féministes ainsi que des confrontations violentes lors de manifestations. Le féminisme et les idées qui y sont associées sont considérés comme étant trop radicaux pour une partie des Sud-coréen·nes. Ces tendances antiféministes se rendent visibles par plusieurs polémiques. Lors des Jeux Olympiques de Tokyo en juillet 2021, la triple championne olympique de tir à l’arc sud-coréenne, An San, a été critiquée en raison de sa coupe de cheveux, jugée trop courte, synonyme de « féminisme[8]Trouillard, S. (31 juillet 2021). Tokyo 2021: An San, trois médailles d’or et des critiques sur sa coupe de cheveux. … Continue reading ».

Ces mouvements antiféministes s’inscrivent dans la culture du viol présente dans la société sud-coréenne. Cette culture peut être expliquée par le contexte confucéen qui met l’accent sur les rôles genrés des hommes et des femmes, où les femmes sont censées être soumises et soutenir les hommes, tandis que les hommes sont censés être actifs et forts, et considérés comme beaucoup plus sexuels que les femmes. Selon Yeong-Ae Yamashita, auteure et professeure à l’université de Bunkyo au Japon, le confucianisme exige la pureté sexuelle des femmes et leur valeur ne dépend que de leur soumission sexuelle aux hommes[9]Seungjin Rhee, V. (16 mai 2017). Rape culture in South Korea. Korea Times. https://www.koreatimes.co.kr/www/opinion/2017/05/162_229470.html.

Les tentatives de réformes du Ministère du genre et de la famille

Afin de pallier les inégalités de genre omniprésentes dans la société sud-coréenne, en 2001, le Ministère du genre et de la famille voit le jour. Les tâches attribuées à ce Ministère concernent la mise en place de politiques nationales, la prévention des violences sexuelles, ainsi que l’encouragement de la participation des femmes à la vie politique. Ce Ministère a joué un rôle déterminant dans l’abolition du système d’enregistrement des familles Hojuje, qui a été aboli par l’Assemblée nationale de Corée le 2 mars 2005. Le système Hojuje, est un système de lignage de famille, qui est centré autour d’un chef de famille, le Hoju, majoritairement masculin. Ce système exigeait que les citoyens et citoyennes soient enregistrés sous le nom d’un chef de famille masculin, quel que soit leur statut matrimonial[10]Yim, E., Galmiche, F., Kim, K-M., Thévenet, S. (2010). Les mobilisations d’expertes jurists dans la construction d’une cause féministe : l’abolition du Hojuje en Corée du Sud, Nouvelles … Continue reading. En cas de divorce, les enfants sont enregistrés sous le système du père et la garde des enfants ne peut revenir à la mère.

De plus, depuis 2020, le Ministère a mis en place une coopération inter-agences pour la protection des jeunes à risque et des victimes de crimes sexuels numériques qui sont de plus en plus récurrents dans la société coréenne. Le phénomène « Molka », est une pratique qui consiste à mettre des caméras dans les cabines d’essayages pour femmes ou dans les toilettes publiques, afin que les images soient retransmises sur internet[11]Lespinasse, L. (1 avril 2019). La Corée du Sud face aux « molka », le scandale des femmes filmées à leur insu. Liberation. … Continue reading. Pendant l’initiative de la coopération inter-agence, le Ministère a également lancé, la même année, des campagnes de sensibilisation pour encourager les victimes à signaler les violences sexuelles et à demander de l’aide[12]Ministry of Gender Equality & Family. http://www.mogef.go.kr/eng/pr/eng_pr_s101d.do?mid=eng001. Des formations ont aussi été mises en place pour les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, afin de mieux identifier et signaler les cas de violences sexuelles.

En 2021, le gouvernement sud-coréen a annoncé une série de réformes supplémentaires pour lutter contre les violences sexuelles, y compris l’augmentation des peines maximales pour les auteurs de violences sexuelles et l’introduction de nouveaux mécanismes de protection pour les victimes[13]Tomiche, J. (24 septembre 2021). La Corée du Sud durci sa loi pour lutter contre les crimes sexuels sur Internet. Le Monde. … Continue reading.

