Les implications du « hikikomori » ou retrait social prolongé sur les femmes au Japon

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Apolline Legras

02/02/2024

Le phénomène d’hikikomori concerne plusieurs centaines de milliers de Japonais·es et a poussé des sociologues, des anthropologues, des psychologues et des psychiatres à collaborer afin de le comprendre[1]Tajan, N. (2015). À propos d’hikikomori. Adolescence, 333, 643-648.  https://doi.org/10.3917/ado.093.0643. Il renvoie à la situation vécue par un·e jeune reclus·e depuis au moins 6 mois dans son domicile et qui n’envisage plus d’avoir de liens sociaux. Le terme d’hikikomori tire sa racine du verbe hikikomoru qui signifie « s’enfermer chez soi, se cloîtrer ». Le phénomène d’hikikomori conduit à la formation d’une « société sans relation » (muenshakai), au sein de laquelle les coutures du tissu social s’effilochent[2]Allison, A. (2012). Ordinary Refugees: Social Precarity and Soul in 21st Century Japan. Anthropological Quarterly, 85(2), 345–370. http://www.jstor.org/stable/41857246.

Si l’hikikomori a été formellement identifié en 1998 par le psychiatre japonais Tamaki Saito, dans son ouvrage intitulé Retrait social, une adolescence qui n’en finit pas, il s’agit d’un phénomène ancien. Toutefois, la dimension sociale de l’hikikomori et son ampleur grandissante dans la société japonaise a conduit le gouvernement à créé un Comité d’experts, chargé d’établir des outils de diagnostiques standardisés, qui ont été réunis au sein de l’Hikikomori Behavior Checklist[3]Sajus, N. (2021). Adolescence recluse et refus de l’altérité : le phénomène Hikikomori. Empan, 124, 117-124. DOI : 10.3917/empa.124.0117. 

Bien que l’hikikomori ait d’abord été considéré comme un phénomène exclusivement japonais, à partir des années 2010 le gouvernement nippon a attribué des fonds à des chercheur·ses afin qu’iels étudient ce phénomène en dehors du territoire japonais. L’objectif était d’éviter toute association du concept d’hikikomori avec l’idée d’un « culture bound syndrom »[4]D’après l’Association américaine de psychologie, il s’agit d’un type de maladie mentale, de détresse et/ou de symptômes qui est propre à une population ethnique ou culturelle et … Continue reading, qui sous entendrait que la société japonaise serait à l’origine du mal-être touchant une partie des jeunes du pays[5]Kato, T. (2012). Does the ‘hikikomori’ syndrome of social withdrawal exist outside Japan? A preliminary international investigation. Social psychiatry and psychiatric epidemiology, 47(7), … Continue reading.

Le phénomène d’hikikomori est généralement associé aux jeunes hommes, qui sont statistiquement plus touchés par cette situation, ils représentent 76% des individus touchés par l’hikikomori[6]Watts J. (2002). Public health experts concerned about « hikikomori ». Lancet (London, England), 359(9312), 1131. https://doi.org/10.1016/s0140-6736(02)08186-2. Ainsi, l’Oxford dictionary définit ce retrait comme un « évitement anormal du contact social, typiquement chez les garçons »[7]Pionnié-Dax, N. (2014). Expériences de retrait au Japon : Réflexions et regards croisés sur le phénomène Hikikomori. L’Autre, 15, 64-74. https://doi.org/10.3917/lautr.043.0064. L’impact de l’hikikomori sur les femmes est similaire à celui qu’il peut avoir sur les hommes, à l’instar de l’isolement social et de la détérioration de la santé mentale de l’individu affecté par ce phénomène. L’hikikomori n’est donc pas exclusif à un genre. Les facteurs explicatifs de l’apparition du retrait social diffèrent en fonction du genre de la personne concernée, à l’image des stéréotypes liés au mariage et à la maternité, et à l’interaction de ces deux évènements avec la perspective d’un épanouissement professionnel[8]Sajus, N. (2021). Adolescence recluse et refus de l’altérité : le phénomène Hikikomori. Empan, 124, 117-124. DOI : 10.3917/empa.124.0117.