Avec ce nouveau projet de loi, qui consistait à réviser la définition juridique du viol pour inclure les relations sexuelles non consenties dans la loi coréenne, le Ministère du genre et de la famille voulait une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles, objectif qui s’inscrit dans les réformes prises auparavant. Le représentant du parti au pouvoir, le Parti du pouvoir populaire (PPP), Kweon Seong-Dong a souligné que cette révision ne ferait qu’aggraver les conflits entre les sexes au sein de la société coréenne. Cependant, les chefs d’État successifs menacent de dissoudre ce ministère. Le président actuel, Yook Seok-Seol, conservateur et antiféministe, en avait fait une de ses promesses durant sa campagne électorale. Il a accusé le Ministère du genre et de la famille de considérer tous les hommes comme des « criminels sexuels potentiels[14]Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la « norme conservatrice », Marie-Violette Bernard: … Continue reading ».

La notion de consentement au cœur du débat sur la définition du viol

 En 2021, un rapport des Nations Unies a souligné la nécessité pour les gouvernements d’harmoniser les législations avec les normes internationales et que « l’absence de consentement de la victime devrait être au centre de toutes les définitions du viol[15]United Nations, (2021), Harmonization of criminal laws needed to stop rape – UN expert, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2021/06/harmonization-criminal-laws-needed-stop-rape-un-expert ». Pour Dubravka Simonic, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes : « Les États membres des Nations Unies doivent lutter contre l’impunité généralisée des auteurs de viol et le manque de justice pour les victimes, et doivent harmoniser leurs lois pénales avec le droit international des droits de l’homme, le droit pénal et le droit humanitaire[16]United Nations, (2021), Harmonization of criminal laws needed to stop rape – UN expert, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2021/06/harmonization-criminal-laws-needed-stop-rape-un-expert ». Le viol est reconnu par le droit international comme une violation des droits humains et une manifestation de la violence à l’égard des femmes et des filles qui pourrait équivaloir à de la torture, et les États ont l’obligation de mettre en place des législations le criminalisant tout en veillant à ce que les auteurs soient poursuivis[17]Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la « norme conservatrice », Marie-Violette Bernard: … Continue reading.

Même si une majorité des pays membres des Nations Unies criminalisent et pénalisent le viol, ils le font d’une manière qui n’est pas harmonisée avec les normes des droits humains et le droit international. Ces lacunes peuvent être dues à différentes raisons : la définition de la notion de viol, le délai dont dispose une victime pour signaler un crime, l’absence de criminalisation du viol conjugal, le manque d’égalité entre les sexes, etc… La Corée du Sud tente de remédier à ces déficiences mais le processus s’avère être difficile.

Pour Lee Eun-ei, avocate spécialisée dans les violences sexuelles, l’absence de la notion de consentement dans la définition du viol dans le droit sud coréen constitue une faille majeure dans le système juridique[18]Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape.  L’article 297 du code pénal sud-coréen définit le viol comme un rapport sexuel par « violence ou intimidation[19]Seoul Law Group, (2022): Rap, Imitative Rape, and Quasi Rape Sex Crime Law in south Korea: https://seoullawgroup.com/rape-law-korea/ ». Néanmoins, dans de nombreuses infractions de viol, la victime montre des signes de non-consentement à la fois verbalement et physiquement, mais les auteurs de ces crimes échappent à la condamnation car il n’y a pas de preuve de violence ou de menace.

Lors d’une enquête menée en 2019 par le Centre de secours coréen contre les violences sexuelles, les statistiques ont démontré que dans plus des deux tiers des cas de viol, les victimes ne sont pas directement confrontées à de la violence ou à des menaces[20]Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape. Une étude réalisée par des juristes et des avocat·es sud coréen·nes a établi la tendance des tribunaux à interpérter la loi de manière extrêmement restrictive, de sorte que pour qu’il y ait viol, il ne suffit pas qu’il y ait un acte de violence ou d’intimidation, mais plutôt que la victime soit incapable de résister[21]OHCHR (2020), Questionnaire on the Criminalization and Prosecution of Rape in the Republic of Korea … Continue reading. Les tribunaux trouvent également des circonstances atténuantes lorsqu’ils imposent des sanctions, comme le fait que l’auteur de l’infraction n’ait pas de casier judiciaire ou qu’il soit mentalement « faible» au moment où il commet le crime[22]Observatoire Pharos (2018), Les droits des femmes en Corée du Sud: désir d’émancipation, poids des traditions, Simon Godart: … Continue reading.

Mais des lacunes

Lorsque les femmes victimes de violences sexuelles se décident à porter plainte, elles décrivent souvent des mauvaises expériences voire traumatisantes auprès de la police. Le système judiciaire coréen ne traite pas les affaires de crimes sexuels de manière efficace.

En 2018, le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes des Nations unies s’est inquiété du faible taux de poursuites des auteurs de crimes sexuels malgré l’augmentation des cas signalés, ainsi que de la clémences des peines de prisons en Corée du Sud[23]HRW, (2021), Corée du Sud: les délits sexuels en ligne détruisent la vie des femmes, https://www.hrw.org/fr/news/2021/06/16/coree-du-sud-les-delits-sexuels-en-ligne-detruisent-la-vie-de-femmes. Plus de 63% des cas n’aboutissent à aucune action judiciaire. La procédure judiciaire est souvent une épreuve supplémentaire pour les victimes de crime sexuels[24]Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la «norme conservatrice », Marie-Violette Bernard. … Continue reading

Les victimes déplorent souvent le manque de femmes dans leur prise en charge car les policiers découragent les victimes de porter plainte en refusant d’accepter leurs plaintes ou en les accusant de porter des fausses accusations sans preuves. L’ancien président sud-coréen, Moon Jae-In, s’était engagé à mettre plus de femmes dans la police, au nombre de 15%[25]KIM Youngsik, « La réforme de la police en Corée du Sud : le chemin inachevé », dans : Jean-Charles Froment éd., Droit et politique. La circulation internationale des modèles en question. … Continue reading,  et de sanctionner plus durement les auteurs de crimes sexuels, lors de son mandat présidentiel.

Afin d’instaurer une meilleure prise en charge pour les victimes, des nouvelles équipes de police ont été formées. Des équipes de huit policiers, avec au minimum une femme par équipe. Néanmoins, le nombre de femmes policières est si faible en Corée du Sud qu’il est difficile de mettre en place ces nouvelles équipes[26]HRW, (2021), My life is not your Porn: https://www.hrw.org/report/2021/06/16/my-life-not-your-porn/digital-sex-crimes-south-korea#_ftn203. L’objectif de la réforme était d’augmenter le nombre de policières à 15% des 130 000 hommes en 2022, contre 13,4% en décembre 2020[27]Cha, S. (3 Novembre 2021). Stabbing sparks debate in S.Korea over passive policing and female officers. Reuters. … Continue reading.

L’association Human Right Watch, lors d’une enquête menée en 2020, a recueilli les témoignages de femmes policières qui déclarent se sentir « isolées, seules et ignorées pour les promotions[28]HRW, (2021), South Korea Report: https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/south-korea » dans un domaine majoritairement dominé par les hommes. Lors des manifestations de 2018, lors du mouvement « Mee too » les femmes ont scandé : « Nous voulons plus de femmes dans la police[29]HRW, (2021), My life is not your Porn: https://www.hrw.org/report/2021/06/16/my-life-not-your-porn/digital-sex-crimes-south-korea#_ftn203 ».