Il existe deux types d’hikikomori, d’une part celui primaire associé à un choix de posture sociale et faisant référence à la décision délibérée d’adopter un comportement spécifique,  soit du retrait social. Cela implique une réflexion consciente de l’individu·e sur la manière dont iel souhaite être perçu·e dans un contexte social donné. Pour l’anthropologue Mark Nichter, le retrait est un « idiome de détresse » lié à une préférence négative et à une forme d’agir passif[9]Nichter M. (1981). Idioms of distress: alternatives in the expression of psychosocial distress: a case study from South India. Culture, medicine and psychiatry, 5(4), 379–408. … Continue reading. D’autre part, l’hikikomori secondaire renvoie à une souffrance psychique, qui nécessite une prise en charge de la personne par un psychologue.

Dans cet article, l’hikikomori primaire est étudié, en tant que forme de liberté dont se saisisse les femmes japonaises dans le but de se mettre en marge d’une société dont elles rejettent les normes[10]Sajus, N. (2021). Adolescence recluse et refus de l’altérité : le phénomène Hikikomori. Empan, 124, 117-124. DOI : 10.3917/empa.124.0117. Il est alors intéressant de se demander dans quelle mesure le phénomène d’hikikomori est-il le reflet du mal-être des femmes japonaises vis-à-vis des difficultés d’émancipation auxquelles elles font face ?

L’hikikomori comme produit d’une société hyper normée

L’explication du phénomène d’hikikomori peut être d’ordre socio-économique. Le Japon a connu une croissance économique importante des années 1960 aux années 1980, le pays est alors devenu une superpuissance industrielle mondiale. Toutefois, les années 1990 surnommées la « décennie perdue » ont été marquées par une explosion du phénomène d’hikikomori, notamment dû au resserrement des opportunités de travail pour les jeunes diplômé·es et à la disparition de l’effectivité de la notion « d’emploi à vie »[11]Pionnié-Dax, N. (2014). Expériences de retrait au Japon : Réflexions et regards croisés sur le phénomène Hikikomori. L’Autre, 15, 64-74. https://doi.org/10.3917/lautr.043.0064. En outre, l’entrée dans le monde du travail a été associée par la jeunesse japonaise à un renoncement de sa liberté et de son originalité. Ainsi, la réalisatrice Maho Yoshida assimile, dans son court métrage d’animation intitulé « La Rhapsodie du recrutement », les jeunes travailleur·ses japonais·es à  « une foule de futurs esclaves d’entreprises très motivés, très compétitifs et tous habillés de façon semblable »[12]La « Rhapsodie du recrutement », l’enfer du premier emploi au Japon. (2016). L’Obs. La « Rhapsodie du recrutement », l’enfer du premier emploi au Japon (nouvelobs.com).   

Ces transformations socio-économiques ont favorisé l’émergence d’un sentiment de contraintes et de pressions liées à la réussite chez les jeunes générations. La peur de l’échec et de la honte s’est alors répandue dans la société japonaise, donnant naissance au mouvement d’otaku. L’otaku renvoie généralement à une personne passionnée par un intérêt spécifique, à l’image de l’animation japonaise, des mangas ou encore des jeux vidéo. Cette caractéristique le différencie de l’hikikomori qui a perdu toute forme d’intérêt pour les produits du monde extérieur. En outre, les individus appartenant au mouvement otaku ne se retirent pas nécessairement de la vie sociale, contrairement à l’hikikomori. Le mouvement d’Otaku est lié à la tendance des jeunes à essayer d’éviter l’entrée dans la vie active et de prolonger le moratoire de la jeunesse. Ces jeunes sont qualifiés de NEET (not in employment, education or training)[13]Pionnié-Dax, N. (2014). Expériences de retrait au Japon : Réflexions et regards croisés sur le phénomène Hikikomori. L’Autre, 15, 64-74. https://doi.org/10.3917/lautr.043.0064 et sont particulièrement exposés au risque de suicide, dans un pays où le nombre de personnes au chômage mettant fin à leurs jours à doubler entre 2021 et 2022[14]Suicide rate up in Japan, doubles among unemployed. (2023). Anadolu Agency.  Suicide rate up in Japan, doubles among unemployed (aa.com.tr).