Un autre problème auquel font face les victimes est la lenteur des procédures judiciaires.  Pour Goh Yi gyeong, juriste et activiste, la durée des procédures judiciaires – qui peut aller au-delà d’un an[30]HRW, (2021), Corée du Sud: les délits sexuels en ligne détruisent la vie des femmes, https://www.hrw.org/fr/news/2021/06/16/coree-du-sud-les-delits-sexuels-en-ligne-detruisent-la-vie-de-femmes. Cette critique cible particulièrement les affaires de violences sexuelles ne permettant pas aux survivant·es d’aller de l’avant tant que la procédure se poursuit.

Une montée de l’antiféminisme depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel président

À la suite de la décision du ministère de la justice, des protestations et pétitions ont été mises en place par une partie de la population en Corée du Sud. Cela apparaît après la période du mouvement « Mee too » en 2018, mais des clivages profonds sont présents dans la société coréenne.

Depuis l’élection du président Yoon Suk Yeol, les mouvements antiféministes sont de plus en plus nombreux en Corée du Sud. Pendant sa campagne présidentielle, l’actuel président s’est fait remarquer par ses propos antiféministes ainsi que ses prises de position anti-LGBT, en s’opposant à la création d’une loi anti-discrimination[31]Clara Delhaye, “ La volonté de la suppression du Ministère de l’égalité des genres par le président Yoon Suk Yeol : reflet d’une société coréenne en proie à un anti-féminisme … Continue reading. Il affirme que les discriminations structurelles à l’égard des femmes n’existent pas, en ajoutant que ce n’est : « [qu’] un vieux dicton que les femmes sont traitées de manière inégale et que les hommes sont traités de manière supérieure en Corée du Sud[32]HRW, (2021), Corée du Sud: les délits sexuels en ligne détruisent la vie des femmes, https://www.hrw.org/fr/news/2021/06/16/coree-du-sud-les-delits-sexuels-en-ligne-detruisent-la-vie-de-femmes ».

Aujourd’hui, les femmes qui se considèrent comme « féministes » en Corée du Sud sont victimes de harcèlement et de moqueries en ligne. Des groupes antiféministes, de plus en plus nombreux, s’insurgent contre les féministes qu’ils jugent trop « radicales » ou encore «misandres». Bae In-Kiy, porte-parole du groupe antiféministe « Solidarité masculine » tient souvent des propos antiféministes sur sa chaîne YouTube qui rassemble des milliers de personnes[33]Fondation Jean Jaurès (2023), Le féminisme à l’épreuve du Masculinisme en Corée du Sud. https://www.jean-jaures.org/publication/le-feminisme-a-lepreuve-du-masculinisme-en-coree-du-sud/. Ces groupes sont actifs sur les réseaux sociaux et mènent régulièrement des campagnes antiféministes, leur permettant de gagner de l’influence dans le milieu politique.

Yoon Seok-youl a cherché à séduire cet électorat lors de la dernière campagne présidentielle afin d’être élu[34]KIM Youngsik, « La réforme de la police en Corée du Sud : le chemin inachevé », dans : Jean-Charles Froment éd., Droit et politique. La circulation internationale des modèles en question. … Continue reading. Une stratégie qui a été concluante car une majorité des hommes coréens de moins de 30 ans ont voté pour lui lors de la dernière élection présidentielle, en mars dernier. Cependant, Yoon Suk-yeol remporte la présidentielle avec moins d’un point d’avance sur son adversaire. Ce fut l’élection la plus serrée de l’histoire de la Corée du Sud[35]Gunia, A. (10 mars 2022), How South Korea’s Yoon suk-yeol capitalized anti-feminist backlash to win the presidency. Time.https://time.com/6156537/south-korea-president-yoon-suk-yeol-sexism/.

Une société plus divisée que jamais

 Malgré son développement fulgurant, la société sud-coréenne reste très conservatrice sur les questions d’égalité. Avec le rejet de la révision de la définition du viol par le Ministère de la Justice, les victimes de violences sexuelles se retrouvent face à un système injuste et très inégalitaire.

De plus, les menaces de suppression du Ministère du genre et de la famille par le président en fonction a permis la montée en puissance des mouvements antiféministe, qui ont été séduit par les propos sexistes tenus par le président lors de la campagne présidentielle.

Enfin, avec les mouvements anti féministes de plus en plus nombreux, la société sud-coréenne se trouve divisée avec des clivages de plus en plus profonds.

Pour citer cette production: PENDA, Mathilde, « La Notion de viol en Corée du Sud », (06/04/2023), Institut du Genre en Géopolitique. igg-geo.org/?p=12179

Les propos contenus dans cet écrit n’engagent que l’autrice.

References

References
1 Buzzfeed (2016), Le meutre d’une femme à Seoul emeut la Corée du Sud, Jules Darmanin: https://www.buzzfeed.com/fr/julesdarmanin/le-meurtre-dune-femme-a-seoul-emeut-la-coree-du-sud
2 Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape
3, 5 Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape
4 Nicola Smith. (27 août 2017). Almost 80% of South Korean men have abused girlfriend, study claims. The Telegraph. https://www.telegraph.co.uk/news/2017/08/24/almost-80-south-korean-men-have-abused-girlfriend-study-claims/
6 Yun J. (2019). Féminisme en Corée, Esprit, 4, 23-24. https://doi.org/10.3917/espri.1904.0023
7 Observatoire Pharos (2018), Les droits des femmes en Corée du Sud: désir d’émancipation, poids des traditions, Simon Godart: https://www.observatoirepharos.com/pays/republique-de-coree/droits-femmes-coree-sud-desir-demancipation-poids-traditions-fr/
8 Trouillard, S. (31 juillet 2021). Tokyo 2021: An San, trois médailles d’or et des critiques sur sa coupe de cheveux. FranceTV.https://www.france24.com/fr/sports/20210731-tokyo-2021-an-san-trois-m%C3%A9dailles-d-or-et-des-critiques-sur-sa-coupe-de-cheveux
9 Seungjin Rhee, V. (16 mai 2017). Rape culture in South Korea. Korea Times. https://www.koreatimes.co.kr/www/opinion/2017/05/162_229470.html
10 Yim, E., Galmiche, F., Kim, K-M., Thévenet, S. (2010). Les mobilisations d’expertes jurists dans la construction d’une cause féministe : l’abolition du Hojuje en Corée du Sud, Nouvelles questions féministes, (Vol.29), 61-74, https://doi.org/10.3917/nqf.291.0061
11 Lespinasse, L. (1 avril 2019). La Corée du Sud face aux « molka », le scandale des femmes filmées à leur insu. Liberation. https://www.liberation.fr/planete/2019/04/01/la-coree-du-sud-face-au-molka-le-scandale-des-femmes-filmees-a-leur-insu_1718188/
12 Ministry of Gender Equality & Family. http://www.mogef.go.kr/eng/pr/eng_pr_s101d.do?mid=eng001
13 Tomiche, J. (24 septembre 2021). La Corée du Sud durci sa loi pour lutter contre les crimes sexuels sur Internet. Le Monde. https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/24/la-coree-du-sud-durcit-sa-loi-pour-lutter-contre-les-crimes-sexuels-sur-internet_6095925_3210.html
14 Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la « norme conservatrice », Marie-Violette Bernard: https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/yoon-suk-yeol-le-president-antifeministe-qui-veut-ramener-la-coree-du-sud-dans-la-norme-conservatrice_5103571.html
15, 16 United Nations, (2021), Harmonization of criminal laws needed to stop rape – UN expert, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2021/06/harmonization-criminal-laws-needed-stop-rape-un-expert
17 Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la « norme conservatrice », Marie-Violette Bernard: https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/yoon-suk-yeol-le-president-antifeministe-qui-veut-ramener-la-coree-du-sud-dans-la-norme-conservatrice_5103571.html