L’hikikomori est aussi lié à une absence d’identification de l’adolescent·e dans les modèles et les modes de vie proposés par la société japonaise. L’objectif de ces jeunes est de sortir du seken qui renvoie au réseau de relations sociales entourant l’individu·e et émettant des jugements moraux sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire au sein de la société[15]Pionnié-Dax, N. (2014). Expériences de retrait au Japon : Réflexions et regards croisés sur le phénomène Hikikomori. L’Autre, 15, 64-74. https://doi.org/10.3917/lautr.043.0064. Ce phénomène s’inspire d’une approche nihiliste, évocatrice de l’idée d’absurdité de la vie et de l’inexistence de morale et de vérité[16]Sajus, N. (2021). Adolescence recluse et refus de l’altérité : le phénomène Hikikomori. Empan, 124, 117-124. DOI : 10.3917/empa.124.0117.

L’hikikomori est aussi une réaction à la pression scolaire subie par les enfants et les adolescant·es japonais·es. Dès leur plus jeune âge, les enfants japonais·es sont encouragés à étudier de façon intensive et à exceller à l’école. Cette pression peut être écrasante, provoquer de l’anxiété et contribuer à l’apparition de l’hikikomori[17]Teo, A. (2010). Hikikomori, a Japanese culture-bound syndrome of social withdrawal?: A proposal for DSM-5. The Journal of nervous and mental disease, 198(6), 444–449. … Continue reading.

La société japonaise accorde, en outre, une importance notable à la conformité, ce qui peut être particulièrement anxiogène pour les personnes qui ne s’identifient pas aux rôles traditionnels attribués aux hommes et aux femmes. Ces personnes se sentent alors isolées, incomprises et avoir l’impression de ne pas avoir leur place dans la société japonaise[18]Japan was already grappling with isolation and loneliness. The pandemic made it worse. (2023). CNN.Japan’s hikikomori: Social recluses became more isolated during Covid pandemic | CNN. La socialisation des enfants japonais·es est axée sur la communication non verbale, liée à la capacité à « sentir l’atmosphère » (kûti) qui implique pour l’enfant de constamment savoir s’ajuster au groupe dans lequel iel évolue. La construction du « soi » au Japon est dès lors inséparable du rapport à l’autre. Cela renvoie à l’apprentissage d’un « être ensemble » lié à l’idée de disparition de toute caractéristique individuelle. Les enfants et les adolescent·es doivent ainsi mobiliser en permanence la représentation de soi[19]Pionnié-Dax, N. (2014). Expériences de retrait au Japon : Réflexions et regards croisés sur le phénomène Hikikomori. L’Autre, 15, 64-74. https://doi.org/10.3917/lautr.043.0064.

De plus, les interactions sociales sont souvent très structurées et hiérarchisées au Japon. Il peut, de fait, être difficile pour un·e individu·e en détresse émotionnelle de se tourner vers autrui. En 2015, le Japon ne comptait que 206 pédopsychiatres certifié·es, en conséquence la prise en charge médico-psychologique des enfants et des adolescent·es touché·es par l’hikikomori est faible[20]Tajan, N. (2015). À propos d’hikikomori. Adolescence, 333, 643-648.  https://doi.org/10.3917/ado.093.0643.

Outre les attentes sociales générales qui peuvent contribuer à l’hikikomori chez les femmes comme chez les hommes, il existe également des facteurs spécifiques aux femmes. En premier lieu, la société japonaise assimile les femmes à des ménagères et des soignantes, il s’agit aussi d’une source potentielle de stress et d’anxiété pour les femmes qui ne souhaitent pas remplir ces rôles. Certaines femmes se sentent, en conséquence, piégées et insatisfaites, ce qui facilite l’apparition de l’hikikomori[21]Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population. (2023). The Japan News. Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population – The Japan News yomiuri.co.jp.

Les nombreuses responsabilités familiales qui incombent aux femmes japonaises peuvent entrer en conflit avec leur désir de grimper les échelons au niveau professionnel. Le manque de reconnaissance des aspirations professionnelles des femmes est aussi au cœur du phénomène d’hikikomori. Bien que les Japonaises soient de plus en plus nombreuses à entrer sur le marché du travail, elles rencontrent des difficultés à être reconnues pour leurs réalisations professionnelles. 

D’une part, le harcèlement au travail au Japon joue un rôle significatif dans l’augmentation du nombre de femmes hikikomori. Les femmes confrontées à des environnements professionnels toxiques, où le harcèlement est présent, peuvent développer un profond mal-être psychologique. D’après une enquête réalisée en 2022 par le Ministère de la santé, du travail et de la protection sociale du Japon, 34,8 % des employé·es âgé·es de 20 à 49 ans avaient fait l’objet d’une forme de harcèlement sur leur lieu de travail. Parmi les différentes formes de harcèlement existantes, les plus courantes sont le harcèlement moral (32,8 %) et le harcèlement sexuel (12 %)[22]Harcèlement au travail : un tiers des employés au Japon en ont fait l’expérience. (2022). Nippon. Harcèlement au travail : un tiers des employés au Japon en ont fait l’expérience | … Continue reading.

D’autre part, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes au Japon, évalué à 22,5 % par l’OCDE en 2022, exerce une pression significative sur les Japonaises, contribuant ainsi à l’essor du phénomène d’hikikomori[23]OCDE. (2023), Reporting Gender Pay Gaps in OECD Countries : Guidance for Pay Transparency Implementation, Monitoring and Reform, Gender Equality at Work. OCDE.  https://doi.org/10.1787/ea13aa68-en. Cette disparité salariale est l’une des plus élevées parmi les pays de l’OCDE et crée des conditions économiques difficiles pour les femmes qui, de fait, gagnent moins que leurs homologues masculins. Les causes profondes de cet écart résident dans la ségrégation professionnelle japonaise, au sein de laquelle les femmes sont plus enclines à occuper des postes à faible rémunération. Bien que le gouvernement japonais ait mis en place des lois visant à lutter contre ces écarts, à l’image de la loi sur l’égalité des rémunérations entre femmes et hommes en 1985, et de celle sur l’égalité des chances en matière d’emploi en 1997, ainsi que des programmes de sensibilisation, les disparités en matière de rémunération persistent[24]Thomann, B. (2005). La question de l’emploi féminin dans le développement et les mutations de la politique sociale de l’État japonais depuis le début de l’ère Meiji. Le … Continue reading. Cette inégalité économique exerce une pression supplémentaire sur les Japonaises. Cette situation peut être décourageante pour les femmes ambitieuses qui souhaitent poursuivre leurs objectifs professionnels. Les femmes qui ont l’impression que leurs réalisations ne sont pas valorisées peuvent avoir le sentiment de ne pas avoir leur place dans la société[25]Yong, R. (2020). Characteristics of and gender difference factors of hikikomori among the working-age population: A cross-sectional population study in rural Japan. DOI : 10.11236/jph.67.4_237. PMID: … Continue reading.

Par ailleurs, le phénomène d’hikikomori chez les Japonaises tend à s’étendre aux femmes d’âge chukonen (d’âge moyen à avancé).  L’un des facteurs qui peut être évoqué est celui de la division traditionnelle du travail entre les genres, qui rend plus « acceptable » et qui encouragerait les femmes à centrer leur vie sur l’espace domestique. L’isolement domestique a été banalisé au sein de la société japonaise, comme le rapporte une femme hikikomori selon laquelle « « c’était [leur] travail ». Si leur profession – comme toutes les autres – comportait certains risques, il leur incombait de trouver le moyen de les minimiser »[26]Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population. (2023). The Japan News. Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population – The Japan News (yomiuri.co.jp). En somme, l’absence de contestation de certaines femmes de l’assignation sexuée des rôles domestiques ne doit pas conduire à penser qu’elles n’ont pas conscience des conditions et des limites de leur propre vie[27]Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population. (2023). The Japan News. Older, Female and Hikikomori: Japan’s Newly Precarious Population – The Japan News (yomiuri.co.jp).