18, 20 Human Right Watch (2023), South Korea Cancels Plans to Update Definition of Rape, Susane Bergsten: https://www.hrw.org/news/2023/02/01/south-korea-cancels-plans-update-definition-rape
19 Seoul Law Group, (2022): Rap, Imitative Rape, and Quasi Rape Sex Crime Law in south Korea: https://seoullawgroup.com/rape-law-korea/
21 OHCHR (2020), Questionnaire on the Criminalization and Prosecution of Rape in the Republic of Korea (ROK):https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/Women/SR/RapeReport/Others/135-south-korea.pdf
22 Observatoire Pharos (2018), Les droits des femmes en Corée du Sud: désir d’émancipation, poids des traditions, Simon Godart: https://www.observatoirepharos.com/pays/republique-de-coree/droits-femmes-coree-sud-desir-demancipation-poids-traditions-fr/
23 HRW, (2021), Corée du Sud: les délits sexuels en ligne détruisent la vie des femmes, https://www.hrw.org/fr/news/2021/06/16/coree-du-sud-les-delits-sexuels-en-ligne-detruisent-la-vie-de-femmes
24 Francetvinfo.fr, (2022), Yoon Suk-yeol, le président antiféministe qui veut ramener la Corée du Sud dans la «norme conservatrice », Marie-Violette Bernard. https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/yoon-suk-yeol-le-president-antifeministe-qui-veut-ramener-la-coree-du-sud-dans-la-norme-conservatrice_5103571.html
25 KIM Youngsik, « La réforme de la police en Corée du Sud : le chemin inachevé », dans : Jean-Charles Froment éd., Droit et politique. La circulation internationale des modèles en question. FONTAINE, Presses universitaires de Grenoble, « Droit et action publique », 2014, p. 265-274. https://www.cairn.info/droit-et-politique–9782706121364-page-265.htm
26 HRW, (2021), My life is not your Porn: https://www.hrw.org/report/2021/06/16/my-life-not-your-porn/digital-sex-crimes-south-korea#_ftn203
27 Cha, S. (3 Novembre 2021). Stabbing sparks debate in S.Korea over passive policing and female officers. Reuters. https://www.reuters.com/world/asia-pacific/stabbing-sparks-debate-skorea-over-passive-policing-female-officers-2021-11-23/
28 HRW, (2021), South Korea Report: https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/south-korea
29 HRW, (2021), My life is not your Porn: https://www.hrw.org/report/2021/06/16/my-life-not-your-porn/digital-sex-crimes-south-korea#_ftn203
30, 32 HRW, (2021), Corée du Sud: les délits sexuels en ligne détruisent la vie des femmes, https://www.hrw.org/fr/news/2021/06/16/coree-du-sud-les-delits-sexuels-en-ligne-detruisent-la-vie-de-femmes
31 Clara Delhaye, “ La volonté de la suppression du Ministère de l’égalité des genres par le président Yoon Suk Yeol : reflet d’une société coréenne en proie à un anti-féminisme croissant ”, 31.10.2022, Institut du Genre en Géopolitique, https://igg-geo.org/?p=9247
33 Fondation Jean Jaurès (2023), Le féminisme à l’épreuve du Masculinisme en Corée du Sud. https://www.jean-jaures.org/publication/le-feminisme-a-lepreuve-du-masculinisme-en-coree-du-sud/
34 KIM Youngsik, « La réforme de la police en Corée du Sud : le chemin inachevé », dans : Jean-Charles Froment éd., Droit et politique. La circulation internationale des modèles en question. FONTAINE, Presses universitaires de Grenoble, « Droit et action publique », 2014, p. 265-274. https://www.cairn.info/droit-et-politique–9782706121364-page-265.htm
35 Gunia, A. (10 mars 2022), How South Korea’s Yoon suk-yeol capitalized anti-feminist backlash to win the presidency. Time.https://time.com/6156537/south-korea-president-yoon-suk-yeol-sexism/