Les outils de lutte contre le phénomène d’hikikomori à disposition des femmes japonaises

Les mouvements féministes jouent un rôle crucial dans la lutte contre le phénomène d’hikikomori chez les jeunes filles japonaises en offrant une perspective de liberté de choix et d’expression. Les luttes féministes visent à émanciper les femmes en remettant en question les normes et les attentes traditionnelles qui peuvent contribuer à ce retrait social. En encourageant la liberté de choix, les mouvements féministes offrent aux jeunes filles et aux femmes la possibilité de définir leur propre trajectoire, de s’affranchir des contraintes normatives et de forger un avenir qui correspond à leurs aspirations individuelles. Ainsi, en contribuant à remodeler les normes sociales et les attentes imposées aux femmes, les mouvements féministes s’érigent en remparts contre le phénomène d’hikikomori en permettant aux jeunes filles et aux femmes de trouver un espace d’épanouissement et de réalisation personnelle.

Les mouvements féministes japonais ont créé un lien avec les femmes nippones au travers de l’utilisation de journaux, qui ont accéléré la diffusion des idées féministes dans le pays. Au début du XXe siècle, des journaux comme Seitō (La Voix des femmes) qui a publié des articles sur des sujets comme le mariage, le divorce, l’éducation et le travail des femmes, ont permis aux femmes de se rendre compte qu’elles n’étaient pas seules dans la confrontation aux inégalités de genre. Les journaux ont ainsi donné la possibilité aux femmes de se connecter entre elles et de partager leurs expériences. Les associations ont également contribué à la mobilisation des Japonaises en organisant des événements au cours desquels elles pouvaient se rencontrer et se soutenir mutuellement. Au début du XXe siècle, des associations comme la Ligue pour l’émancipation des femmes ont été à l’origine d’une campagne pour le droit de vote des femmes. Cette dernière a été un succès et le Japon a accordé le droit de vote à ses citoyennes en 1947[28]Lukyantseva, P. (2023). The Evolution of Feminism in Japan: Issues of Gender and the Perception of Japanese Women. Sexuality and Gender Studies Journal. DOI:10.33422/sgsj.v1i1.194.

En outre, l’émergence des réseaux sociaux a permis aux mouvements féministes japonais de toucher un public plus large. À partir du XXIe siècle, des réseaux sociaux comme Twitter et Facebook ont été utilisés pour diffuser des informations relatives à des questions féministes et ont été un vecteur des revendications des femmes japonaises, à l’image du mouvement #KuToo de 2019, dénonçant l’obligation pour les femmes de porter des talons hauts au travail[29]Junxiao, L. (2021). Painful Connections: The « Making » of the #KuToo Online Feminist Movement in Japan. U.S.-Japan Women’s Journal, 60, 52 – 83. DOI:10.1353/jwj.2021.0006.

Concernant le phénomène d’hikikomori, des organisations ont été créés dès l’identification des premiers cas de retrait social, à l’image de la New Life Style Planning Association, fondée par Tamaki Saito en 1993 et qui propose des services de thérapie de groupe et de formation professionnelle pour les femmes hikikomori. À partir des années 2000, des organisations spécialisées dans le cas des femmes hikokomori ont commencé à apparaître, à l’instar de l’Hikikomori Support Net for Women, fondé en 2005 par Kyoko Hayashi, une ancienne femme hikikomori. Cette organisation offre un éventail de services, comprenant des thérapies, des réunions de groupe et des ateliers éducatifs visant à accompagner les femmes hikikomori dans leur rétablissement. Le nombre d’associations de femmes hikikomori continue d’augmenter chaque année, ce qui témoigne de l’urgence et de l’ampleur du phénomène. À titre d’exemple, l’Hikikomori Women’s Network créé en 2023 organise des évènements visant à favoriser le lien social et l’entraide entre les femmes[30]« J’étais comme un cadavre vivant » : une ancienne « hikikomori » témoigne.(2020).Nippon.https://www.nippon.com/fr/in-depth/g00472/.

Le numérique et la vie virtuelle ont aussi joué un rôle important dans la vie des femmes hikikomori. Pour beaucoup d’entre elles, la vie virtuelle procure un sentiment de connexion et d’appartenance qu’elles ne trouvent plus dans le monde réel. Le numérique offre un espace sûr où elles peuvent explorer leurs centres d’intérêt. En outre, les technologies de l’information et de la communication permettent aux femmes hikikomori d’entrer en contact avec d’autres personnes qui partagent leurs expériences. Elles peuvent ainsi rejoindre des forums en ligne non mixtes, des salons de discussion et des groupes de médias sociaux où elles sont susceptibles de  trouver une forme de soutien. Les ressources en ligne fournissent, au surplus, aux femmes hikikomori des informations sur les problèmes liés à la santé mentale, les mécanismes d’adaptation et les possibilités de traitement. Elles peuvent également entrer en contact avec des thérapeutes et d’autres professionnels de la santé à même de leur proposer des conseils et des thérapies en ligne. À titre d’exemple, l’Hikikomori Support Network fonctionne comme un site web et un forum en ligne fournissant des ressources et un espace de soutien pour les femmes hikikomori[31]Vellut, N. (2017). Retirés et connectés, les hikikomori et les écrans. Revue de l’enfance et de l’adolescence, 95, 145-164. https://doi.org/10.3917/read.095.0145.

De plus, les avatars ont permis aux étudiant·es hikikomori de participer à des cours sans avoir à quitter leur domicile. En cela, iels ont pu maintenir l’existence d’un lien minimal avec le monde extérieur sans renoncer à leurs études. Les avatars numériques sont des représentations d’un·e utilisateur·ice sur un ordinateur ou un appareil mobile. Ils peuvent être personnalisés pour ressembler à l’utilisateur·ice ou à un personnage. Ils ont été utilisés pour la première fois par des étudiant·es hikikomori japonais en 2020, au travers de l’utilisation de l’application « Hikikomori Virtual School », créée par l’entreprise japonaise Glovis. L’application a été un succès et a été utilisée par des milliers d’étudiant·es hikikomori, les aidant ainsi à se sentir plus à l’aise au sein de l’environnement scolaire[32]A Tokyo esports school coaxes dropouts back to class. (2023).The Japan Times.A Tokyo esports school coaxes dropouts back to class – The Japan Times.

Néanmoins, si le numérique et la vie virtuelle peuvent apporter un sentiment de connexion et de soutien aux femmes hikikomori au Japon, ils sont aussi à l’origine de l’exposition des jeunes à différents dangers. Ainsi, le cyberharcèlement exacerbe la vulnérabilité sociale des jeunes hikikomori. Les plateformes en ligne deviennent alors des lieux où ces jeunes font l’expérience d’intimidation, de stigmatisation, voire d’agressions verbales. Le cyberharcèlement aggrave leur isolement, compromet leur santé mentale déjà fragile et rend encore plus difficile le processus de réintégration sociale[33]Gavin, J. (2022). The Relationship Between Hikikomori Risk and Internet Use During COVID-19 Restrictions. Cyberpsychology, behavior and social networking, 25(3), 189–193. … Continue reading.

Les politiques publiques d’éducation et d’emploi des femmes comme facteur du phénomène d’hikikomori

Si les mouvements féministes sont au cœur de la lutte contre le phénomène d’hikikomori, la réception de leurs revendications est intrinsèquement liée au spectre idéologique du gouvernement en place. Cela renvoie à l’effet « parti pris » des partis politiques qui est marqué par la tendance des gouvernements de gauche à mieux représenter les femmes et à mieux se saisir des questions qui les concernent[34]Swers, Michele L. (2013), Women in the Club: Gender and Policy Making in the Senate, Chicago, IL: University of Chicago Press. Par exemple, lorsque l’ancien Premier Ministre Abe (2006-2007 et 2012-2020), appartenant au Parti libéral-démocrate a traité la question de l’accès des femmes à l’emploi, il a adopté une approche objectifiante qualifiant les femmes de « ressources sous-utilisées »[35]Shim, J. (2018). Mind the Gap! Comparing Gender Politics in Japan and Taiwan. German Institute of Global and Area Studies (GIGA). http://www.jstor.org/stable/resrep24802. La déclaration de l’ancien Premier Ministre Abe reflète une ligne politique qui a pu contribuer à pousser certaines femmes à adopter un mode de vie hikikomori. Au travers de cette déclaration, le Premier Ministre a réduit les femmes à un simple potentiel économique, négligeant leurs aspirations individuelles, leurs choix de vie et leur bien-être. Pour certaines femmes, cette vision réductrice pourrait avoir renforcé leur résistance à intégrer un marché du travail, perçu comme dévalorisant et déshumanisant. Cette remarque renforce l’idée que la façon dont la société japonaise envisage le rôle des femmes peut avoir un impact profond sur leurs choix de vie.

En outre, des travaux empiriques menés dans différentes régions du monde ont démontré que plus le nombre de femmes législatrices est élevé, plus les questions relatives aux droits des femmes entrent dans les débats parlementaires et produisent des résultats politiques pertinents[36]Burrell, B. (2006). Looking for Gender in Women’s Campaigns for National Office in 2004 and Beyond: In What Ways Is Gender Still a Factor? Politics & Gender, 2(3), 354–362. … Continue reading. Or, le système politique japonais rend difficile la promotion de l’égalité entre les genres. Le système parlementaire marginalise le rôle des législateur·ices, cela tend à limiter l’impact des efforts des femmes parlementaires. Ces dernières sont, au surplus, largement minoritaires au sein du Parlement (5% en 1992[37]Burrell, B. (2006). Looking for Gender in Women’s Campaigns for National Office in 2004 and Beyond: In What Ways Is Gender Still a Factor? Politics & Gender, 2(3), 354–362. … Continue reading et 10% en 2024[38]Les femmes dans le parlement. (2024). Union interparlementaire. Japon | Union Interparlementaire (ipu.org)). Cela s’explique par le fait que les campagnes des élections législatives japonaises supposent une importante présence physique des candidat·es dans les circonscriptions. Néanmoins, en raison des nombreuses obligations familiales qui incombent aux Japonaises, un tel engagement peut être difficile à respecter[39]Miura, M. (2018). Does “constituency facetime” reproduce male dominance? Insights from Japan’s   mixed-member majoritarian electoral system. International Political Science Association. 2018 … Continue reading. De plus, une fois élues les législatrices doivent construire des réseaux au niveau local afin d’assurer leur maintien dans la circonscription. Cela ne leur laisse que peu de temps pour promouvoir des politiques ayant des implications à l’échelle nationale[40]Shim, J. (2018). Mind the Gap! Comparing Gender Politics in Japan and Taiwan. German Institute of Global and Area Studies (GIGA). http://www.jstor.org/stable/resrep24802

L’opposition marquée des mouvements conservateurs à l’entrée des femmes japonaises au Parlement a aussi significativement exacerbé le phénomène d’hikikomori au sein de la société. En limitant l’accès des femmes à des postes de pouvoir et d’influence, ces mouvements contribuent à perpétuer des structures sociales discriminatoires et patriarcales, renforçant ainsi le sentiment d’isolement et d’impuissance parmi les jeunes femmes japonaises. 

Les groupes conservateurs japonais ont aussi pris pour cible l’éducation sexuelle et d’éducation sans genre. Le concept « d’éducation sans genre » est issu du terme « d’éducation non sexiste », utilisé pour la première fois par la Tokyo Women’s Foundation. Il désigne l’absence de préjugés sexistes dans l’éducation et est lié à la nécessité de faire évoluer l’opinion publique japonaise L’objectif de l’application de ce concept est de modifier les structures conduisant à l’émergence de discriminations dans le système éducatif japonais. Il renvoie notamment à l’usage de matériel éducatif plus inclusif à l’image de manuels scolaires ne véhiculant aucun stéréotype de genre, ou encore à la formation des enseignant·es afin de les sensibiliser aux questions de genre et les aider à reconnaître les biais sexistes éventuels présents dans leur cours. Pour les membres de la Tokyo Women’s Foundation, les enjeux du féminisme ne se situent plus du côté de la recherche d’acquis juridiques, mais de la perception et de l’intériorisation de ces enjeux par la société[41]Shockey, N. (2010). Reorganizations of Gender and Nationalism: Gender Bashing and Loliconized Japanese Society. Mechademia, 5, 325–333. http://www.jstor.org/stable/41510971.

L’opposition persistante des conservateur·ices japonais·es à l’éducation gender-free alimente le phénomène d’hikikomori chez les jeunes filles japonaises. Les normes de genre rigides au sein du système éducatif japonais peuvent être identifiées comme l’une des causes du retrait social chez les adolescentes. En refusant de remettre en question les rôles traditionnels assignés aux femmes dans la société, les conservateur·ices contribuent à maintenir des attentes normatives qui limitent les choix et les opportunités des jeunes filles. Cette opposition entrave la mise en œuvre d’une éducation inclusive, diverse et adaptée aux besoins individuels, ce qui peut conduire certaines jeunes filles à se retirer de la vie sociale et éducative, aggravant ainsi le phénomène d‘hikikomori.

Toutefois, les mouvements conservateurs au Japon exercent une résistance importante à l’instauration d’un modèle d’éducation sans genre. Ces groupes s’opposent vigoureusement à l’idée d’éliminer les distinctions de genre dans l’éducation, considérant cela comme une menace potentielle pour les valeurs traditionnelles et le modèle familial japonais. Pour eux, l’introduction d’un modèle éducatif dénué de catégories de genre pourrait entraîner une remise en question des rôles traditionnels assignés aux hommes et aux femmes, ce qui perturberait l’ordre social établi. Leur opposition reflète un clivage profond au sein de la société japonaise entre les aspirations à une égalité de genre et la résistance des conservateur·rices à tout changement perçu comme une menace pour la stabilité culturelle et sociale[42]Yamaguchi, T. (2014). “Gender Free” Feminism in Japan: A Story of Mainstreaming and Backlash. Feminist Studies, 40(3), 541–572. https://www.jstor.org/stable/10.15767/feministstudies.40.3.541.

La nécessité d’une approche multidimensionnelle dans la lutte contre le phénomène d’hikikomori

La lutte contre le phénomène d’hikikomori chez les Japonaises nécessite la mise en place d’une approche holistique, combinant des mesures sociales, éducatives et politiques. Il est indispensable de promouvoir une éducation inclusive et non genrée dans les écoles pour éliminer les stéréotypes de genre et encourager l’autonomie chez les jeunes filles. Il est également nécessaire de sensibiliser les enseignant·es, les parents et les professionnel·les de la santé mentale aux signes précoces de l’hikikomori chez les femmes. Des programmes de prévention du harcèlement au travail, en particulier le harcèlement moral et sexuel, avec des mécanismes de signalement efficaces doivent être envisagés. 

En outre, la mise en œuvre de politiques visant à réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes, promouvoir l’égalité des chances et l’accès équitable aux opportunités professionnelles, y compris dans la vie publique, semble aussi primordiale à la réduction du phénomène d’hikikomori. Enfin, dans le cas où une femme serait identifiée comme étant hikikomori, le Japon doit se doter de services de santé mentale renforcés, en particulier ceux destinés aux adolescent·es, en augmentant le nombre de professionnel·les qualifié·es et en réduisant les barrières d’accès aux soins. 

Les propos contenus dans cet article n’engagent que l’autrice.

Pour citer cet article : Legras, A. (02/02/2024). Les implications du « hikikomori » ou retrait social prolongé sur les femmes au Japon, Institut du Genre en Géopolitique. https://igg-geo.org/?p=18108

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